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Biographie de Louis-Ferdinand Céline

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Louis-Ferdinand Céline

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Louis-Ferdinand Céline. CELINE.Carte d'identité

 

Données clés

Nom de naissance Louis Ferdinand Destouches1
Autres noms Céline
Activités romancier, essayiste, médecin
Naissance 27 mai 1894
Courbevoie, France
Décès 1er juillet 1961   (à 67 ans)
Meudon,  France
Langue d'écriture Français
Genres roman, essai
Distinctions Prix Renaudot 1932
 

 

Louis Ferdinand Destouches, né le 27 mai 1894  à Courbevoie, département de la Seine, et mort le 1er juillet 1961 à Meudon, plus connu sous son nom de plume Louis-Ferdinand Céline (prénom de sa grand-mère et l'un des prénoms de sa mère), généralement abrégé en Céline, est un médecin et écrivain français, le plus traduit et diffusé dans le monde parmi ceux du XXe siècle après Marcel Proust.

Sa pensée pessimiste est teintée de nihilisme. Controversé en raison de ses pamphlets antisémites, c'est un « écrivain engagé »2, d'une proximité coupable avec les collaborationnistes3. Il est cependant, en tant qu'écrivain, considéré comme l'un des plus grands novateurs de la littérature française du XXe siècle, introduisant un style elliptique personnel et très travaillé qui emprunte à l'argot et tend à s'approcher de l'émotion immédiate du langage parlé.Un Rabelais de l'Ere atomique

 

Biographie

Jeunesse en région parisienne

 

Louis Ferdinand Auguste Destouches naît à Courbevoie, au 11, rampe du Pont-de-Neuilly (aujourd'hui chaussée du Président-Paul-Doumer). Il est le fils de Fernand Destouches (Le Havre 1865 - Paris 1932), issu du côté paternel d'une famille de petits commerçants et d'enseignants d'origine normande installés au Havre et bretonne du côté maternel, et de Marguerite Guillou (Paris 1868 - Paris 1945), propriétaire d'un magasin de mode, issue d'une famille bretonne venue s'installer en région parisienne pour travailler comme artisans, et de petits commerçants. Il est baptisé le 28 mai 1894 avant d'être confié à une nourrice. Son père est employé d'assurances et « correspondancier » selon les propres mots de l'écrivain et a des prétentions nobiliaires (parenté revendiquée plus tard par son fils avec le chevalier Destouches, immortalisé par Jules Barbey d'Aurevilly), et sa mère est commerçante en dentelles dans une petite boutique du Passage Choiseul, dont j'ai ramené les images suivantes en 2010.Choiseul10Passage Choiseul OldP1020119

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Le no 64 du passage Choiseul où vécut Louis Destouches enfant.CELINE2

Ses parents déménagent en 1897 et s'installent à Paris, d'abord rue de Babylone puis, un an plus tard, rue Ganneron et enfin, durant l'été 1899, passage Choiseul, dans le quartier de l'Opéra, où Céline passe toute son enfance dans ce qu'il appelle sa « cloche à gaz » en référence à l'éclairage de la galerie par la multitude de becs à gaz au début du XXe siècle.

En 1900, il entre à l'école communale du square Louvois. Après cinq ans, il intègre une école catholique durant une année avant de revenir à un enseignement public. Il reçoit une instruction assez sommaire, malgré deux séjours linguistiques en Allemagne d'abord, à Diepholz pendant un an puis à Karlsruhe, et en Angleterre ensuite. Il occupe de petits emplois durant son adolescence, notamment dans des bijouteries, et s'engage dans l'armée française en 1912, à 18 ans, par devancement d'appel.

Première Guerre mondiale et Afrique

Il rejoint le 12e régiment de cuirassiers à Rambouillet. Il utilisera ses souvenirs d'enfance dans Mort à crédit Mort à Crédit251et ses souvenirs d'incorporation dans Voyage au bout de la nuit ou encore dans Casse-pipe (1949). Il est promu brigadier en 1913, puis maréchal des logis le 5 mai 1914.Le Cuirassier Destouches Quelques semaines avant son vingtième anniversaire, il est ainsi sous-officier.

Trois mois plus tard, son régiment participe aux premiers combats de la Première Guerre mondiale en Flandre-Occidentale. Pour avoir accompli une liaison risquée dans le secteur de Poelkapelle au cours de laquelle il est grièvement blessé à l'épaule droite – et non à la tête, contrairement à une légende tenace qu'il avait lui-même répandue, affirmant avoir été trépané6 –, et dès l'automne 1914 avoir eu le tympan abîmé7, il sera décoré de la Croix de guerre avec étoile d'argent, et de la Médaille militaire, le 24 novembre 1914. Ce fait d'armes sera relaté dans L'Illustré national.

 

Réopéré en janvier 1915, il est déclaré inapte au combat, et est affecté comme auxiliaire au service des visas du consulat français à Londres (dirigé par l'armée en raison de l'état de siège), puis réformé après avoir été déclaré handicapé à 70 % en raison des séquelles de sa blessure. L'expérience de la guerre jouera un rôle décisif dans la formation de son pacifisme et de son pessimisme. Il se marie, à Londres, avec Suzanne Nebout, le 19 janvier 1916, puis contracte un engagement avec une compagnie de traite qui l'envoie au Cameroun, où il part surveiller des plantations. Malade, il rentre en France en 19175.

Rencontre importante qui complète sa formation intellectuelle : il travaille en 1917-1918 auprès du savant-inventeur-journaliste-conférencier Henry de Graffigny. Embauchés ensemble par la mission Rockefeller, ils parcourent la Bretagne en 1918 pour une campagne de prévention de la tuberculose.

La formation du médecinCELINE à 21 ans (1915)

Après la guerre, Louis-Ferdinand Destouches se fixe à Rennes. Il épouse Édith Follet, la fille du directeur de l'école de médecine de Rennes, le 10 août 1919 à Quintin (Côtes-du-Nord). Celle-ci donne naissance à son unique fille, Colette Destouches, le 15 juin 1920. Il prépare alors le baccalauréat, qu'il obtiendra en 1919, puis poursuit des études de médecine de 1920 à 1924 en bénéficiant des programmes allégés réservés aux anciens combattants. Sa thèse de doctorat de médecine, « La vie et l'œuvre de Philippe Ignace Semmelweis » (soutenue en 1924), sera plus tard considérée comme sa première œuvre littéraire.

 

Il publie La Quinine en thérapeutique (1925). Après son doctorat, il est embauché à Genève par la fondation Rockefeller qui subventionne un poste de l'Institut d'hygiène de la SDN, fondé et dirigé par le Dr Rajchman. Sa famille ne l'accompagne pas. Il effectue plusieurs voyages en Afrique et en Amérique avec des médecins. Cela l'amène notamment à visiter les usines Ford au cours d'un séjour à Détroit qui dure un peu moins de 36 heures, le temps pour lui d'être vivement impressionné par le fordisme et plus largement par l'industrialisation. Contrairement à la légende souvent reprise, il n'a jamais été conseiller médical de la société des automobiles Ford à Détroit.

 

Son contrat à la SDN n'ayant pas été renouvelé, il est engagé, après avoir envisagé d'acheter une clinique en banlieue parisienne et un essai d'exercice libéral de la médecine, par le dispensaire de Bezons (1940-1944) où il effectue quatre vacations de deux heures par semaine pour lesquelles il est payé 2 000 F par mois. Il y rencontre Albert Sérouille et lui fera même une fameuse préface à son livre Bezons à travers les âges. Pour compléter ses revenus, il occupera un poste polyvalent de concepteur de documents publicitaires, de spécialités pharmaceutiques et même de visiteur médical dans trois laboratoires pharmaceutiques.

Elizabeth Craig 

 

En 1926, il rencontre à Genève Elizabeth Craig (1902-1989), une danseuse américaine, qui sera la plus grande passion de sa vie. C'est à elle, qu'il surnommera « l'Impératrice », qu'il dédiera Voyage au bout de la nuit. Elle le suit à Paris, rue Lepic, mais le quitte en 1933, peu après la publication du Voyage. Le VOYAGE 001Il partira à sa recherche en Californie, mais ce sera pour apprendre qu'elle a épousé Ben Tankel qui se trouve être Juif ; après quoi on n'entendra plus parler d'elle jusqu'en 1988, date à laquelle l'universitaire américain Alphonse Juilland la retrouvera, quelques jours avant Jean Monnier, qui était sur sa trace également. Elle affirmera alors dans une interview qu'elle craignait qu'en perdant sa beauté avec l'âge, elle finisse par ne plus rien représenter pour lui.

La formation de l'écrivain]

 

Comme beaucoup d'écrivains, Céline a su habilement bâtir toute une série de mythes sur sa personnalité. En même temps que Voyage au bout de la nuit, Céline écrivait des articles pour une revue médicale (La Presse médicale) qui ne correspondent pas à l'image de libertaire qu'on s'est faite de lui. Dans le premier des deux articles publiés dans cette revue en mai 1928, Céline vante les méthodes de l'industriel américain Henry Ford, méthodes consistant à embaucher de préférence « les ouvriers tarés physiquement et mentalement » et que Céline appelle aussi « les déchus de l'existence ». Cette sorte d'ouvriers, remarque Céline, « dépourvus de sens critique et même de vanité élémentaire », forme « une main-d’œuvre stable et qui se résigne mieux qu'une autre ». Céline déplore qu'il n'existe rien encore de semblable en Europe, « sous des prétextes plus ou moins traditionnels, littéraires, toujours futiles et pratiquement désastreux ».

 

Dans le deuxième article, publié en novembre 1928, Céline propose de créer des médecins-policiers d'entreprise, « vaste police médicale et sanitaire » chargée de convaincre les ouvriers « que la plupart des malades peuvent travailler » et que « l'assuré doit travailler le plus possible avec le moins d'interruption possible pour cause de maladie ». Il s'agit, affirme Céline, d'« une entreprise patiente de correction et de rectification intellectuelle » tout à fait réalisable pourtant car « Le public ne demande pas à comprendre, il demande à croire. » Céline conclut sans équivoque : « L'intérêt populaire ? C'est une substance bien infidèle, impulsive et vague. Nous y renonçons volontiers. Ce qui nous paraît beaucoup plus sérieux, c'est l'intérêt patronal et son intérêt économique, point sentimental. » On peut toutefois s'interroger sur la correspondance entre ces écrits et les réels sentiments de Céline, sur le degré d'ironie de ces commentaires « médicaux » (ou sur une éventuelle évolution) car, quelques années plus tard, plusieurs passages de Voyage au bout de la nuit dénonceront clairement l'inhumanité du système capitaliste en général et fordiste en particulier.

 

C'est toute cette partie de sa vie qu'il relate à travers les aventures de son antihéros Ferdinand Bardamu, dans son roman le plus connu, le premier, Voyage au bout de la nuit (1932), pour lequel il reçoit le prix Renaudot, après avoir manqué de peu le prix Goncourt (ce qui provoquera la démission de Lucien Descaves du jury du Goncourt).

 

Son éditeur esi le belge Robert DENOEL qui sera assassiné après la guerreRobert DENOEL


Robert Denoël commence son activité éditoriale en juillet 1928 en s’associant à l'Américain Bernard Steele pour fonder à Paris les « éditions Denoël et Steele ». Durant les années 1930, il se fait connaître comme un éditeur de grand talent publiant des textes d'Antonin ArtaudRoger VitracLouis AragonElsa TrioletJean GenetNathalie SarrauteCharles BraibantPaul VialarSigmund FreudRené AllendyOtto Rank... et particulièrement Louis-Ferdinand Céline et divers auteurs d'extrême droite comme Lucien RebatetRobert Brasillach ou Adolf Hitler. Il dirige également de 1934 à 1939 la maison d'édition La Bourdonnais qui fera paraître une cinquantaine de titres. À partir de 1937, Steele, qui craint la montée de l'antisémitisme en France, part pour les États-Unis dans sa famille très aisée. Denoël poursuit sous le nom les éditions Denoël.

 Grand admirateur de Céline, il fait l'éloge, dans le cahier jaune, en novembre 1941, de la noblesse de la haine propre à l'auteur de Bagatelle pour un massacre1. Denoël est tué à la Libération, le 2 décembre 1945, dans des conditions troubles. Il est touché par une balle de revolver, au sortir de sa voiture garée à l'angle du boulevard des Invalides et de la rue de Grenelle à Paris. Des papiers importants - tel un dossier établissant le comportement collaborationniste de tous les éditeurs parisiens pendant la guerre, rédigé pour préparer sa défense dans un procès intenté à sa maison d'édition - et une valise contenant des pièces et des lingots d'or disparaissent de sa voiture. Il est accompagné de Jeanne Loviton. Ils vont au théâtre. Un pneu crève. Jeanne va chercher du secours. Quand elle revient, Denoël est mort..... et voyez ci-dessous

 

Zones d'ombre autour de l'assassinat de Robert Denoël

 Sa maison d'édition est devenue la propriété de Jeanne Loviton, qui après avoir été l'épouse de Pierre Frondaie puis la maîtresse de Paul Valéry, était devenue la sienne. Cette dernière, moins d'un an après l'assassinat de Denoël, a revendu 90 % des parts à Gaston Gallimard, l'adversaire acharné de Denoël. Au cours des nombreux procès autour de l'assassinat et la succession de Denoël sont apparus les noms de personnalités entendues comme témoins tels l'avocat Pierre Roland-Lévy, proche du Parti communiste français, alors chef de cabinet du ministre du Travail,Ambroise Croizat, et qui a été promu en 1947 membre du Conseil supérieur de la magistrature ; Guillaume Hanoteau, avocat radié du Barreau de Paris, qui devint ensuite dramaturge puis journaliste à Paris-Match en 1952; Jeanne Loviton, écrivain sous le pseudonyme de Jean Voilier. Celle-ci est morte en 1996. Cécile Denoël, l'épouse est morte dans le Midi de la France en 1980. Son fils, Robert Denoël Jr, épousa Arlette Aubinière qui lui donna deux fils, Patrice et Olivier4.

 

Le 1er octobre 1933, Céline prononce à Médan, sur l'invitation de Lucien Descaves, un discours intitulé « Hommage à Zola » lors de la commémoration annuelle de la mort de l'écrivain, qui demeure la seule allocution publique littéraire de sa carrière. À cette époque, en raison de la publication du Voyage, Céline est particulièrement apprécié des milieux de gauche qui voient en lui un porte-parole des milieux populaires et un militant anti-militariste.

L'époque des pamphlets antisémites

 

À la fin des années 1930, alors qu'il est en contact avec Arthur Pfannstiel, un critique d'art et traducteur travaillant pour le Welt-Dienst (service mondial de propagande nazi anti-maçonnique et antisémite), organe auprès duquel il se renseigne, Céline publie deux pamphlets fortement marqués par un antisémitisme virulent9 : Bagatelles pour un massacre (1937) et L'École des cadavres (1938).Bagatelle pour un massare

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Il présente lui-même ces ouvrages ainsi :

« Je viens de publier un livre abominablement antisémite, je vous l'envoie. Je suis l'ennemi n° 1 des juifs ».

Dès la fin des années 1930, Céline se rapproche des milieux d'extrême droite français pro-nazis, en particulier de l'équipe du journal de Louis Darquier de Pellepoix, La France enchaînée.    

L'Occupation]

Sous l'Occupation, Céline envoie des lettres aux journaux collaborationnistes, certaines y sont publiées. Il y fait preuve d'un antisémitisme violent. Par exemple, le 4 septembre 1941, le journal collaborateur Notre combat pour la nouvelle France socialiste publie un article intitulé « Céline nous parle des Juifs » : Céline y déclare

« Pleurer, c'est le triomphe des Juifs ! Réussit admirablement ! Le monde à nous par les larmes ! 20 millions de martyrs bien entrainés c'est une force ! Les persécutés surgissent, hâves, blêmis, de la nuit des temps, des siècles de torture... »

Visitant l'exposition « Le Juif et la France », Céline reproche à Sézille d'avoir éliminé de la librairie de l'exposition Bagatelles pour un massacre et L'École des cadavres. Ces ouvrages sont controversés jusque Bagatelle6568412094chez les nazis : si Karl Epting, directeur de l'Institut allemand de Paris décrit Céline comme « un de ces Français qui ont une relation profonde avec les sources de l'esprit européen », Bernard Payr, qui travaille au service de propagande en France occupée se plaint du fait que Céline « gâcherait » son antisémitisme par des « obscénités » et des « cris d'hystérique ».

Durant cette période, Céline exprime ouvertement son soutien à l'Allemagne nazie. Lorsque celle-ci entre en guerre contre l'Union soviétique, en juin 1941, il déclare :

« pour devenir collaborationniste, j’ai pas attendu que la Kommandantur pavoise au Crillon… On n’y pense pas assez à cette protection de la race blanche. C’est maintenant qu’il faut agir, parce que demain il sera trop tard. […] Doriot s’est comporté comme il l’a toujours fait. C’est un homme… il faut travailler, militer avec Doriot. […] Cette légion (la L.V.F.) si calomniée, si critiquée, c'est la preuve de la vie. […] Moi, je vous le dis, la Légion, c'est très bien, c'est tout ce qu'il y a de bien. ».

Il publie alors Les Beaux Draps, son troisième et dernier pamphlet antisémite (Nouvelles éditions françaises, 1941), dans lequel il exprime clairement sa sympathie pour l'occupant :

« C’est la présence des Allemands qu’est insupportable. Ils sont bien polis, bien convenables. Ils se tiennent comme des boys scouts. Pourtant on peut pas les piffer… Pourquoi je vous demande ? Ils ont humilié personne… Ils ont repoussé l’armée française qui ne demandait qu’à foutre le camp. Ah, si c’était une armée juive alors comment on l’adulerait ! »

En 1943 Hans Grimm membre du SD à Rennes fournira à Louis Ferdinand Céline une autorisation pour se rendre en villégiature à Saint-Malo (zone d'accès limité à cette période du conflit). L’auteur lui offrira un exemplaire d'une première édition d'un de ses romans.

L'exil : Sigmaringen, puis le Danemark 

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Après le débarquement du 6 juin 1944, Céline, craignant pour sa vie, quitte la France le 14 juin 1944 et se retrouve d'abord à Baden-Baden, en Allemagne, avant de partir pour Berlin, puis pour Kraenzlin (le Zornhof de Nord), d'où il ne peut rejoindre le Danemark... Apprenant que le gouvernement français se forme à Sigmaringen, Céline propose alors à Fernand de Brinon, le représentant de Vichy pour la France occupée, d'y exercer la médecine ; celui-ci accepte. Céline gagne par le train Sigmaringen, voyage qu'il relate dans Rigodon ; là-bas, il côtoie le dernier carré des pétainistes et des dignitaires du régime de Vichy (D'un château l'autre)

 Ci-dessous le château de Sigmaringen où Céline fut emprisonné dès novembre 1944.Sigmaringen013 C'est seulement après, le 22 mars 1945, qu'il quitte Sigmaringen pour le Danemark, occupé par les Allemands, afin de récupérer son or, qui y est conservé.

Chronologiquement, la « trilogie » allemande commence par D'un château l'autre, se continue par Nord NORD246

et finit par le livre posthume Rigodon. Céline, dans Nord, fait plusieurs allusions à D'un château l'autre. Il atteint enfin le Danemark pour y vivre en captivité : près d'une année et demie de prison, et plus de quatre ans dans une maison au confort rudimentaire près de la mer Baltique.

Il vit dans un taudis qu'il ne peut chauffer, et est boycotté par le monde littéraire. En 1950, dans le cadre de l'Épuration, il est condamné, pour collaboration, à une année d'emprisonnement (qu'il a déjà effectuée au Danemark), à 50 000 francs d'amende, à la confiscation de la moitié de ses biens et à l'indignité nationale. Raoul Nordling, consul général de Suède à Paris, serait intervenu en sa faveur auprès de Gustav Rasmussen, ministre danois des affaires étrangères, pour retarder son extradition et aurait écrit en sa faveur au président de la Cour de justice qui le jugeait par contumace

Retour en France 

 

En avril 1951, Tixier-Vignancour son avocat depuis 1948, obtient l'amnistie de Céline au titre de « grand invalide de guerre » (depuis 1914) en présentant son dossier sous le nom de Louis-Ferdinand Destouches sans qu'aucun magistrat ne fasse le rapprochement. De retour de Copenhague l'été suivant, Céline et son épouse - ils sont mariés depuis 1943- Lucette (née Almanzor, le 20 juillet 1912 à Paris) s'installent chez des amis à Nice en juillet 1951. Son éditeur Robert Denoël ayant été assassiné en 1945, il signe le même mois un contrat de cinq millions de francs avec Gaston Gallimard pour la publication de Féerie pour une autre fois, la réédition de Voyage au bout de la nuit, de Mort à crédit et d'autres ouvrages.

CELINE Meudon 1959CELINE

En octobre de la même année le couple s'installe dans un pavillon vétuste, route des Gardes, à Meudon, dans les Hauts-de-Seine (à l'époque, département de la Seine-et-Oise). Inscrit à l'Ordre des médecins, le Docteur L.-F. Destouches, docteur en médecine de la Faculté de Paris accroche une plaque professionnelle au grillage qui enclot la propriété, ainsi qu'une plaque pour Lucette Almanzor qui annonce les cours de danse classique et de caractère que son épouse donne dans le pavillon.Celine1266CELINE Meudon 1957Celine 2267c Il vit pendant plusieurs années des avances de Gallimard jusqu'à ce qu'il renoue avec le succès, à partir de 1957, grâce à sa « Trilogie allemande », dans laquelle il romance son exil.CELINE 1955CELINE en 1960 (66 ans.Un an avant sa Mort)

  CELINE Meudon 1959
La tombe de Céline au cimetière de Meudon. Il voulait être jeté dans la fosse publique mais sa femme Lucette n'en a pas eu le couragetombe63593472

tombe63593472

Publiés successivement et séparément, D'un château l'autre (1957), Nord (1960) et Rigodon (1969) forment en réalité trois volets d'un seul roman. Céline s'y met personnellement en scène comme personnage et comme narrateur.

 

Louis-Ferdinand Destouches décède à son domicile de Meudon, le 1er juillet 1961, vraisemblablement des suites d'une artériosclérose cérébrale - bien que d'autres pathologies soient parfois évoquées - laissant veuve Lucette Destouches. Il est enterré au cimetière des Longs Réages, à Meudon ; le pavillon qu'il occupait brûlera en mai 1968, détruisant alors ses lettres et manuscrits.

Le style Céline]

 

Le style littéraire de Louis-Ferdinand Céline est souvent décrit comme ayant représenté une « révolution littéraire ». Il renouvelle en son temps le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités, dans ce qu'il appelle sa « petite musique ». Le vocabulaire à la fois argotique et scientifique, familier et recherché, est au service d'une terrible lucidité, oscillant entre désespoir et humour, violence et tendresse. Révolution stylistique et réelle révolte (le critique littéraire

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Un témoignage inédit sur l'enterrement de Céline

PAR ROGER GRENIER. C'était il y a exactement cinquante ans. Début juillet 1961, ils étaient une poignée aux obsèques de Céline. Parmi eux se trouvait l'écrivain Roger Grenier, qui se souvient du Bas-Meudon, de Lucien Rebatet, de la pluie fine et du corbillard qui avance dans le petit matin.

Mort le 1er juillet 1961, Louis-Ferdinand Céline fut enterré trois jours plus tard, dans la discrétion, à Meudon. La photographie qui le montre ici chez lui avait été prise l'été précédent, en juillet 1960, par Pierre Duverger. © collection Pierre DUVERGER / Fonds Louis-Ferdinand Celine / IMEC ImagesMort le 1er juillet 1961, Louis-Ferdinand Céline fut enterré trois jours plus tard, dans la discrétion, à Meudon. La photographie qui le montre ici chez lui avait été prise l'été précédent, en juillet 1960, par Pierre Duverger. © collection Pierre DUVERGER / Fonds Louis-Ferdinand Celine / IMEC Images

D'UN ENTERREMENT L'AUTRE

Quand André Gide est mort, en 1951, le seul journaliste disponible à «France-Soir» était un spécialiste du fait divers, d'ailleurs excellent. On l'expédia rue Vaneau. Il ne rappela que le soir:«Aucun intérêt, c'est une mort naturelle.» C'est sans doute pour éviter un tel malentendu que, pour l'enterrement de Céline, comme j'étais catalogué littéraire, c'est moi qui fus envoyé.

Céline est mort le samedi 1er juillet 1961.Ses voisins ne l'ont su que lorsqu'ils ont vu apporter son cercueil. Lucette Almanzor aurait voulu un enterrement le plus intime possible, sans journalistes. Mais il a dû y avoir une fuite. Je pense que Roger Nimier a prévenu Pierre Lazareff. Bref, avec mon ami André Halphen, de «Paris-Presse», nous n'étions que deux reporters.

Je revois le Bas-Meudon, sous une petite pluie, tôt le matin. Sortant de la villa Maïtou, pavillon vieillot, 23 ter route des Gardes, descendant le jardin banlieusard pour rejoindre le corbillard, le cercueil était suivi d'un tout petit nombre de personnes: la fille de Céline, née d'un premier mariage, Roger Nimier, Marcel Aymé, Claude Gallimard, Max Revol, Jean-Roger Caussimon et la comédienne Renée Cosima, qui était la femme de Gwenn-Aël Bolloré. J'ai reconnu aussi Lucien Rebatet. En novembre 1946, j'avais assisté au procès de «Je suis partout» et je l'avais vu condamner à mort.

31 12 09 roger grenier camus
Né en 1919, écrivain et éditeur chez Gallimard, Roger Grenier a été journaliste à "France-Soir" après avoir fait ses débuts, au côté d'Albert Camus, à "Combat". (DR)

Suivi de quelques voitures, le corbillard entama la montée, à travers les rues de Meudon, vers le cimetière des Longs-Réages. Il continuait à pleuvoir. Le convoi n'est pas passé par l'église, et il n'y a pas eu de discours. A peine au cimetière, le cercueil a été glissé dans la fosse. Quelques fleurs et c'en fut fini à jamais du docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, dont la vie fut si longtemps pleine de bruit et de fureur. Il était à peine 9 heures du matin. Dans mon reportage de «France-Soir», je m'étais permis d'écrire: «Il est toujours triste d'être obligé d'avoir honte d'un grand écrivain.»

L'après-midi de ce mardi 4 juillet, je suis allé interviewer, dans un hôtel parisien, Karen Blixen, qui, dans son grand âge, ressemblait à la momie de Ramsès II.

Céline est mort à Meudon le 1er juillet. Le 2, à Ketchum (Idaho), Ernest Hemingway mettait fin à ses jours. Une semaine après avoir assuré le reportage de l'enterrement de Céline, j'étais à Pampelune en train d'enregistrer pour la radio une messe que le matador Antonio Ordoñez faisait célébrer, dans la chapelle San Fermin de l'église San Lorenzo, à la mémoire de son célèbre afcionado. Orson Welles était là, ainsi que quelques vedettes du cinéma et de la littérature qui semblaient s'être donné le mot pour se retrouver à la Feria de Pampelune, en souvenir d'Ernesto.

Roger Grenier

Dernier livre paru: «le Palais des livres» 


Le Journal de Christian Vancau

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Mon journal a été commencé fin 1980. Il a donc ce 5 octobre 2014, 34 ans mais contient des écrits-souvenirs, documents et  photos qui remontent à 1937, année de ma naissance. On peut donc dire qu'il couvre 77 ans soit plus de trois-quart de siècle

 

A ce jour il compte 178 tomes pour un total de 53.170 pages avec des milliers de photos

 

Son Format = 21 cms sur 16,5

 

Il compte 288 pages par volume

 

Sa couverture et rouge et noire

 

La page de gauche est "écriture" et celle de droite recueille documents, photos et courriers-mails avec de nombreuses personnes

 

C'est évidemment aussi un journal de voyages puisqu'il parle de mon quotidien

 

Voici quelques pages relatant mon dernier voyage en Bourgogne

 

Je cherche une institution à qui je pourrais le léguer après ma mort. Je vais avoir 77 ans

Le Journal de Christian Vancau
Le Journal de Christian Vancau
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Les "Gueules" d'Antonin ARTAUD

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Il lit Baudelaire à 14 ans et prend de l'opium à vingt-trois. Fait de la fuguration et des dépressions. Se brouille avec Dullin, Breton, Paulhan. Ecrit, crie, manifeste, invente, aime. S'évade au Mexique et en Irlande. Puis meurt misérable à l'asile d'Ivry.

Voici quelques photos de lui dans le cours de sa vie...douloureuse.

 Antonin ARTAUD, écrivain français, (acteur et comédien ) , né à Marseille le 4 septembre 1896. Décédé à Ivry-sur-Seine, le 4 mars 1948, à 51 ans.
Voici Artaud photographié par Man Ray (Revue Obliques)Photos d'Antonin ARTAUDArtaud à Marseille à 18 ans, en Juillet 1914 . ARTAUD à 18 ans-MarseilleARTAUD 4
En 1926 dans Le Juif errant de Luitz-MoratnARTAUD dans 1926ARTAUD dans Jeanne d'Arc-1928ARTAUD 10Portrait par Man RayARTAUD 15ARTAUD 12Artaud à l'Asile d'Ivry-sur-Seine et à RodezARTAUD à Rodez1ARTAUD 9ARTAUD 14ARTAUD 7ARTAUD 8ARTAUD 6

Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain

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Colette

 
Page d'aide sur l'homonymie Colette
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Portrait de Colette en 1932.

 
Nom de Naissance Sidonie-Gabrielle Colette
Activités écrivaine
Naissance 28 janvier 1873
Saint-Sauveur-en-Puisaye (France)
Décès 3 août 1954 (à 81 ans)
Paris (France)
Langue d'écriture français
Genres Roman

Œuvres principales

Signature

Signature de Colette

Colette, nom de plume de Sidonie-Gabrielle Colette née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) et morte le 3 août 1954 à Paris, est une femme de lettres française, connue surtout comme romancière, mais qui fut aussi mimeactrice et journaliste.

Après Judith Gautier en 1910, Colette est la deuxième femme élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Elle en est également la première femme présidente, entre 1949 et 1954.

 

 

Biographie

 
Colette en 1896, par Jacques Humbert.

Dernière des quatre enfants (deux filles et deux garçons) de Sidonie Landoy (« Sido ») et du capitaine Jules-Joseph Colette (saint-cyrienzouave qui a perdu une jambe lors de la bataille de Melegnano et est fait percepteur à Saint-Sauveur-en-Puisaye), celle qui deviendra Colette a vécu une enfance heureuse à Saint-Sauveur-en-Puisaye, gros village de Bourgogne Adorée par sa mère comme un « joyau tout en or » au sein d’une nature fraternelle, elle reçoit une éducation laïque. Sido, féministe et athée convaincue qui ne craint pas de troubler le curé de Saint-Sauveur avec son chien ou de lire Corneille caché dans un missel, lui apprend l'art de l'observation, notamment dans le jardin donnant sur la cour de la maison.

 

La jeune Colette lit très tôt les grands classiques et prend des leçons de français comme de style auprès de son père, grand lecteur de journaux. Sido ayant des goûts de luxe que son mari ne sait lui refuser, la famille ruinée doit quitter Saint-Sauveur et s’installe en novembre 1891 à Châtillon-sur-Loing. Adolescente, Colette rencontre Henry Gauthier-Villars, séducteur compulsif surnommé « Willy », avec qui elle se marie le 15 mai 1893 à Châtillon-sur-Loing. Willy, critique musical très influent et auteur de romans populaires, est un viveur parisien qui fait également travailler à son profit une équipe de collaborateurs dans son atelier parisien de la maison d’édition Gauthier-Villars au 55 quai des Grands-Augustins, dans laquelle s'installe le couple au dernier étage. Il introduit Colette dans les cercles littéraires et musicaux de la capitale où la jeune femme fait sensation avec l'accent rocailleux de sa Bourgogne natale. Vite saisi par les dons d’écriture de sa jeune épouse, Willy l'utilise elle aussi comme nègre littéraire (le premier manuscrit de Colette date de 1893 puis dès 1895 l’engage à écrire ses souvenirs d’école, qu’il signe sans vergogne de son seul nom. Cela donne Claudine à l'école, bientôt suivi d’une série de Claudine (La Maison de ClaudineClaudine à ParisClaudine en ménage, etc.), qui sont donc publiés sous le nom du seul Willy.

 

Willy est, entre autres, l'amant de la femme d'Emile Cohl, Marie-Louise Servat, avec laquelle il avait eu un fils, Jacques Henry Gauthier-Villars (ce fils de Willy est né avant que celui-ci ne commence à fréquenter Colette, en 1889, et donc bien avant son mariage avec elle, c'est d'ailleurs en mettant cet enfant en nourrice à Châtillon-Coligny qu'il a commencé à fréquenter Colette). Colette, jalouse et consternée de devoir être enfermée dans un rôle d’épouse bafouée, se libère de plus en plus de cette tutelle. En 1905, elle publie le premier livre sous son nom de Colette Willy, Dialogues de bêtes. Encouragée par le comédien et mime Georges Wague (1874-1965), elle commence alors une carrière au music hall (1906-1912), où elle présente des pantomimes orientales (« la première mime féminine de mon temps » écrit-elle) dans des tenues très légères (la Préfecture de Police interdit notamment son spectacle de pantomime nu sous une peau de panthère), puis se produit au théâtre Marigny, au Moulin Rouge, au Bataclan ou en province (ces spectacles transparaîtront dans La Vagabonde ou L’envers du music-hall). Ce sont des années de scandale et de libération morale : elle divorce de Willy en 1906, connaît plusieurs aventures féminines, notamment avec Mathilde de Morny (Missy), fille du duc de Morny et sa partenaire sur scène, en 1911, chez qui elle vit le plus souvent et qui lui a offert la villa Roz Ven à Saint-Coulomb en Bretagne, ou Natalie Clifford Barney dite « l'Amazone ». Durant toute cette période, Colette chemine aussi dans sa vocation d'écrivain. Elle publie des ouvrages évoquant ces années, comme La VagabondeL'Envers du music-hall ou En tournée.

 
Colette mime, en 1907.

 

Colette fréquente assidûment la Côte d'Azur. Elle séjourne un temps dans sa villa de Guerrevieille, à Sainte-Maxime, puis elle s'installe plus longuement à La Treille-Muscate, à Saint-Tropez (auquel elle consacre de nombreux essais ou romans comme La Naissance du jourBella VistaPrisons et paradis ou Journal à rebours), qu'elle quitte en 1938 en se plaignant de l'affluence trop importante de touristes à la suite de la promotion de son maire Léon Volterra. Colette vend alors sa villa à Charles Vanel.

En 1932, Colette, qui a besoin de gagner sa vie, ouvre rue de Miromesnil à Paris un institut de beauté.

Pendant l'Occupation, Colette séjourne quelques mois chez sa fille en Corrèze dans le village de Curemonte puis revient à Paris, avec Maurice Goudeket (qu'elle sauva de la Gestapo), passer toute la durée de la guerre dans son appaartementdu Palais-Royal au 9 de la rue de Beaujolais. Immobilisée dans sa « solitude en hauteur » dans son « lit-radeau » (offert par la Princesse de Polignac) par une arthrite de la hanche, elle continue d'écrire à partir des fenêtres, véritables portes ouvertes sur le monde.

 

En 1945, Colette est élue à l'unanimité à l'Académie Goncourt, dont elle devient présidente en 1949. Ayant vite compris que la célébrité passe par la maîtrise de son image, elle devient l'écrivain la plus photographiée du XXe siècle4. Les Œuvres complètes de Colette sont publiées en quinze volumes par la maison d'édition Le Fleuron, créée par Maurice Goudeket. En 1952 elle interprète son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon intitulé simplement Colette et qui est devenu un classique du genre, puisqu'il s'agit du seul film qu'elle interprète

En 1953, elle est élevée à la dignité de grand officier de la Légion d'Honneur. Elle compte Jean Cocteau parmi ses voisins.. Sur ses vieux jours, celui qu'elle surnomme « son meilleur ami », c'est-à-dire Maurice Goudeket, l'aide à supporter son arthrose.

Elle meurt le 3 août 1954.

 

En dépit de sa réputation sulfureuse et du refus par l'Eglise catholique d'un enterrement religieux, Colette est la première femme à laquelle la République ait accordé des obsèques nationales. Elle est enterrée au Cimetière du Père Lachaise à Paris. Sa fille repose à ses côtés.

 
tombe de Colette (cimetière du Père Lachaise)

 

 

Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain

« Vu le commis voyageur Willy bardé de jeux de mots et d'à-peu-près à rendre jaloux le plus exubérant rat-de-table d'hôtes. Près de lui Colette, plus Polaire que jamais, avec sa mine d'enfant gâté et méchant, de cancre femelle, insupportable et contente d'elle. »

Après son divorce, Colette a une brève liaison avec Auguste-Olympe Hériot, rencontré à la fin de 1909. Puis elle fait la connaissance de Henry de Jouvenel, politicien et journaliste, qu'elle épouse en 1912 et qui l'engage à donner quelques billets et reportages au journal Le Matin, dont il est le rédacteur en chef. De lui, à Castel Novel de Varetz (Corrèze), elle aura sa seule enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite « Bel-Gazou » (« beau gazouillis » en provençal). À plus de quarante ans, alors que son mari la trompe, elle joue un rôle d'initiatrice à l'amour auprès du fils de son époux, Bertrand de Jouvenel qui n'a pas encore dix-sept ans. relation qui durera cinq années et nourrira les thèmes et les situations dans Le Blé en herbe. Pour ce qui concerne Chéri, c'est un fantasme devenu réalité, puisque le livre est publié en 1920 alors que sa conception remonte à 1912, soit quelques années avant sa liaison avec Bertrand de Jouvenel. Le divorce d'avec Henry de Jouvenel sera prononcé en 1923. Comme elle le fera pour Willy dans Mes apprentissages, Colette se vengera de son ex-mari par un roman, Julie de Carneilhan.

En juin 1919, Colette, directrice littéraire du journal Le Matin, contacte Léopold Marchand, figure marquante du théâtre entre les deux guerres, pour contribuer à une nouvelle rubrique dénommée Mille et un Matins. C'est au Matin que Colette embauche Hélène Picard, qui devient par la suite son amie, comme secrétaire. Colette invite  Léopold Marchand dans sa demeure bretonne de Roz Ven à Saint-Coulomb près de Saint-Malo. En 1921, Léopold Marchand collabore avec Colette à l’adaptation théâtrale de Chéri. Il s'occupe de la mise en scène de Chéri et joue même un rôle. En 1923, Léopold Marchand adapte pour le théâtre le roman de Colette La Vagabonde. Colette a publié dans La Jumelle noire l'ensemble des critiques littéraires qu'elle a écrites sur les pièces de Léopold Marchand.

Mélomane avertie, Colette collabore avec Maurice Ravel entre 1919 et 1925 pour la fantaisie lyrique L'Enfant et les Sortilèges. Elle a été l'amie de la reine Elisabeth de Belgique, de Marguerite Moreno, de Renée Vivien, et a eu quelques brouilles avec la célèbre demi-mondaine de la Belle Epoque, Liane de Pougy.

Elle rencontre son troisième mari, Maurice GOUDEKET, en accompagnant son amie Marguerite Moreno, chez Madame Andrée Bloch-Levalois, au début de l'année 1925.

Colette dans son appartement de l'hôtel Claridge, 74 avenue des Champs-Élysées à Paris, en 1932.
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain

Les enjeux de l'écriture

Colette arrive à se démarquer de ses contemporains (André GideRomain Rolland ou encore Jean Giraudoux) grâce aux sujets qu'elle aborde. Elle montre un style épuré mais élevé. Elle trouve sa place parmi les romanciers régionalistes qui se sont imposés durant l'entre-deux-guerres, à travers, entre autres, les descriptions de sa région natale, la Bourgogne.

Une attention croissante à la justesse des mots, notamment lorsqu’ils sont chargés d'exprimer l'effusion dans la nature, une sensualité librement épanouie pour revendiquer les droits de la chair sur l'esprit et ceux de la femme sur l’homme, voilà quelles sont les lignes de force de cette écriture.

Par ailleurs, l'écriture de Colette est plus complexe et moderne qu'elle ne semble le laisser supposer au premier abord.

 
Palais Royal, sa « petite province » et sa dernière demeure.

En 1999, Serge Doubrowski, inventeur du terme moderne d'autofiction qu'il appréhende en dernier ressort comme une variante de l'autobiographie, considère Colette comme une pionnière illustrant sa conception : « On découvre quand même chez Colette, un livre qui s'appelle La Naissance du jour qui a paru en 1928 et qui, à l'origine,portait sur son péritexte le sous-titre roman. Et dans le roman de Colette, La Naissance du Jour, on trouve un personnage de femme âgée qui s'appelle Colette. Ensuite, on apprend qu'elle a écrit les Claudine. Bref, elle s'est mise en scène comme le personnage d'un roman écrit par Colette sur Colette. »

Colette et la Belgique

Les liens entre Colette et la Belgique sont étroits. Son grand-père combattit à la Bataille de Waterloo, son oncle fut directeur des casinos d'Ostende et sa mère, Sidonie Landoy, dite « Sido », au décès de ses parents, alla rejoindre ses frères journalistes à Bruxelles où elle vécut de longues années. À l'âge de six ans, elle a séjourné dans la commune de Saint-Josse-ten-Noode au numéro 25 de la rue Botanique.

Contre toute attente, Sido a découvert et partagé la vie d'artistes en vue : peintres, écrivains et musiciens. Mais sans dot ni métier, elle s'est résignée au mariage et est repartie dans l'Yonne. Cependant elle n'oublia pas la Belgique et conta ses charmes à sa fille, Colette. Dans les Lettres à Missy, Colette fait plusieurs fois mention de ses passages à Liège ou à Bruxelles où elle se rendait lors de ses tournées et séjournait notamment à lhôtel Métropole — qui existe toujours Place de Brouckère. Le 14 mai 1909, lors d'une étape de sa tournée Claudine à Liège, Colette se laisse séduire par la ville, la trouvant « la plus française des villes belges » — par allusion aux grands magasins qui s'y développaient, comme à Paris.

Elle séjourne aussi plusieurs fois à Bruxelles, notamment du 4 au 17 février 1910, où elle présente La Chair — pièce de Georges Wague — qui fera scandale car elle y paraissait dévêtue. Dans son édition du 6 février, le journal Le Soir relate cet événement avec un grand engouement pour les comédiens : « La pantomime La Chair qui a eu un grand succès à Paris et sur laquelle M. Chantrier a écrit une musique charmante, a été interprétée avec conviction par Colette Willy, Christine Kerf et Georges Wague ».

En 1922, Georges Simenon, alors rédacteur au journal liégeois La Gazette de Liège, se rend à Paris et rencontre Colette, directrice littéraire du journal « Matin ». Il travaille comme secrétaire chez l’écrivain Binet-Valmer et commence à lui envoyer des textes. Dans un premier temps, Colette les refusera tous. Pourtant, « la petite idole » retient enfin son attention malgré le scepticisme quant à son écriture. En effet, elle le jugera trop littéraire et lui conseillera de ne pas faire de la littérature. Simenon ne le comprit pas directement mais essaya une écriture plus simple. Le 27 septembre 1923, la romancière accepte finalement de le publier. Simenon rendra hommage plus tard aux précieux conseils reçus de l'écrivaine. Lorsque Colette fut primée à l’Académie Goncourt, le 2 mai 1944, elle reçut une lettre de Simenon la félicitant. Elle y répondit : « Cher Simenon, merci. Tout le monde est si gentil que je n’ai plus de papier à lettres ! Je viens de lire La Fuite de Monsieur Monde. Cette profonde tristesse de vos héros me frappe beaucoup. Une grande poignée de main. »

L’Académie royale de langue et littérature françaises élit Colette en remplacement de la Comtesse de Noailles. L’honneur fut reçu par Colette et la décision approuvée par le roi Léopold III malgré les reproches de son commerce esthétique et sa relation avec Mathilde de Morny, dite Missy. Même la reine Élisabeth, son amie et mère de Léopold III, lui adressa une lettre de félicitations.

Colette rencontra la Reine Elisabeth de Bavière en novembre 1931. Elle rapporte cette rencontre dans Paris-Soir, le 13 octobre 1938. Elle décrit la beauté de la jeunesse persistante de cette reine-artiste. Leur amitié a duré jusqu’à la mort de la romancière. Colette accueillit la reine chez elle le 2 avril 1946, après son élection à l’académie Goncourt. Alors qu’elle commençait à avoir certaines difficultés à marcher dues à son arthrite, la reine se rendit à plusieurs reprises à son chevet. Toutefois, si elle ne pouvait rendre visite à Colette, elle lui envoyait des lettres, des présents et des promesses de visite. Cette promesse fut tenue le 10 mars 1949. C’est lors de ces retrouvailles que Colette offrit son unique exemplaire de Pour un herbier. Quatre jours plus tard, elle décrivait la reine Élisabeth dans Les Lettres aux Petites Fermières : « C’est une des rares créatures qui inspirent le dévouement, tant elle est prodigue d’elle-même. » De même que pour la reine, Colette comptait parmi ses amis particuliers.

Le 14 novembre 1954 un hommage a été rendu à Colette au Palais des beaux-arts de Bruxelles, en présence de Maurice Goudeket, son mari et de la reine Élisabeth. La reine assista également à la réception de Jean Cocteau à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, qui reçut la place de Colette.

Colette et la bisexualité

 
Willy, Colette et Polaire
Dessin satirique de Sem.

La bisexualité tient un rôle primordial dans la vie de Colette, autant dans son existence personnelle que dans son œuvre artistique.

Si son mari Henry Gauthier-Villars exige d'elle une fidélité hétérosexuelle (que lui-même ne respecte pas), il n'a aucune objection à ce que Colette expérimente une vie extra-maritale avec des femmes. En 1906, Colette quitte son mari et s'engage plus ou moins publiquement dans une relation amoureuse avec la Marquise de Belbeuf. Un soir, Colette et la Marquise choquent l'audience durant une représentation au Moulin Rouge aux tonalités ouvertement homoérotiques : une scène de baiser entre les deux femmes cause un énorme scandale, cette affaire déclenchant jusqu'à l'intervention du préfet de police de Paris. Après cet épisode lesbien, Colette se marie avec Henry de Jouvenel en 1912, dont elle était tombée éperdument amoureuse lors de sa première rencontre quelques mois auparavant. De ce mariage est issue une fille. Après une liaison avec le jeune fils du premier mariage de son mari, Bertrand de Jouvenel, âgé de 17 ans, Colette s'est finalement mariée une troisième et dernière fois, à Mauride Goudeket en 1935.

Du côté de sa production littéraire, la bisexualité est également un élément récurrent de son œuvre, à commencer par sa série de romans Claudine, ses tous premiers romans, qui dépeignent, outre la protagoniste, de nombreuses femmes bisexuelles. Ainsi, une partie des thèmes abordés dans sa littérature est autobiographique. Colette est également l'auteur d'un ouvrage de réflexion sur l'Amour et la sexualité, Le Pur et l'Impur, qui puise dans des exemples d'expériences hétérosexuelles comme homosexuelles.

Pour toutes ces raisons, Colette a été étiquetée « Reine de la bisexualité » par Julia Kristeva.

 

Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
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Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain

Œuvres

 
Couverture de Claudine à l'école.
 
Caricature de Sem
  • 1938 : La Jumelle noire (quatre tomes de recueil de critiques littéraires et cinématographiques : tome I (1934), tome II (1935), tome III (1937), tome IV (1938))
  • 1939 : Le Toutounier (SUITE de Duo)
  • 1940 : Chambre d'hôtel
  • 1943 : Le Képi
  • 1943 : Nudité
  • 1944 : Gigi
  • 1946 : L'Étoile Vesper
  • 1941 : Julie de Carneilhan
  • 1941 : Journal à rebours
  • 1944 : Paris de ma fenêtre
  • 1949 : Le Fanal bleu
  • 1953 : Paradis Terrestre

Posthume

  • 1955 : Belles Saisons (Flammarion).
  • 1958 : Paysages et Portraits (Flammarion).

Correspondances

  • 2003 : Lettres à sa fille (1916-1953), réunies, présentées et annotées par Anne de Jouvenel, Gallimard, collection Blanche. (Réédition Gallimard, collection Folio (No 4309), 2006).
  • 2009 : Lettres à Missy, édition présentée et annotée par Samia Bordji et Frédéric Maget, Paris, Flammarion.
  • 2004 : Colette Lettres à Tonton (1942-1947) réunies par Robert D., édition établie par François Saint Hilaire, Édition Mille et Une Nuits Colette n°437
  • 2012 : Sido, Lettres à Colette, édition présentée et annotée par Gérard Bonal, éditions Phébus.
  • 2014 : Un bien grand amour. Lettres de Colette à Musidora, présentées par Gérard Bonal, L'Herne.

Autres publications posthumes

 
Illustration de Lelong
pour Les Vrilles de la vigne, 1930
 
Toby-chien par Lelong
Les Vrilles de la vigne, 1930
  • 1992 : Histoires pour Bel-Gazou (nouvelles), Hachette, Illustrations Alain Millerand
  • 2010 : Colette journaliste : Chroniques et reportages (1893-1945), inédit. Présentation de G. Bonal et F. Maget.
  • 2011 : J'aime être gourmande, présentation de G. Bonal et F. Maget - introduction de G. Martin, coll. Carnets, L’Herne, Paris.

Au théâtre

Adaptations

Cinéma

Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
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Postérité

En 1956 est créée la Société des amis de Colette association reconnue d'utilité publique qui publie depuis 1977 les Cahiers Colette, rassemblant des inédits de l'auteur, des témoignages et des études originales5.

Un Musée COLETTE a été créé dans le château dominant la maison natale de Colette, maison bourgeoise sise rue de l’Hospice - devenue rue Colette.

Le 29 septembre 2011, la Société des amis de Colette avec l'aide de l'État acquiert pour 300 000 euros la maison natale de Colette de Saint-Sauveur-en-Puisaye, en vente depuis 2007. Cette maison bourgeoise à la façade austère avec ses jardins du bas et du haut, rejoint l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques et est destinée à être réhabilitée pour obtenir le label des Maisons des Illustres.

Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014
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Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014

Le Musée COLETTE, dans le Château de St Sauveur-en-Puisaye, extérieurs et intérieurs et à la fin, la maison de Colette. Photos prises par Christian Vancau ce 31 août 2014

Et voici la documentation écrite que j'ai pu ramener du Musée Colette

Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain
Sidonie Gabrielle COLETTE, écrivain

Rimbaud, de sa naissance à sa mort

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Cette peinture à l'Huile a été réalisée par mon amie belge BRUXELLO.(Voir Bruxello se déchaîne sur Facebook)

 

Bruxello-Rimbaud 574736683 834236683 2088671 5088429 nhSa maison natale, l'actuelle Librairie Rimbaud Rue Thiers et Grande RueRue Thiers-Librairie Rimbaud

Le Quai Rimbaud face au Musée RimbaudCharleville Quai Rimbaud

Charleville Le Musée Rimbaud2Charleville Le Musée Rimbaud-copie-1La Place DucaleCharleville Place Ducale

Place-Ducale.jpgRimbaud Dernière photoCi-dessus, dernière photo découverte de Rimbaud

Ci-dessous le cimetière de Charleville, avec, à droite, la tombe d'Arthur, décédé en 1891  et à gauche celle de sa soeur Vitalie, décédée à 17 ans et en dessous, celle d'Isabelle, son autre soeurTombe Rimbaud  tombe 400

René CHAR, l 'Anarchiste acharné

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A 20 ans

 

René Char représente en France, un paradoxe. Sinon hermétique, du moins "difficile", il est néanmoins l'un des poètes modernes, sinon le poète, le plus célèbre et le plus fréquenté par les lecteurs. Surréaliste puis éloigné peu à peu du mouvement surréaliste, Résistant de première heure (Capitaine Alexandre), puis retrait de la politique, sinon pour défendre chaque fois qu'elle était en jeu la liberté, donc farouchement opposé au stalinisme, ayant toujours lié poésie et peinture, dans des manuscrits enluminés comme par les lithographies, dessins, peintures dont il enrichissait ses plaquettes,

Char est sur tous les fronts de la culture, de l'indépendance de la poésie, de, comme disait Maurice Blanchot, "la poésie de la poésie". Du commentaire inspiré, ligne à ligne, de ses poèmes par Paul Veyne, aux oeuvres des peintres amis, jusqu'à la parole de Heidegger aux "Séminaires du Thor", par la narration philosophique qu'en fait Jean Beaufret, voici quelques allures d'un des grands voyants de notre temps..

(Extrait du magazine littéraire n°340 de février 1996)

René Char (2) 

 

Albert Camus a écrit:"Je tiens René Char pour notre plus grand poète vivant et "Fureur et Mystère" pour ce que la poèsie française nous a donné de plus surprenant depuis Les Illuminations et Alcools (Apollinaire) "

 

Maurice Blanchot dans "L'Entretien Infini": "...Les phrases de René Char, îles de sens, sont, plutôt que coordonnées, posées les unes sur les autres, d'une puissante stabilité, comme les grandes pierres des temples égyptiens qui tiennent debout sans lien, d'une compacité extrême et toutefois capables d'une dérive infinie, délivrant une possibilité fugace, destinant le plus lourd au plus léger, le plus abrupt au plus tendre, comme le plus abstrait au plus vivace"

 

 

C'était un écrivain, qui, très tôt conscient que la barbarie nazie menaçait la civilisation, troqua sa plume contre les armes.

 

C'était un chef du maquis qui fit voeu de silence pendant quatre années.

 

C'était une force de la nature, un géant magnétique, né sous le signe du feu.

 

C'était un apôtre de la révolution par l'art qui adorait jouer du poing au côté des surréalistes.

 

C'était surtout un poète qui célébra à coup de fulgurances sensuelles sa terre, le désir, les femmes, la Résistance, et transforma sa retraite de l'Isle-sur-la-Sorgue en creuset artistique

 

CHAR-La-Sorgue.jpg

La SORGUE

 

 

LA SORGUE

 

Rivière trop tôt partie d'une traite, sans compagnon

Donne aux enfants de mon pays le visage de ta passion

 

Rivière où l'éclair finit et où commence ma maison

Qui roule aux marches d'oubli la rocaille de ma maison

 

Rivière, en toi terre et frisson, soleil anxiété

Que chaque pauvre dans sa nuit fasse son pain de la moisson

 

Rivière souvent punie, rivière à l'abandon

 

Rivière des apprentis à la calleuse condition

Il n'est vent qui ne fléchisse à la crête de tes sillons

 

Rivière de l'âme vide, de la guenille et du soupçon

Du vieux malheur qui se dévide, de l'ormeau de la compassion

 

Rivière des farfelus, des fiévreux, des équarisseurs

Du soleil lâchant sa charrue pour s'acoquiner au menteur

 

Rivière des meilleurs que soi, rivière des brouillards éclos

De la lampe qui désaltère l'angoisse autour de son chapeau

 

Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer

Où les étoiles ont cette ombre qu'elles refusent à la mer

 

Rivière des pouvoirs transmis et du cri embouquant les eaux

De l'ouragan qui mord la vigne et annonce le vin nouveau

 

Rivière au coeur jamais détruit dans ce monde fou de prison

Garde-nous violent et ami des abeilles de l'horizon

 

(René Char. Extrait de Fureur et mystère, 1948).

 

"J'avais dix ans, la Sorgue m'enchâssait "

  sorgueChar Rea sorgue

Aube-new_090725120343_71.jpgCaisse-d-Epargne-new_090724104836_47.jpg800px-L'Isle sur la Sorgue1Je suis allé souvent à l'Ise-sur-Sorgue, fasciné par les Roues à Aubes.

 

Une aquarelle de René Char enluminant son manuscrit "Déclarer son  nom".

 Déclarer son nom

BIOGRAPHIE

 

René Char est né en 1907, le 14 juin dans la propriété de Névons à l'Isle-sue-la-Sorgue.

Le grand-père paternel, abandonné à l'assistance publique dès sa naissance en 1826, avait troqué le nom de Charles Magne en Magne Char.

Le père du poète, Joseph-Emile Char, est né en 1863. Il deviendra administrateur des Plâtrières du Vaucluse et sera à partir de 1905, le maire de l'Isle-sur-la-Sorgue. Veuf de Julia Rouget, qui mourut à vingt ans, en 1886, un an après son mariage, il épousa sa belle-soeur, Marie-Thérèse Rouget, en 1888. Ils eurent quatre enfants dont René Char, le petit dernier. Le père mourra en 1918.

1925 Etudie à Marseille dans une école de commerce.

1927 Fait son service militaire à Nîmes

1928 Publication des Cloches sur le Coeur (Ed.Le Rouge et le Noir)

1929 Se rend à Paris où il rencontre Breton, Aragon, Crevel. Il adhère au groupe surréaliste et collabore au n°12 de La Révolution Surréaliste.1929 2e manifeste du Surréalisme

Voici Char et ses compagnons du Surréalisme, dans " L'Echiquier surréaliste" 1934 De haut en bas et de gauche à droite:1. Breton, Ernst, Dali, Arp 2. Tanguy, Char, Crevel, E luard 3.Chirico. Giacometti, Tzara, Picasso 4.Magritte, Brauner, Peret, Rosey 5.Miro, Mesens, Hugnet, Man RayL'Echiquer surréaliste 1934

1930 Le Tombeau des Secrets est dédié à Gala et Paul Eluard, accompagné d'un collage de Breton et d'Eluard. Voici Breton, Eluard et Char en 1930. Lit Rimbaud, Lautréamont, les Présocratiques, les traités d'alchimie. Publication de Ralentir Travaux, qui a été écrit en commun par Breton, Eluard et René Char, au cours de promenades à Avignon et dans le Vaucluse. Les voici...Breton-Eluard-Char 1931A Montparnasse, lors du saccage par les surréalistes du bar malencontreusement appelé Maldoror, René Char est blessé d'un coup de couteau à l'aine.

Fonde avec Eluard, Breton et Aragon, Le surréalisme au service de la Révolution où il publie "Le jour et la nuit de la liberté"

1931. Promenades à Gordes, Saumane, Lacoste, lieux chers à Sade avec Eluard, Jean et Valentine Hugo.

 

Voyage en Espagne avec Nush et Paul Eluard, escale à Cadaquès où se trouvent Gala et Salvador Dali.Gala-Char-Eluard-Nush-Cadaquès 19301932 "L'Affaire Aragon". Le poète est poursuivi pour incitation au meurtre

Char épouse Georgette Goldstein, à qui sera dédié "Le Marteau sans Maître"

1933 Réside à Saumane où il compose "Abondance viendra".

1934 Participe aux manifestations anti-fascistes.

Kandinsky illustre d'une pointe sèche les exemplaires du "Marteau sans Maître"

Char découvre l'oeuvre de Georges de la Tour et particulièrement "Le Prisonnier" sur lequel il écrira "Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore "Georges-de-la-Tour-copie-1.jpg1935. Voyage en Suisse où il retrouve à Davos, Eluard et Crevel. Crevel se suicidera le 19 juin et Char écrira "C'est l'homme parmi ceux que j'ai connus, qui donnait le mieux et le plus vite l'or de sa nature. Il ne partageait pas, il donnait".

1936. Il est nommé administrateur de la S.A des Plâtrières du Vaucluse.

Immobilisé par une septicémie diagnostiquée tardivement

"Dépendance de l'adieu" chez Guy Levis Mano avec un dessin de Pablo Picasso.

"Moulin premier" chez Guy Levis Mano.

1937. Convalescence au Canet. Rejoint par Paul et Nush Eluard;

Abandonne ses fonctions d'administrateur.

Retour à Paris et voyage en Hollande.

1938. "Dehors la nuit est gouvernée"

1939. Le 3 septembre: déclaration de guerre. Il est mobilisé dans un régiment d'artillerie lourde, en Alsace.

1940.Participe à la défense du pont de Gien pour permettre aux civils de passer la Loire.

Démobilisé le 26 juillet.

Est dénoncé comme mlilitant d'extrême-gauche; perquisition à la maison des Niévons. Char est averti par un policier que pèse sur lui une menace d'arrestation. Il quitte l'Isle-sur-la-Sorgue pour Céreste..Voici Céreste  où je suis allé plusieurs fois. (Voir mon article sur Céreste, sur mon Blog)800px-Rue du Chat-qui-Peche

Voici" la Maison de René Char" à l'Isle-sur-la Sorgue, devenue Musée Campredon

new_090724112647_60.jpg

1941. Noue ses premiers liens avec la Résistance.

Revoit à Marseille André Breton, Pierre Mabille et Wilfredo Lam en attente de départ pour l'Amérique.

1942.Participe à la Résistance sous le nom d'Alexandre et est responsable du secteur de l'armée secrète Durance-SudCapitaine Alexandre 1943-copie-1Capitaine Alexandre1943. Institution du STO.

Chute de Mussolini remplacé par Badoglio, favorable aux alliés.
Avec d'autres résistants et résistantes, Francis Curel  est arrêté au petit jour dans sa maison à l'Isle-sur-Sorgue, et déporté à Linz

René Char sous le nom de Capitaine Alexandre est adjoint au chef régional du réseau Action. Accueille les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO), aménage des terrains de parachutage, constitue des dépôts d'armes. Voici la maison de Char que j'ai photographiée à CérestePR.07-372.jpgPR.07 371

Prend des notes sur un carnet. une partie en sera publiée sous le nom de "Feuillets d'Hypnos".

1944. Perd au combat ses amis Emile Cavagni, Roger Chaudron et  Roger Bernard  , fusillé devant ses yeux par les SS sur la Nationale 100, le 22 juin. Il avait 23 ans. Char dit à ses hommes (ils sont sur la colline) de ne pas tirer pour éviter que le village ne subisse de terribles représailles. Voici l'endroit exact de l'assassinat. Tout le monde y passe quant on roule de Cavaillon vers Forcalquier. Roger Bernard, ami de Jean Giono, était éditeur et poète. Il avait déjà publié chez Seghers"Ma Faim noire dejà". Il avait laissé un cahier de poèmes à Char qui le fit publier après la Libération.

"S'il est possible

Je m'agenouille devant la taciturne

Quête de la nuit

Et je regarde avec l'oeil de l'oiseau

S'il est possible de mourir

Le front ceint

De l'insigne aux sept couleurs du rayon décomposé "

 

Sa veuve Lucienne Bernard et son fils Alain furent par la suite, protégés par René Char. Comme Lucienne était jolie, Char l'adrese au peintre Matisse qui la prend pour modèle. Il ne cessera de l'aider, elle et son fils. Leurs échanges épistolaires ne cesseront qu'avec la mort de Lucienne qui avait rendu ses lettres à René pour qu'il les publie

N.100 Roger BernardEt Voici le Bastidon. Dans cette grange de Céreste se réfugiaient des réfractaires au STOCéreste Le BastidonLa ferme du Bontemps, sur les hauteurs de Céreste (Promenades de Char avec Claude Lapeyre. "A Claude Lapeyre qui m'a aidé à bâtir sur le givre sept petites maisons pour y recevoir cet hiver-là, mon errance endurcie")Ferme du Bontemps Hauts de Céreste

Char fait une grave chute sur le dos alors qu'il allait retirer des armes dans une cache; il est blessé à la tête et à la colonne vertébrale et a une fracture du bras.

Est appelé à l'Etat major à Alger pour la préparation du débarquement en Provence.

Fin août 1944, après la libération de Paris, il revient en France.Le voici au milieu des habitants de Céreste. Le village en effet rejoue pour le journal des Actualités françaises, ses heures héroiques. Mais le film ne sortira jamaisCéreste 1944

1945. Amitié pour Georges Braque et Albert Camus.

"On ne sait plus précisément combien il mesurait. Ses papiers militaires assurent que sa taille était de 1,92 mètre. D'autres papiers indiquent 1,96 . Qu'importe, sa carcasse faisait vibrer l'air et il ressemblait, à un gladiateur taciturne ou à un bucheron déterminé, prêt à empoigner sa cognée" .

Francis Curel, déporté à Linz, est rapatrié

Voici Char et Camus à l'Isle-sur-la-Sorgue, en  1946 . Leur première rencontre eut lieu autour d'un manuscrit, " Feuillets d'Hypnose", que Camus admira tant qu'il le publia dans la collection "Espoir" qu'il dirigeait depuis peu chez Gallimard (avril 1946).

Char fait découvrir à Camus le Luberon et le Ventoux. Après un long séjour dans la maison familiale, René Char rejoindra ses amis Zervos sur la côte méditerranéenne. Il y rencontrera Henri Matisse Char-et-Camus.jpg

1947. Représentation de "La Conjuration" au théâtre des Champs Elysées. Un ballet. Rideau de scène et costume de Georges Braque.

En mai, aux Editions Fontaine, publication du Poème pulvérisé. Les 65 exemplaires de tête comportent une gravure originale d'Henri Matisse

Ouverture en juin de l'exposition de peintures et de sculptures contemporaines, organisée au Palais des Papes à Avignon par Yvonne Zervos. Cette exposition qui réunissait tous les grands noms de l'art contemporain, fut l'occasion d'un long séjour de Braque dans le Vaucluse. Elle fut aussi le point de départ de ce qui deviendra le Festival de Théâtre d'Avignon, qu'animera Jean Vilar 

Parution de La Peste d'Albert Camus

1948 . Mort d'Antonin Artaud à Ivry-sur-Seine. Georges Braque et René Char s'étaient longuement entretenus avec lui à l'hospice d'Ivry quelques jours auparavant. Le professeur Henri Mondor  les tenait informés des progrès de la maladie

1949. Nombreuses publications: Les Transparents, L'homme qui marchait dans un rayon de soleil, Sur les Hauteurs, le Soleil des Eaux, Claire...

En Juillet : Divorce de Char et de Georgette Goldstein. Ils s'étaient mariés en 1932

1950. "Les Matinaux"

1951 Char se lie d'amitié avec Nicolas de Staêl. En novembre il publiera "Poèmes" illustré de quatorze bois du peintre

Décès de sa mère Mme Veuve Emile Char.

Début d'une longue collaboration avec Pierre-André Benoit dit PAB.

 

1952  Mort de Paul Eluard.

 

1953. Lettera amorosa paraît chez Gallimard.

La collection Poètes d'aujourd'hui de Pierre Seghers, publie en juin un René Char, par Pierre Berger.

En juillet, Nicolas de Staël se met en quête d'une maison à acheter dans le Vaucluse et acquiert "Le Castellet", à Ménerbes (voir mon article sur le blog "Ménerbes")

De StaëlNicolas  de Staël. Colonnes. 1953-1954. Huile sur toile

Mais c'est sans doute avec de Staël, que la symbiose fut pour Char la plus complète. Cette concentration du langage par laquelle Pierre Boulez définit l'écriture du poète, c'est celle à laquelle tend Staël dans son progressif retour à une figuration elliptique où se construit par pans de couleurs, une émotion immédiate. Char lui-même n'écrivait-il pas, associant leurs démarches "Nous nous approchons quelquefois plus près qu'il n'est permis de l'inconnu et de l'empire des étoiles"

 

1954. Parution de "Le Deuil des Névons", avec une pointe sèche de Louis Fernandez. Après la mort de leur mère, le poète et sa soeur Julia souhaitaient préserver la demeure familiale. mais les deux autres enfants, à savoir Albert et Emilienne, en exigèrent la vente aux enchères, ce qui fut fait.

 

1955. Février "Poèmes des deux années" avec une eau-forte d'Alberto Giacometti pour les cinquante exemplaires de tête. Mort de Nicolas de Staël à Antibes. Il se jette dans le vide, par la fenêtre de son atelier. Un drame...de l'amour semble t'il. Une inconnue prénommée Jeanne, qui est mariée, et ne veut que de l'amitié. Pourtant elle aurait eu une brève liaison avec René Char, qui longtemps refusera de croire a la thèse du suicide de Nicolas. Voici la rue de Reveli où Nicolas s'est fracassé à Antibes, le rue à gauche, à l'avant-plan sur cette photo. Dans le fond, à droite le Fort Carréde Staël-Rue de Revely img036

Voici la dernière peinture inachevée de Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, emigré russe né à St Petersbourg en 1914, "Le Grand Concert", réalisé après avoir entendu à Paris un concert dirigé par Boulez, au cours duquel on avait donné du Webern que Staël adorait Nicolas de Staël Le Concert. Sa dernière toile

Et Voici de Staël dans son atelier. Il avait 41 ans lors de son suicide. Il laisse une fille de treize ans, Anne qui a publié un livre "Staêl du trait à la couleur"correction-de-stael094

 

"L'espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement à toutes profondeurs".

 

Juin 1955. Pierre Boulez met en musique trois poèmes du "Marteau sans Maître". Création à Baden-Baden.Manuscrit du Marteau sans Maître

Octobre 1955. Les Névons sont mis en vente publique. La surenchère empêche le poète et sa soeur Julia de s'en rendre acquéreurs. Ne dsiposant pas des fonds nécessaires pour payer leur achat, Albert Char et Emilienne Moustrou, qui se sont donc rendus propriétaires, sont contraints de séparer le parc de la maison. Le parc des Névons est alors acheté par une société qui abat les arbres et construit une cité HLM. La maison quoiqu'occupée, est quasi à l'abandon. Le Névon, ruisseau qui bordait le parc, est recouvert et devient une route.

 

Le Deuil des Névons (La Parole en Archipel).

 

Un pas de jeune-fille

A caressé l'allée

A traversé la grille

 

Dans le parc des Névons

Les sauterelles dorment

Gelée blanche et grêlons

Introduisent l'automne

 

C'est le vent qui décide

Si les feuilles seront

A terre avant les nids

 

 

Bravo Albert et Emilienne. Vous êtes passés à la postérité....(Note de l'Auteur).

 

La revue "Cahiers d'Art" publie sept merci pour Vieira da Silva.

Voici "la Bibliothèque en feu" de Vieira, inspirée par un message codé de René Char pour la BBC

Vieira da Silva-La Bibliothèque en feu

Durant l'été, première rencontre et premier entretien à Paris chez le philosophe Jean Beaufret, de René Char et de Martin Heidegger, sous le marronnier de Ménilmontand. Char a senti chez Heidegger une "présence fraternelle".

1956."La Chute d'Albert Camus".

1957. Création à Cologne du "Visage nuptial", poèmes de René Char mis en musique par Pierre Boulez.

1959. Nombreuses publications dont "Cinq poésies en hommage à Georges Braque" avec une lithographie de couverture, de Braque

1960. Mort d'Albert Camus dans un accident de voiture (Voir mon blog sur Camus)

Mort de Pierre Reverdy

Mort de Boris Pasternak.

1961. Parution de "L'inclémence lointaine" choix de poèmes, illustré de vingt-cinq burins de Vieira da Silva.

1962. "La Parole en archipel".Effacement du Peuplier-Les Busclats 1962

L'effacement du peuplier 1962-Les Busclats

Mort de Georges Bataille. Il avait été l'ami et voisin de René Char, lorsqu'il occupait de 1949 à 1951, le poste de conservateur à la bibliothèque de Carpentras. Les deux hommes se voyaient souvent et s'estimaient.

 1963. Lettera amorosa avec vingt-sept lithographies de Georges Braque.

Mort de Georges Braque.

En été la revue "L'ARC" publie un numéro consacré à Char.

En 1963 disparaissent aussi Tristan Tzara, le poète américain William Carlos Williams, fidèle ami de René Char et le peintre Jacques Villon.

 

1964. Flux de l'aimant, un texte sur le peintre Joan Miro, repris par la suite dans "Recherche de la base et du sommet".

 

1965. Mort de Julia Delfau, sa soeur

 

Mort de Francis Curel, "le cher Elagueur".

 

Picasso en visite chez Char "Le pompier et l'Indien".Char et Picasso 1965

Une plaquette: "La Provence point oméga", porte témoignage de la campagne de protestation organisée à la suite de l'implantation en Haute Provence, d'une base de lancement de fusées atomiques.(Plateau d'Albion) Une affiche est dessinée par Pablo Picasso.

Voici René char militant à la Fontaine de Vaucluse1966 Ftaine de Vaucluse-Anti-Albion1966. Mort d'Alberto Giacometti et de Victor Brauner, amis et illustrateurs de René Char depuis les années trente. Ici Brauner..Char par Brauner

Pendant l'été, et répondant à l'invitation de René Char, premier séjour de Martin Heidegger au THOR, proche de l'Isle-sur-Sorgue. C'est en effet à l'initiative de René Char que Heidegger vint séjourner  à trois reprises au Thor, dans le Vaucluse, à 5 Kms de l'Isle-sur-Sorgue: en 1966, 1968 et en 1969, année de son 80e anniversaire. Ces séminaires ont commencé de la manière suivante: c'était tout simple, quelques invités rassemblés en 1966 autour de Heidegger avaient imaginé de lui poser des questions, et c'est l'ensemble de ces questions et des réponses qui ont abouti à ce que l'on a appelé les "Séminaires de Thor".

Cette soirée où Heidegger et René Char firent connaissance eût lieu au domicile parisien de Jean Beaufret dans le XXe arrondissement, passage Stendhal. C'est aussi ce soir-là que René Char et Jean Beaufret se virent pour la première fois et que se nouèrent leurs relations. Char (qui habitait Paris à l'époque) prenait goût à revenir de temps à autre au passage Stendhal au cours des années suivantes. une exquise sympathie naquit entre eux et Heidegger resta évidemment au centre de leurs conversations. Char ne sachant pas l'allemand,  les lettres que lui adressait Heidegger transitaient souvent par le passage Stendhal où Beaufret tenait lieu d'Hermès, rôle qui lui convenait à merveille come le montre la fameuse lettre écrite par Heidegger à René Char, après la mort de Georges Braque dont la traduction française est bien d'un Beaufret au sommet de son art

 Heidegger aux BusclatsChar et HeideggerChar à Heidegger

Au Centre de gauche à droite, Char, Beaufret et Heidegger, à la PétanqueHeidegger Char et Beaufret à la Pétanque

Mort d'André Breton.

1967.Publication des "Transparents" avec 4 gravures de Pablo Picasso

1968. Peu avant les évènements de mai 68, Char tombe gravement malade.

Deuxième séjour de Martin Heidegger au Thor.

1969. Le Chien de coeur avec une lithographie originale de Joan MiroComplainte du Lezard amoureuxMiro Lezard amoureux

Dent prompte, illustré de onze lithographies en couleur de Max Ernst.

Dernier des trois séjours de Martin Heidegger au Thor.

 

1970. Yvonne Zervos meurt en janvier à Paris

De mai à octobre se tient au Palais des Papes à Avignon, l'exposition Picasso qu'elle avait conçue et mise au point.Yvonne Zervos

Décembre: Mort de Christian Zervos. Depuis 1926, la revue "Cahiers d'Art" qu'il avait fondée et la galerie du même nom que dirigeait Yvonne, étaient les plus clairvoyants et attentifs soutiens de l'art contemporain et de ses maîtres.

 

1971. La revue l'Herne consacre un des numéros de ses cahiers à René Char.

 

1972." La Nuit talismanique" paraît aux Editions Skira.
 

 

1973. Mort de Pablo Picasso et du peintre Louis Fernandez.

 

1976. "Le Marteau sans Maître", illustré de 23 eaux-fortes de Miro, paraît aux Editions "Au Vent d'Arles".

Mort de Martin Heidegger;

Mort du poète Pierre Jean Jouve à Paris.

 

1978. Au printemps, René Char quitte son domicile parisien de la rue de Chanaleilles où il vécut plus de vingt ans. Dès cette époque, le poète vit dans sa maison des Busclats sur le coteau de l'Isle-sur-Sorgue, sans cesser de parcourir les lieux alentours; les Monts du Vaucluse, les dentelles de Montmirail, le Ventoux et jusqu'à la veille de sa disparition. Saint-Remy et le prieuré de Saint-Paul-de-Mausole, dans les Alpilles.

Début août, un grave accident cardiaque immobilise le poète

1980 Photo de René Char. Il a 73 ansChar en 1980-73 ans

1982. Mort du philosophe Jean Beaufret.

1983. Publication des oeuvres complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade.

1985. "Les Voisinages de Van Gogh" Deuxième accident cardiaque.
1987. Char épouse à Blauvac (Vaucluse), face au mont Ventoux, Marie-Claude de Saint-Seine, dont il avait fait la connaissance onze ans plus tôt à Paris.

1988. 19 février, mort de René Char d'une crise cardiaque.

Photo de René Char en octobre 1986 à sa table de travail aux Busclats1966-Aux-Busclats.jpgEt toujours aux Busclats en 1966 avec le peintre Alexandre Galpérine, l'enlumineur des derniers ouvrages de René Char 'Le Gisant mis en lumière".

Alexandre Galpérine se rendait régulièrement dans la maison de Char, Les Busclats, où le poète s'était retiré pour y poursuivre avec plus d'assiduité qu'il ne pouvait le faire à Paris, celle qui fut l'amour de sa vie: la poésie. Les dimanches ils dinaient ensemble. Galpérine se souvient:

"Parfois lorsqu'il avait un peu de vague à l'âme loin de cette vie parisienne dont il avait aimé l'effervescence créatrice, je lui parlais de Montparnasse, de la rue de Chanaleilles où il avait vécu, des jardins du Luxembourg et des rues de la ville où il aimait marcher, de tous ces lieux que j'avais fréquentés après lui dans son sillage. Et je le voyais sourire, s'illuminer à ces évocations"1986 Les Busclats ave Galpérine

 

Voici les oeuvres de René Char que je possède:Char 4Char3 

 

Rouge-gorge, mon ami, qui arriviez quand le parc était désert, cet automne votre chant fait s'ébouler des souvenirs que les ogres voudraient bien entendre.

 

Nous sommes écartelés entre l'avidité de connaître et le désespoir d'avoir connu. L'aiguillon ne renonce pas à sa cuisson et nous à notre espoir.

 

Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l'austère nuit des marais s'appellent et ne se voient pas, ployant à leur cri d'amour toute la fatalité de l'univers.

 

J'ai confectionné avec des déchets de montagnes des hommes qui embaumeront quelque temps les glaciers.

 

Serons-nous plus tard semblables à ces cratères où les volcans ne viennent plus et où l'herbe jaunit sur sa tige.

 

Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat.

 

La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil

 Char5

 

Terre , devenir de mon abîme, tu es ma baignoire à réflexion.

 

Mains obscures mains si terribles

Filles d'excommuniés

Faites saigner les têtes chaudes.

 

 

Tu ouvres les yeux sur la carrière d'ocre inexploitable

Tu bois dans un épieu l'eau souterraine

Tu es pour la feuille hypnotisée dans l'espace

A l'approche de l'invisible serpent 

O ma diaphane digitale Char1

 

Comment me vint l'écriture? Comme un duvet d'oiseau sur ma vitre, en iver. Aussit^t s'éleva dans l'âtre une bataille de tisons qui n'a pas, encoré à présent, pris fin.

 

 

Beauté, ma toute- droite, par des routes si ladres

A l'étape des lampes et du courage clos

Que je me glace et que tu sois ma femme de décembre

Ma vie future, c'est ton visage quand tu dors

 

 

 

Tel le chant du ramier, quand l'averse est proclamée...l'air se poudre de pluie, de soleil revenant...je m'éveille lavé, je fonds en m'élevant; je vendange le ciel novice

 

Allongé contre toi, je meus ta liberté. Je suis un bloc de terre qui réclame sa fleur.

 

Est-il gorge menuisée plus radieuse que la tienne?

Demander c'est mourir !

 

L'aile de ton soupir met un duvet aus feuilles. Le trait de mon amour ferme ton fruit, le boit.

 

Je suis dans la grâce de ton visage que mes ténèbres couvrent de joie.

 

Comme il est beau ton cri qui me donne ton silence !

 

 

 

  La Nuit TalismaniqueChar6

 

S'endormir dans la vie, s'éveiller par la vie, savoir la mort, nous laissent indigent, l'esprit rongé, les flancs meurtris.

 

Voici le temps venu des grottes d'acier, de l'invisibilité démente. Perdue est la Sirène devant laquelle autrefois les fougères s'exprimaient, goutte après goutte.

 

J'ai le souvenir de Buisson, de Visan, aussi de Richerenches,

où les odeurs de soupe s'enfermaient dans les chambres

Silencieuses comme les semelles d'un maçon vieilli sans paradis 

J'ai le souvenir d'horizons sans sommeil autour de ces villages; la première neige les montrait droits tels des accusés qu'effraie leur innocence

Nicolas de Staël, le peintre foudroyé - 1

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Stael ds son atelier064

 

16 mars 1955. Splash ! Le peintre Nicolas de Staël atterrit trop brutalement sur le trottoir.

 

 

Repoussé par la femme aimée, le peintre russe saute dans le vide, à Antibes. Mort à 41 ans d'un immense génie de la peinture.

16 mars 1955. Splash ! Le peintre Nicolas de Staël atterrit trop brutalement sur le trottoir.

 

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Une passante remonte la minuscule rue de Revely, derrière le port d'Antibes. Elle distingue une masse sombre sur le trottoir, elle s'approche. Elle voit un homme, immobile, vêtu d'une chemise, d'une veste et d'un pantalon bleu. Aux pieds, il porte une paire d'espadrilles. Elle s'affole, appelle à l'aide. Il semble mort, fracassé après une chute. On lève la tête. On aperçoit une terrasse. Il a dû sauter de là. Cet homme doit être le peintre qui s'est installé dans la maison en octobre dernier. Oui, cet homme, c'est Nicolas de Staël, 41 ans. Le peintre a choisi ce jour-là de mourir parce qu'une femme désirée se refuse à lui, parce qu'une gloire non désirée s'offre à lui. On l'aura compris, le père Nicolas n'est pas le plus simple des hommes. Orphelin et exilé, le prince russe possède une âme tourmentée, dépressive. Il peint avec frénésie. Il détruit avec frénésie. Depuis deux ans, il connaît enfin le succès. Les collectionneurs s'arrachent ses toiles. Mais cela ne l'enthousiasme guère. Pourquoi l'aime-t-on maintenant, et pas avant ? Ne recherche-t-on pas ses oeuvres d'abord par esprit de spéculation, sans les apprécier ?

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Depuis deux ans, Nicolas de Staël est éperdument amoureux d'une jeune femme nommée Jeanne Mathieu. Il la rencontre durant l'été 1953 lorsqu'il passe ses vacances en famille dans une magnanerie (ancienne ferme qui pratiquait l'élevage de vers à soie) louée à la famille Mathieu, près d'Apt. C'est son ami le poète René Char qui lui a donné l'adresse. Les Mathieu, c'est une grande famille composée des parents et de quatre enfants, dont Jeanne, mariée et mère elle-même de deux enfants. Brune, mais solaire, elle rayonne. Elle n'est pas farouche non plus, car René Char a probablement eu une rapide aventure avec elle. Dès qu'il la voit, de Staël, lui, est foudroyé. Jeanne lui rappelle Jeanine, sa première femme adorée, morte quelques années auparavant. 

"Vous avez gagné"

Il écrit à Char : "Jeanne est venue vers nous avec des qualités d'harmonie d'une telle vigueur que nous en sommes encore tout éblouis. Quelle fille, la terre en tremble d'émoi ! Quelle cadence unique dans l'ordre souverain... Quel lieu, quelle fille !" Cette rencontre déclenche une tempête dans le crâne de l'artiste. Elle l'obsède. Au moment de partir pour l'Italie avec son épouse Françoise et ses deux enfants afin d'y poursuivre ses vacances, il ne peut se résoudre à quitter Jeanne. Alors il la convainc de les accompagner dans la camionnette familiale. Une mauvaise idée : l'épopée tourne au cauchemar. La proximité de la jeune femme le rend fou. Quand ils reviennent à Lou Roucas, de Staël renvoie brutalement sa famille à Paris pour rester seul avec Jeanne. Il la peint, il lui fait l'amour.

NU COUCHÉ REPRÉSENTE JEANNE, LA FEMME AIMÉE

Cette peinture est celle de la femme aimée, à cette époque de sa vie, Jeanne Mathieu, dont l’artiste fut éperdument amoureux. Cette passion dévorante l’habita de 1953, année de sa rencontre avec Jeanne, jusqu’à sa mort en mars 1955.

En 1953, Nicolas de Staël, sa femme Françoise et leurs trois enfants s’installent dans le Midi de la France, à Lagnes, sur la route d’Apt, dans une magnanerie appelée « Lou Roucas ». René Char avait souvent parlé à Nicolas de cet endroit majestueux. La famille Mathieu, qui en est propriétaire, exploite un domaine agricole. Elle accueille chaleureusement l’artiste. Autour des parents, quatre enfants, dont Henri, le poète, et Jeanne, la femme-fleur.

Le 20 juillet 1953, Nicolas de Staël, bouleversé, écrit à René Char : « Jeanne est venue vers nous avec des qualités d’harmonie d’une telle vigueur que nous en sommes encore tout éblouis. Quelle fille, la terre en tremble d’émoi, quelle cadence unique dans l’ordre souverain. Là-haut, au cabanon, chaque mouvement de pierre, chaque brin d’herbe vacillaient (…) à son pas. Quel lieu, quelle fille ! » Il en oublie que Jeanne a un mari et deux enfants. N’importe, il organise une épopée familiale en Italie. Le but du voyage est la Sicile. Françoise, les enfants et Jeanne, qu’il a convaincue de les accompagner, s’entassent dans la camionnette Citroën.

La petite troupe débarque en Sicile où l’artiste se rassasie de culture antique et s’enivre de couleurs. Il ressent un choc esthétique qu’il traduira magistralement sur la toile et sur le papier jusqu’au terme de son œuvre.
Laurent Greilsamer, dans son ouvrage Le Prince foudroyé, La vie de Nicolas de Staël, écrit que la fin du périple ressemble à une débâcle.

Nicolas partait se promener seul avec Jeanne, abandonnant Françoise, et les enfants.

Un climat de tension et de tristesse s’abat sur la petite troupe. L’artiste sent frémir en lui de grands désordres qu’il appellera bientôt les « brusqueries de son inconscient » , ainsi qu’il l’écrit à Jacques Dubourg. De retour à Lagnes, il impose à sa famille une séparation momentanée et renvoie Françoise et les enfants à Paris. Il veut rester seul, peindre seul, vivre seul, retrouver son souffle qui lui échappe. Staël va alors traduire ses impressions siciliennes sur la toile : paysages et nus se succèdent et c’est à cette époque que naît une liaison entre lui et Jeanne Mathieu.

L’artiste est dévoré par la passion. Mais il aime plus qu’il n’est aimé. Le 14 mars 1955, Jeanne refuse de le voir. Il met de côté les lettres qu’elle lui a adressées, en fait un paquet et va l’offrir à son mari en lui disant : « Vous avez gagné ! » Le 16 mars, il se précipite dans le vide.

 Nu couché2Il veut l'épouser, car un prince russe est respectable. Elle a peur de cet amour trop fort. Elle se lasse. Elle le lui fait savoir. Il souffre. Il se désespère. Il injecte sa colère dans ses tableaux. Il pense au suicide. de-Stael-Rue-de-Revely-img036.jpg

Au début du mois de mars 1955, le peintre est à Antibes dans l'appartement qu'il loue pour peindre seul, sans sa famille. Le 5, il décide de monter à Paris en voiture pour assister à plusieurs concerts au théâtre Marigny. Il en profite pour rendre visite à Jean-François Jaeger, le directeur de la galerie Jeanne-Bucher qui l'a sous contrat. Il lui confie : "Je suis perdu... Peut-être ai-je assez peint." Il repart pour Antibes. Le 14 mars, il brûle de nombreux documents personnels, sauf les lettres de Jeanne. Il saute dans sa voiture pour aller les lui remettre. Comme elle refuse de lui ouvrir la porte, il les donne au mari présent en lui murmurant : "Vous avez gagné." Désespéré, il retourne à Antibes où il passe sa rage sur une toile de quatre mètres sur six. Durant trois jours, il se bat avec le rouge, le noir. Il peint un piano noir et massif faisant face à une contrebasse lumineuse, sur un fond rouge. C'est violent, c'est tragique. Le soir du troisième jour, c'est-à-dire le 16 mars 1955, il monte sur la terrasse, prêt à en finir. Quelques minutes plus tard, Nicolas Valdimirovitch von  Holstein s'est débarrassé de sa "carcasse d'homme".Maison nicolas de stael Antibes

 

Nicolas de Staël (baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, en russe Николай Владимирович Шталь фон Гольштейн), né le5 janvier 1914 à Saint-Pétersbourg, mort le 16 mars 1955 à Antibes, est un peintre français originaire de Russie, issu d'une branche cadette de la famille de Staël-Holstein.

La carrière de Nicolas de Staël s'étale sur quinze ans — de 1940 à 1955 —, à travers plus d'un millier d'œuvres, influencées par Cézanne,Matissevan GoghBraqueSoutine et les fauves, mais aussi par les maîtres néerlandais RembrandtVermeer et Hercules Seghers.

Sa peinture est en constante évolution. Des couleurs sombres de ses débuts (Porte sans porte, 1946 ou Ressentiment, 1947),1947 Le Ressentiment elle aboutit à l'exaltation de la couleur comme dans le Grand Nu orange (1953)Grand nu orange. Ses toiles se caractérisent par d'épaisses couches de peinture superposées et un important jeu de matières, passant des empâtements au couteau (Compositions, 1945-1949) à une peinture plus fluide (Agrigente, 1954, Chemin de fer au bord de la mer, soleil couchant, 1955).Agrigente067

Refusant les étiquettes et les courants, tout comme Georges Braque qu'il admire, il travaille avec acharnement, détruisant autant d’œuvres qu'il en réalise. « Dans sa frénésie de peindre il côtoie sans cesse l'abîme, trouvant des accords que nul autre avant lui n'avait osé tenter. Peinture tendue, nerveuse, toujours sur le fil du rasoir, à l'image des dernières toiles de Vincent van Gogh qu'il rejoint dans le suicide1. »

Nicolas de Staël meurt à 41 ans en se jetant par la fenêtre de son atelier d'Antibes. Il est enterré dans le cimetière de Montrouge.Tombe Nicolas de Staël, Cimetière de Montrouge

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FRÉDÉRIC LEWINO ET GWENDOLINE DOS SANTOS

Enfance

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Forteresse Pierre et Paul de Saint-Pétersbourg où est né Nicolas de Staël.

Issu d’un milieu militaire, son grand-père, Carl Gustav, dirige la deuxième division de cavalerie du tsar et termine sa carrière comme général de corps d’armée en 1861.

Son père, Vladimir Ivanovitch de Staël von Holstein, sert dans les rangs des cosaques et des Uhlans de la garde impériale. Il devient général major, vice-commandant de la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg en 1908, jusqu'en 1917, c'est un homme pieux et austère. Sa mère, Ludmilla von Lubov Berednikova, est plus jeune que son mari de vingt-deux ans. Elle est issue d'un milieu très fortuné où l'on s'intéresse à l'art. Par sa mère, elle est apparentée à la famille du compositeur Alexandre Glazounov3.

Selon le calendrier julien, Nicolas de Staël naît le 23 décembre 1913 à Saint-800px-Neva-StPetersburg2Pétersbourg, qui vient alors d'être rebaptisée Petrograd (Петроград).

 Il faut alors rappeler que Staël vient de la sainte Russie orthodoxe qui le relie fondamentalement à Byzance où se ramassera sa dernière contemplation métaphysique. Fils du général Vladimir de Staël von Holstein, vice-gouverneur de la forteresse Pierre-et-Paul de Pétersbourg où furent enfermés Dostoïevski et Bakounine, Nicolas est né le 23 décembre 1913 (5 janvier du calendrier orthodoxe) et vécut avec les siens dans la forteresse fameuse jusqu’en octobre 1917, avant l’exil en Pologne où le général mourut en 1921. Un an plus tard seulement, Lubov de Staël, succomba elle-même au cancer, laissant trois orphelins (Marina, Nicolas et Olga) qui furent pris en charge, par l’intermédiaire d’une tutrice fantasque, par la famille de l’ingénieur Emmanuel Fricero, d’origine russe mais établi en Belgique.

Suite à la révolution de 1917, la famille est contrainte à l’exil en Pologne en 1919. Les parents de Nicolas de Staël y meurent. Orphelin, il est confié par sa marraine en 1922 à une famille de Bruxelles, les Fricero, avec ses deux sœurs, Marina et Olga. Les Fricero sont une famille d'origine sarde qui a hérité de la nationalité russe au xixe siècle lorsque le père d'Emmanuel Fricero était attaché naval à l'ambassade de Russie à Londres. Sa femme Charlotte est présidente de la Croix-Rouge. Ils ont déjà recueilli le descendant d'une grande famille russe, Alexandre Bereznikov4.

Formation 

Les Fricero l'inscrivent au collège Cardinal Mercier de Braine-l'Alleud en septembre 1931. Nicolas se passionne pour la littérature française et les tragédies grecques. Mais en même temps il s'intéresse à la peinture, il découvre dans les musées et les galeries Rubens et les peintres belges contemporains James EnsorPermeke. Sa vocation de peintre inquiète les Fricero qui lui font faire des études d'ingénieur. Mais dès ses études terminées, Nicolas commence sa formation de peintre3.

Après avoir visité les Pays-Bas en juin, et découvert la peinture flamande, il entre en octobre 1933 aux Beaux-arts de Bruxelles où il suit les cours de dessin antique avec Henri van Haelen. Il se lie d'amitié avec Madeleine Haupert qui a fréquenté les Beaux arts de Paris et qui lui fait découvrir la peinture abstraite3. Il s'inscrit aussi à l'Académie des beaux-arts de Saint-Gilles où il suit les cours d'architecture de Charles Malcause. Dans cette même académie, il suit dès 1934-35 les cours de décoration en compagnie de Georges de Vlamynck qu'il assiste par la suite pour la réalisation de peintures murales du pavillon de l'agriculture de l'Exposition universelle de Bruxelles de 1935.

Il voyage ensuite dans toute l'Europe. Dans le midi de la France et à Paris où il découvre Paul CézannePierre MatisseChaïm SoutineGeorges Braque, puis il va jusqu'en Espagne où il est séduit par le beauté des paysages6. Le voyage en Espagne, qu'il parcourt en bicyclette avec son ami Benoît Gibsoul, est un voyage d'étude au cours duquel il prend force notes et croquis7. À partir de Madrid, c'est avec Emmanuel d'Hooghvorst qu'il poursuit sa route jusqu'en Andalousie. Il envoie une abondante correspondance à Geo de Vlamynck, produit quelques aquarelles qu'il vend à Barcelone, et aux Fricero il exprime son indignation devant la misère du peuple espagnol. Il exposera d'autres aquarelles d'Espagne à la galerie Dietrich avec Alain Haustrate et Rostislas Loukine6.

Le Maroc, l'Italie, Paris

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Capri vue de Sorrente.

À Marrakech, en 1937, Nicolas de Staël rencontre 800px-Capri-view to sorrentoFiesolede-stael-nicolas-bateaux-2105401

Jeannine Guillou, dont il fera le portrait en 1941 et 1942. Jeannine Guillou est elle-même peintre, plus âgée de cinq ans que Nicolas. Elle s'appelle de son véritable nom Jeannine Teslar ; Bretonne d'origine, d'une famille de Concarneau, elle est mariée depuis six ans à un Polonais, Olek Teslar, qu'elle a rencontré aux Arts décoratifs de Nice et dont elle a un fils, Antek (Antoine). Les Teslar habitent le sud marocain dans une sorte de phalanstère où ils offrent des médicaments à la population. L'administration leur a fait signer des documents déchargeant la France de toute responsabilité en cas de malheur. Sorte de « hippies avant la lettre », les Teslar se séparent élégamment lorsque Jeannine part avec Nicolas.9788836620913

Jeannine qui a étudié aux Arts décoratifs de Nice est déjà un peintre affirmé. À Fès, en 1935, un critique d'art a couvert d'éloges son travail et son talent « viril et nerveux ». Nicolas, lui, cherche encore son style.

Staël est fasciné par l'Italie. En 1938, il entreprend avec Jeannine un voyage qui les conduit de Naples à FrascatiPompéiPaestumSorrenteCapri. À ses amis Fricero, il écrit :

« Après avoir essayé de peindre un an dans ce merveilleux Maroc, et n'en étant pas sorti couvert de lauriers, je puis approcher, voir, copier Titien,Le Greco, les beaux Primitifs, le dernier des Giovanni BelliniAndrea MantegnaAntonello de Messine, tous, et si parfois ces toiles ne sont pas aussi près de mon cœur que les vieux Flamands, les Hollandais, VermeerRembrandt, j'y apprends toujours énormément et n'espère qu'une seule chose, c'est de mille d'accueil s'inquiète pour la carrière de Nicolas qui rompt tout lien avec la Belgique et décide de s'installer à Paris avec Jeannine. Il loge d'abord dans un hôtel au 147 ter rue d'Alesia, puis au 124 rue du Cherche-Midi Il suit pendant une courte période les cours de l'académie  rue Fernand Léger et il essaie d'obtenir un permis de séjour tout en copiant les œuvres du Louvre . Il fait la connaissance de l'historien d'art suisse Pierre Courthion qui aura un rôle important par la suite.stael100mh0

Pendant cette année, Nicolas peint énormément et détruit beaucoup de ses œuvres. Il ne reste de cette période qu'une vue des quais de la Seine.

Pour gagner un peu d'argent, il retourne en Belgique, à Liège, où il travaille sur les fresques du pavillon d'exposition de la France pour l'Exposition internationale de la technique de l'eau.

En septembre 1939, le peintre s'engage dans la Légion étrangère. Mais pendant les deux mois qui précèdent son incorporation, il rencontre la galeriste Jeanne Bucher qui trouve pour lui et pour Jeannine des logements provisoires dans les ateliers d'artistes inoccupés. Jeannine est déjà tombée gravement malade pendant l'été à Concarneau. C'est à partir de cette époque, et jusqu'en 1942, que Nicolas a peint le plus grand nombre de portraits de sa compagne dans le style figuratif : Portrait de Jeannine, dont Arno Mansar dit que «  c'est à la fois un Picasso de la période bleue et aussi un souvenir des allongements du Greco, qu'il a admiré en Espagne. »Pottrait de Jeanne 1942 Composition sur Fond gris094

Plus tard, Staël dira : «  Quand j'étais jeune, j'ai peint le portrait de Jeannine. Un portrait, un vrai portrait, c'est quand même le sommet de l'art. »

L'évolution du peintre

Le nouvel atelier

Le 19 janvier 1940, il est mobilisé et il rejoint le dépôt des régiments étrangers où il est affecté au service des cartes d'État-major à Sidi Bel Abbès, en Algérie. Il est ensuite envoyé le 29 février au1er régiment étranger de cavalerie (1er REC) à Sousse, en Tunisie. Là il travaille au service géographique de l’armée en mettant à jour les cartes d’état-major du protectorat. Il est démobilisé le 19 septembre 19403.800px-Nice - Le port Lympia

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Nice où Staël a vécu trois ans.

Nicolas de Staël rejoint Jeannine qui vit alors à Nice. Là il rencontre Alberto Magnelli, Maria Elena Vieira da Silva,Jean Arp, Christine Boumeester, Sonia Delaunay et Robert Delaunay. Les artistes se retrouvent à la librairie Matarasso, avec Jacques Prévert et Francis Carco. C'est surtout grâce à son ami, le peintre Félix Aublet, qu'il sera introduit dans ces cercles artistiques et qu'il va orienter sa peinture vers un style plus abstrait. Il reste de cette période quelques traces de ses essais mélangeant cubisme et fauvisme avec le tableau Paysage du Broc, (Maison du Broc) 1941, huile sur toile de 55×46 cm, collection particulière.

Aublet lui vient encore en aide lorsque le jeune peintre ne peut gagner sa vie avec sa peinture, lui fournissant de petits travaux de décoration.

De son côté, Jeannine s'est remise à la peinture. « Le marchand de tableau Mockers, de la rue Masséna à Nice, lui a fait signer un contrat d'exclusivité. Ce qui permet au couple de vivre alors que les restrictions alimentaires commencent à peser terriblement. L'arrière-pays niçois, assez peu agricole, a le plus grand mal à nourrir sa population.. » Jeannine a aussi retrouvé son fils, Antek, qu'elle avait confié à un pensionnat. Antek se débrouille au marché noir. Nicolas troque des bibelots contre de la nourriture. Ces difficultés n'arrêtent pourtant pas Jeannine qui donne naissance le 22 février 1942 à leur fille Anne. Staël est fasciné par l'enfant qu'il décrit comme un « petit colosse aux yeux clairs ». Il voudrait épouser sa compagne mais les complications juridiques du divorce avec Olek Teslar, injoignable, le découragent.1942 Compositions092

 

La naissance de sa fille induit chez Staël une nouvelle réflexion sur la peinture. Abandonnant le paysage, il se tourne vers le portrait, avec Jeannine pour principal modèle

Les trois années passées à Nice peuvent être considérées comme le premier « atelier » du peintre. Staël commence à appeler ses tableaux « compositions », il dessine et peint fiévreusement et continue de détruire autant qu'il crée. Mais il commence à rencontrer ses premiers amateurs : Boris Wulfert lui achète une Nature morte à la pipe (1940-1941), une huile sur papier de63,5 × 79,5 cm, et Jan Heyligers, son premier tableau abstrait peint à partir d'un coquillage. « Dès 1942, il peint ses premières toiles abstraites. Sur fond uni, gris, s'animent des ellipses, des formes de lasso, des grilles. Le dessin est posé sur la peinture. » Staël compartimente sa peinture, certaines formes sont des lames, indépendantes du fond, dans un jeu de géométrie. Selon Anne de Staël, on ne sait pas si la composition est dans son aplat, ou bien dans le trait qui limite, ou bien si composer revient à exprimer une chose unique

. Composition sur fond gris.1942 Composition sur Fond gris093

Nicolas et Jeannine sont très proches de Suzie et Alberto Magnelli installés dans une ancienne magnanerie à Plan de Grasse . Magnelli va être un grand soutien pour « Le Prince ».

Retour à Paris, les premiers soutiens, le deuil

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Rue parisienne en 1941.

En 1943, sous l'occupation nazie, il retourne à Paris Vue parisienne en 1941avec Jeannine. Les années de guerre sont très difficiles.

Jeanne Bucher achète des dessins à Nicolas et elle prête un logement au couple dans un hôtel particulier momentanément inhabité, celui de Pierre Chareau alors en Amérique. Pendant cette période, le peintre dessine beaucoup de grands formats.

Magnelli présente à Staël un ami de Piet Mondrian : César Domela, qui insiste auprès de Jeanne Bucher pour que Nicolas de Staël participe à l'exposition qui réunit lui-même, et Vassily Kandinsky. L'exposition a lieu le 15 février 1944, mais personne n'achète les tableaux du "Prince". Des personnalités comme Pablo Picasso, Georges Braque, André Lanskoy, Jean Bazaine, sont présents lors du vernissage. Mais la critique, sans doute influencée par le préjugé selon lequel l'art abstrait est un art dégénéré, fait preuve d'indifférence, voire de mépris.

Ce qui n'empêche pas Jeanne Bucher d'organiser, avec Noëlle Laucoutour et Maurice Panier, une deuxième exposition à la galerie l’Esquisse où sont réunis Kandinsky, Magnelli, Domela et Staël, avec pour titre Peintures abstraites. Compositions de matières. Mais pendant l'exposition, la galerie reçoit la visite de la Gestapo qui soupçonne Panier d'être un résistant. Malgré cela, la galerie l’Esquisse organise le 12 mai de la même année une exposition personnelle Staël. Quelques dessins y sont vendus. Georges Braque manifeste sa sincère admiration pour le jeune peintre. Staël va devenir un proche du maître avec lequel il noue des liens d'amitié très étroits.

« Aux yeux des amateurs, le style de Staël est reconnu comme une expression nouvelle, une syntaxe du dessin dénouée en compositions serrées en même temps qu'éclatées ». C'est surtout au début de l'année 1945 que ces amateurs se manifesteront lors d'une autre exposition chez Jeanne Bucher du 5 au 28 avril 1945. Parmi eux, l'industriel Jean Bauret.

L'Orage  1945

L'Orage 1945105

Mais le peintre se débat dans de terribles difficultés financières, malgré l'aide de Félix Aublet. La situation familiale est désastreuse : « Il n'y avait pas de repas. Un sac de farine nous donnait des crêpes à l'eau. La queue longuement tirée avec des tickets d'alimentation ramenait un peu de lait, un peu de beurre. »

Jeannine est en mauvaise santé et elle le cache aussi bien à sa fille Anne, qu'à son mari dont elle « soutient l'élan dans le travail. Nicolas voyait grandir ses tableaux sans soupçonner que l'état de Jeannine s'amenuisait. Elle était moralement très forte et physiquement fragile. Dans la conscience des tensions de la création, les tensions de la vie ont lâché.(…) Jeannine mourut sur le quai d'un immense tableau : Composition bleue. » Jeannine meurt le 27 février 1946.

Quelques mois plus tard, le critique d'art Charles Estienne (amateur de surréalisme)) fait une critique élogieuse de la peinture de Staël : « Un extraordinaire "épos" rythme ici les caravanes des formes et les fulgurantes zébrures verticales jaillies souvent des hasards de la matière. »

À la fin de l'année, Staël, qui ne vit que grâce à l'aide d'amis, cherche un marchand pour défendre son œuvre. Il croit l'avoir trouvé en la personne de Jean Dubourg qui lui achète un tableau :Casse-lumière. Mais c'est finalement la galerie Louis Carré qui signe un contrat avec le peintre  le 9 octobre 1946.

Quelques mois après la mort de Jeannine, Nicolas épouse Françoise Chapouton (1925-2012) que le couple avait engagée à l'âge de dix-neuf ans pour s'occuper des deux enfants, Anne et Antek. Staël aura encore deux enfants, Laurence et Jérôme, de sa nouvelle femme. Et par la suite, un troisième, Gustave.

Les années 1945-1950 couvrent une période sombre de la peinture de Staël, où l'abstraction est mise à nu . En particulier dans Composition en noir 1946, huile sur toile (200 × 150,5 cm,Kunsthaus de Zurich). Et plus encore dans Orage (1945, 130 × 90 cm, collection particulière). « Ce que montrent en un sens les toiles des années quarante, c'est qu'il faut naître plusieurs fois pour gagner un tableau. Qu'il faut multiplier les angles vifs, les zones mortes, les obstacles invisibles. »nicolas de Staël 3

Les étapes de création

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De l'abstraction à l'involution 1943-1948

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Museu de Arte Moderna de São Paulo, inauguré en 1948, où Nicolas de Staël a exposé.

Malgré ses difficultés matérielles, Staël refuse de participer à la première exposition du Salon des réalités nouvelles fondé par Sonia Delaunay, Jean Dewasne, Jean Arp et Fredo Sidès parce que la progression de sa peinture le conduit à s'écarter de l'abstraction la plus stricte. Ce sera un sujet d'étonnement pour le jeune amateur Claude Mauriac qui déclare dans son journal :

« Il semble surprenant que ni Staël, ni Lanskoy - novateurs peu contestés de l'art abstrait- ne soient exposés au salon des réalités nouvelles. À moins qu'ayant l'un et l'autre dépassé les formules périmées dont usent encore la plupart des participants de ce salon, leur place eût été inexplicable dans ce qu'il faut bien appeler déjà une rétrospective (…) mais cela me fait plaisir d'apprendre que Nicolas de Staël se trouve maintenant dans le peloton de tête. »

Staël a horreur de s'aligner sur un courant quelconque, tout comme BraqueAvec Georges Braque-1950 auquel il rend visite régulièrement,(à sa droite avec le bras appuyé sur le mur)ce qui l'amène à s'éloigner de Domela et Dewasne. « De 1945 à 1949, la peinture de Staël se présente comme un faisceau, un lacis de formes impulsives dont les éléments formateurs, nés d'une décision rapide, loin de se perdre instantanément en elle, font valoir leur énergie propre. »

Une énergie ramassée qu'il puisait sur l'instant selon Anne de Staël qui décrit ainsi l'attitude de son père après la mort de Jeannine, et après son mariage avec Françoise Chapouton : « Ils se marient en mai 1946 sans attendre qu'une couleur sèche pour en poser une autre. Il posa à côté d'une douleur profonde le ton de la joie la plus haute. Et on peut dire que de la contradiction de pareils sentiments, il puisait une énergie. »

André Chastel, au sujet de la peinture de Staël parle d'involution. Selon Daniel Dobbels, ce terme est d'une grande force. En quelques années, Staël donne un corps à sa peinture, d'une ampleur sans égale et pour ainsi dire, sans précédent.     et Tierce noir, comme une évolution en sens inverse. Staël s'écarte de l'abstraction pour former des figures identifiables : deux traits donnent à l'intervention du peintre une signification élevée.

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Vue du Parc Montsouris, proche de la rue Gauguet où Staël avait son atelier.

Les Staël déménagent dès le mois de janvier 1947 pour s'installer 7 rue Gauguet, non loin du parc Montsouris. 

 

 

 

 

 

Rue Gauguet 19491949 Rue GAUGUET109 Non loin aussi de l'atelier de Georges Braque. L'atelier est vaste, haut de plafond, il rappelle les ateliers des maîtres d'autrefois. Sa luminosité contribue à éclaircir la palette du peintre dontPierre Lecuire dit dans le Journal des années Staël : « Très étonnant personnage, ce Staël, d'une culture rare chez un peintre, sans préjugé de modernisme et pourtant, un des plus naturellement avancé. »Dès 1949 Pierre Lecuire va travailler à un livre, Voir Nicolas de Staël, dont le peintre annote les feuillets et précise sa pensée, livre-poème qui paraîtra en 1953 avec deux gravures sur cuivre de Staël.1949 composition 102

Dans cet immeuble, Staël va rencontrer un marchand de tableaux américain : Theodore Schempp qui fait circuler son œuvre aux États-Unis, au grand soulagement du peintre qui n'apprécie guère les méthodes de la galerie Louis Carré, qu'il abandonnera pour la galerie Jacques Dubourg au 126

1947Brise-Lames 1947

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Planche XI d’une des prisons imaginaires de Piranese auquel Staël a dédié un tableau en 1948.

L'année suivante(1950), grâce au père Laval, le peintre est exposé dans le couvent des dominicains du Saulchoir, à Étiolles, en compagnie de Braque, Henry Laurens et Lanskoy. Jacques Laval est un dominicain passionné de peinture. Il avait déjà tenté en 1944 d'exposer des toiles abstraites de Staël, mais il avait été obligé de les décrocher sur ordre de ses supérieurs scandalisés. Cette fois l'exposition est acceptée et le père Laval achète un tableau de Staël pour le réfectoire du couvent Saint-Jacques, rue de la Glacière, à Paris.

Staël commence à vendre ses œuvres et la critique voit en lui le peintre représentatif d'un renouveau artistique. Léon Degand l'invite à montrer ses œuvres à l'exposition inaugurale du Museu de Arte Moderna de São Paulo. Mais Staël est très pointilleux sur la façon dont on interprète sa peinture. Il écrit à Degand :

« (…) les tendances non figuratives n'existent pas, tu le sais bien et je me demande bien comment on peut y trouver de la peinture (…). »

En ce mois d'avril 1948, Nicolas de Staël est naturalisé français, et le 13 du même mois naît son fils Jérôme. Anne de Staël voit un lien étroit entre les naissances et la peinture de son père. «  La vie sous la coiffe de sa peinture donnait dans l'éphémère un sentiment de très longue durée La vie était faite de la naissance de sa fille Laurence, le 6 avril 1947, de son fils Jérôme, le 13 avril 1948 . La joie de Staël au moment d'une naissance était une note très haut placée d'émotion (…) C'était le rappel de la « naissance », rappel du moment où la « lumière » vous est versée (…) Vivre était une couleur et l'énergie devait en exalter la flamme. »

Entre 1947 et 1949, la palette du peintre s'éclaircit. Déjà avec Ressentiment, enchevêtrement de structures encore sombres, on voit apparaître des gris et des bleus dans un empâtement de matière qui s'allège peu à peu, avec le noir qui s'efface graduellement comme on le voit l'année suivante dans des œuvres comme Hommage à Piranese (1948), tableau dans les tons pastellisés de gris argenté, puis dans une large toile paysagée, Calme (1949, collection Carroll Janis, New York. Staël se livre à une recherche acharnée sur la couleur, qui aboutit en 1949 à un nouveau système plastique avec Jour de fête « où l'enduit se fait toujours plus dense et gras et la couleur plus délicate. »1948 Jour de Fête103

L'équilibre par la couleur 1949-1951

L'artiste commence plusieurs toiles à la fois mais son travail mûrit plus lentement. Il est animé d'une volonté de perfection dont Pierre Lecuire dit que c'est une « formidable volonté de faire toujours plus fort, plus aigu, plus raffiné, avec au bout l'idée du chef-d'œuvre suprême. »

Staël abandonne les compositions en bâtonnets et leur surcharge pour des formes plus vastes, plus aérées, avec de larges plages de couleur. Le peintre accumule les couches de pâte jusqu'à parvenir à l'équilibre désiré. Si de nombreux tableaux portent encore le titre Compositions, beaucoup ressemblent à des paysages comme l'huile sur toile intitulée Composition en gris et bleu de 1949, (115x195 cm, collection particulière), dont Arno Mansar dit que c'est là une « halte indispensable entre l’expressionnisme des empâtements de la matière de naguère et le prochain éclatement des champs de couleur. »

1949 est une année importante pour Staël qui participe à plusieurs expositions collectives au Musée des beaux-arts de Lyon, à Paris, à São Paulo. À Toronto il expose pour la première foisCasse-lumière, et tandis que Schempp travaille à le faire connaître aux États-Unis, le peintre cherche à entrer en contact avec Christian Zervos qui dirige la revue Cahiers d'art. L'historien Georges Duthuit sert d'intermédiaire et devient l'ami du peintre. Staël continue à voir régulièrement Braque à Paris et à Varengeville-sur-Mer, mais bientôt ses visites seront plus espacées car le jeune peintre a besoin de retrouver les couleurs du Midi. Braque restera néanmoins un de ses principaux inspirateurs et une référence importante.

Staël utilise toutes les techniques, tous les matériaux : gouache, encre de chine, huile, toile, papier. Et il refuse toujours d'être classé dans une catégorie quelconque. Lorsqu'en mars 1950, le Musée national d'art moderne de Paris lui achète Composition (les pinceaux), une huile sur toile de 1949 (162,5 x 114 cm), il exige d'être accroché en haut de l'escalier pour être écarté du groupe des abstraits et il remercie le directeur du musée avec un jeu de mots répété dans toutes les biographies : « Merci de m’avoir écarté du gang de l’abstraction avant, écrit-il à Bernard Dorival, conservateur au Musée national d’art moderne de Paris. ». Il faisait ainsi allusion aux faits divers sanglants du gang des Tractions Avant.

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New York, ville où Staël devient un peintre internationalement reconnu.

Dès 1950, Staël est déjà un peintre qui compte, on parle de lui dans la revue new yorkaise Art and theatre. En France, Christian Zervos lui consacre un très grand article où il compare l'artiste aux grandes figures de l'histoire de l'art>. L'exposition personnelle qui lui est consacrée chez Dubourg du 1er au 15 juin obtient un succès d'estime et le fait connaître des personnalités du monde des arts. En octobre, lorsque Jean Leymarie tente d'acheter la toile Rue Gauguet pour le musée de Grenoble, il se trouve face à la Tate Gallery qui la lui dispute. Le tableau sera finalement acquis par le musée des beaux-arts de Boston.

Staël devient un artiste d'autant plus important que ses tableaux commencent à entrer dans les collections américaines. Le critique Thomas B. Hess écrit dans la revue Art News : « Staël jouit d'une réputation un peu underground en Amérique, où il vend une quantité étonnante de peintures, mais il reste relativement peu connu. » Le travail de promotion de Schempp commence pourtant à porter ses fruits. L'atelier de l'artiste se vide de ses peintures. En 1951, Staël entre au Museum of Modern Art de <

Nicolas de Staël, le peintre foudroyé-2 (suite)

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La figuration-abstraction 1952-1955

Les années explosives : 1952-1953

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Ménerbes où Staël a acheté une maison en 1953, au fond : le Luberon.

Ce sont les années où Staël a effectué le plus grand renouvellement continu selon l'expression de Dobbels. L'année 1952 est riche en création, elle voit naître plus de 240 tableaux de l'artiste, grands et petits formats dont Mantes-la-Jolie, actuellement conservé au Musée des beaux-arts de Dijon. Staël passe de la nature morte aux paysages de l'Île-de-France, aux scènes de football et aux paysages du Midi de la France. Pourtant cette année foisonnante commence par une déception avec une exposition à Londres à la Matthiesen Gallery. Cette ville enthousiasmait l'artiste en 1950. Mais à son retour, en 1952, il dit à sa fille Anne : « Londres, c'est les égouts de Paris en plein ciel avec la majeure partie des maisons construites en poussière marine, pierres à coquillages, noires près de la terre et blanches là où le vent de la mer les lave suffisamment. » En février-mars, 26 tableaux sont présentés. Le vernissage est mondain mais n'a aucun succès. La critique ne comprend pas Staël à l'exception du critique d'art John Russell qui voit dans le peintre un novateur irremplaçable et de Dennis Sutton qui écrit dans la préface du catalogue : « Staël a établi sa foi dans une œuvre intangible, nourrie par la lumière (…) Ce sont des peintures qui élèvent l'esprit. »

Staël est un peu ébranlé, il se lance dans des paysages sur carton de petits formats dans les tond gris bleu et vert (Mantes, Chevreuse, Fontenay-aux-Roses) qu'il distribue à ses amis, notamment à René Char<. Il fait don des Toits (200 x 150 cm, tableau d'abord intitulé Le ciel de Dieppe) au Musée d'art moderne de Paris. Londres l'a fait douter.Dieppe 52083

Mais bientôt un évènement va faire exploser son enthousiasme. Le 26 mars 1952 a lieu au Parc des Princes le match de football France-Suède auquel Staël assiste avec sa femme. Le peintre ressort du Parc transformé, habité par les couleurs qu'il veut immédiatement porter sur la toile. Il y passe la nuit, commençant une série de petites ébauches qui vont devenir Les Footballeurs, sujet qu'il traite avec de très vives couleurs dans plus d'une dizaine de tableaux qui vont du petit au grand format, des huiles sur toile ou huiles sur carton dont un exemplaire se trouve à laFondation Gianadda, un plus grand nombre au Musée des beaux-arts de Dijon, un exemplaire au Musée d'art contemporain de Los Angeles et beaucoup dans des collections privées. Staël se livre tout entier à sa passion des couleurs et du mouvement. Le clou de ce travail, sur lequel il passe la nuit entière pour les ébauches des footballeurs, apparaît au bout d'une semaine : Le Parc des Princes, une toile tendue sur châssis de 200 x 350 cm (7 m2). Il utilise des spatules très larges pour étaler la peinture et un morceau de tôle de 50 cm qui lui sert à maçonner les couleurs .Footballers parc princes nicolas de stael.1280230887

Lorsqu'il expose son Parc des Princes au Salon de mai de la même année, le tableau est ressenti comme une insulte tant par ses confrères que par la critique. Le Parc apparaît comme un manifeste du figuratif qui a contre lui tous les partisans de l'abstraction. Comme Jean Arp ou Jean Hélion, Staël est déclaré coupable d'avoir abandonné ses recherches abstraites, il est traité decontrevenant politique selon l'expression d'André Lhote.Les Footballers 19520881952 Joueurs de footNature morte avec une bouteille112

À tout ce bouillonnement autour de deux mots, Staël répond dans un questionnaire que Julien Alvard, Léon Degand, et Roger van Gindertael ont donné à plusieurs peintres : « Je n'oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d'un espace. »

André Breton déclare que « le novateur authentique, à qui marchands et critiques défendent aujourd'hui, pour des raisons de vogue, toute autre voie que celle du non-figuratif n'a pas grande chance de s'imposer. ». Ce en quoi il se trompe. Le galeriste new yorkais Paul Rosenberg, très attiré par cette toile, va imposer Staël aux États-Unis dès l'année suivante et lui proposer un contrat d'exclusivité après avoir vu l'exposition du 10 au 28 mars 1953 à New York chez Knoedler, où Staël a connu un succès retentissant Paul Rosenberg est un galeriste de référence auxquels les amateurs font confiance. Il vend les grands maîtres : Théodore Géricault, Henri Matisse, Eugène Delacroix, Georges Braque. Nicolas de Staël est heureux de se retrouver en si bonne compagnie.

Pots rouges 1952Pot rouge 1952082Les Bouteilles 1952Bouteilles 1952081

Mais la vie à New York lui paraît difficile. Le 13 mars, il revient à Paris, au moment où paraît le livre de Pierre Lecuire, Voir Nicolas de Staël, avec une lithographie en couverture et deux gravures de Staël.

Quelques mois plus tard, Staël trouve une nouvelle source d'inspiration dans la musique. Alors qu'il est invité le 5 mai à un concert chez Suzanne Tézenas, à la fois héritière et mondaine, le peintre découvre les "couleurs des sons" : après avoir entendu Pierre Boulez, Olivier Messiaen, Isaac Albéniz, il s'intéresse à la musique contemporaine et au jazz. En particulier à Sidney Bechet auquel il rend hommage avec deux toiles : Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet dont une version se trouve au Centre Pompidou, à Paris, l'autre version, intitulée Les Musiciens (Street Musicians), à la Phillips Collection de Washington. De cette période d'inspiration musicale naîtront également L'Orchestre. Il envisage même un ballet avec René Char : L'Abominable des neiges, ainsi qu'une toile inspirée par la reprise à l'Opéra de Paris de l'opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau Les Indes galantes que le peintre intitulera aussi Les Indes galantes, une huile sur toile de 161 x 114 cm (collection particulière) peinte en 1952- 1953.

La Lune 1953La lune 1953090Nature morte aux bocaux 1953Nature morte aux Bocaux 195307356459b0e-540e-11de-a619-9bd384adb8b6Nature morte en gris 1953Nature morte en gris 1954071

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Le village de Lagnes où Staël a résidé.

Mais il lui manque toujours les couleurs du Midi. Il loue pendant un mois une magnanerie près d'Avignon, à Lagnes, où les couleurs de sa palette vont devenir éclatantes. Puis il met toute sa famille dans sa camionnette et il l'emmène en Italie puis en Sicile où il admire la Toscane, Agrigente, sujet de ses plus célèbres toiles<

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Agrigenteagrigente-nds 753Agrigente078Agrigente079La route d'UzèsLa Route d'Uzès 1954085La Seine à Paris 1954La Seine à Paris 1954084Les Martigues 1954Les Martigues 1954

Peu après, Staël achète une maison dans le Luberon, à Ménerbes, le Castelet. Il y peint entre autres plusieurs toiles intitulées Ménerbes dont une version d'un format de 60 x 81 cm se trouve au musée Fabre de Montpellier. Il continue à fournir inlassablement Rosenberg qui explique dans un journal américain qu'il considère Staël comme une des valeurs les plus sûres de son époque, le marchand d'art prépare une exposition : Recent Paintings by Nicolas de Staël qui aura lieu dans sa galerie en 1954Ménerbes.

L'exposition du 8 février 1954 chez Paul Rosenberg va se révéler un très grand succès commercial.

Les couleurs du Midi : 1954 - 1955

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Le Lavandou, un des lieux où Staël a peint des paysages méditerranéens.

Exilé aux États-Unis depuis la Guerre, Rosenberg, qui avait une galerie au 26 rue La Boétie à Paris, et une succursale à Londres, a déjà vendu les plus grands peintres dans les années trente : Picasso, Braque, Léger, Matisse. Plus qu'un marchand, c'est un "seigneur" qui dit par provocation : « Pour moi, un tableau est beau quand il se vend. » Et précisément, il vend énormément de Staël. La majorité des œuvres de la période 1953-1955 ont été vendues à New York, principalement par Rosenberg, (ainsi que par Schempp), comme on peut le vérifier dans le catalogue raisonné établi par Françoise de Staël et la liste des œuvres actuellement visibles dans les musées américains.

Pour l'exposition du 8 février 1954, le peintre lui fournit tous les tableaux qu'il a peints à Ménerbes, en souvenir de son voyage en Sicile, en Italie.

FiesoleIci Fiesole en haut et Paysages siciliens en basSicile 1954068-copie-1Temple sicilienTemple sicilien 1953069

Il propose toutes les couleurs du Midi, des fleurs, des natures mortes, des paysages. À Lagnes, Staël a travaillé avec une telle énergie et a produit tant de toiles que Rosenberg est obligé de le freiner en lui expliquant que les clients risquent d'être effrayés par une trop grande rapidité de production. Agacé, Staël répond qu'il fait ce qu'il veut, et que peindre est pour lui une nécessité, exposition ou pas. Il demande même que le marchand lui renvoie une Nature morte aux bouteilles (1952) que Rosenberg trouve trop lourde, et dont une version de 64 7 × 81 cm se trouve au musée Boijmans van Beuningen deRotterdam.1952 Nature morte avec une bouteille111

À New York, les tableaux de Staël reçoivent un accueil favorable de la part des collectionneurs américains qui achètent très rapidement, certains d'entre eux en feront don à des musées, ce qui explique l'énorme proportion de tableaux de Staël actuellement visibles aux États-Unis. Lors du vernissage, il y a, dans l'assemblée, un jeune diplomate français qui est bouleversé par cette peinture. C'est Romain Gary. Il écrit à Staël, rue Gauguet : « Vous êtes le seul peintre moderne qui donne du génie au spectateur. »

Le 3 avril, Françoise donne naissance à un fils, Gustave, dont le peintre dit que c'est « son portrait en miniature, un objet très vivant . »

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Antibes vue des remparts sur lesquels Staël avait son atelier en 1954.

Au mois de juin, chez Jacques Dubourg, une nouvelle exposition de Staël montre une douzaine de peintures parmi lesquels Marseille (vue de Marseille), huile sur toile de 64 7 × 81 cm actuellement visible au Los Angeles County Museum of Art, L'Étang de Berre, La Route d'Uzès,LxLa Route d'Uzès 1954087 tableaux qui font sensation. Mais certains critiques s'en prennent au nouveau style du peintre. Notamment Léon Degand qui écrit que ces belles couleurs et ce brio « s'avèrent insuffisants au bout de cinq minutes, pour qui cherche un peu plus que des qualités purement extérieures. » Staël a aussi des défenseurs qui soulignent le talent du peintre dans le concret et dans la couleur, notamment Alain Berne-Jouffroy dans La Nouvelle Revue Française.

À Paris, pendant l'été, Staël peint une série de natures mortes, de paysages et de bouquets de fleurs : La Seine (89,2 × 130,2 cm), achetée par Joseph H. Hirshhorn qui en a fait don à Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington). Le peintre fait plusieurs séjours dans la Manche ou près de la mer du Nord d'où il ramène le sujet de toiles aux tonalités douces : Cap Gris-Nez, Cap Blanc-Nez. Les toiles de cette période ont rapidement trouvé acquéreur et elles sont pour la plupart dans des collections privées.

Mais Nicolas de Staël a changé. Littéralement envoûté par Suzanne Tézenas, dont le salon parisien rivalise avec ceux de Louise de Vilmorin ou deFlorence Gould, il est pris d'une passion fiévreuse pour celle qui est la mécène de Pierre Boulez après avoir été l'amie très chère de Pierre Drieu La Rochelle .

En 1954, Staël s'entiche d'une autre femme : Jeanne Mathieu. Pour être près de celle qu'il aime, et qui réside près de Nice, le peintre achète d'abord un château "Le Castellet" à Ménerbes (je l'ai visité)...le voici...de-Stael1---Menerbes-1 de-Stael2---Menerbes-1puis loue un appartement à Antibes où il vit seul, sans sa famille et où il installe son atelier. « Pour la première fois de sa vie, Staël aime plus qu'il n'est aimé. Sa passion pour Jeanne le submerge. » C'est elle qu'il campe de mémoire dans : Jeanne (nu debout) (146×97 cm), Nu couché0741953, tableau postdaté et intitulé en 1954 Nu Jeanne, une silhouette vaporeuse, émergeant d'une brume de couleurs tendres. C'est également Jeanne Mathieu qui a servi de modèle au Nu couché, tableau qui a été vendu en décembre 2011 pour la somme de 7.03 millions d'euros.Nu-couche2-copie-1.jpg

Travaillant de nouveau comme un fou, il n'utilise plus la même technique. Maintenant, au lieu de peindre en pâtes épaisses, il dilue les couleurs. Les marines deviennent son thème privilégié. Le fils de Paul Rosenberg lui écrit : « Il y a des gens pour regretter vos empâtements, trouvant la matière lisse du dernier lot moins frappante. » Le peintre use maintenant de matériaux différents, il abandonne le couteau et les spatules pour du coton ou des tampons de gaze avec lesquels il étale la couleur. Les grands formats l'intimident désormais, mais il continue à en réalise.

Un voyage en Espagne et la visite des salles Vélasquez au musée du Prado lui font un temps oublier Jeanne. Mais bien vite, il retourne à Antibes car la passion le dévore. À l'automne, il se sépare définitivement de Françoise. À la fin de l'année, il se retrouve seul et abattu. Mais il a plusieurs projets d'expositions dont une au musée Grimaldi, et la frénésie le reprend. Il travaille sur plusieurs toiles à la fois : dans le dernier mois de sa vie, il réalise plus de 350 peintures. Mais il a besoin d'avis. Il en demande d'abord à Douglas Cooper, un collectionneur d'art, qui se montre très sceptique sur le style décoratif de ces dernières œuvres. D'après John Richardson, Cooper était d'une humeur grincheuse. Cooper est insensible auxMouettes (195 × 130).1955 Les Mouettes108 Fin janvier, Staël écrit à Cooper pour expliquer son évolution et défendre son point de vue, mais il est très atteint par la réserve de Cooper bien qu'il fasse mine de la rejeter. Il rejette également les remarques de Pierre Lecuire, mais les critiques le blessent. Mais, bien que très inquiet sur la qualité de son travail, il continue d'expédier des toiles à New York et à Paris.

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Maison d'Antibes où Staël a vécu de 1954 à 1955.

Il écrit à Suzanne Tézenas : « Je suis inquiet pour la différence de lumière, lumière d'Antibes à Paris. Il se pourrait que les tableaux n'aient pas à Paris la résonance qu'ils ont dans mon atelier d'Antibes. C'est une angoisse. ». Le 5 mars, il se rend à Paris où il retrouve finalement l'inspiration. Il assiste à deux concerts au Théâtre Marigny, il suit une conférence de Pierre Boulez, il rencontre des amis avec lesquels il forme des projets et, de retour à Antibes, il peint ses impressions musicales. Sur un châssis de 6 mètres de haut il entreprend Le Concert et il trouve chez des amis violonistes des matériaux pour exécuter des esquisses. La peinture provoque chez lui une extrême tension. Le malaise de Nicolas est d'autant plus grand que Jeanne Mathieu se montre très distante, et ne vient pas à leur dernier rendez-vous.1955 stael concert 1955

Le 16 mars, Staël se jette par la fenêtre de son atelier, après avoir tenté la veille d'ingurgiter des barbituriques.

Selon Jean-Louis Prat, commissaire de l'exposition Nicolas de Staël en 1995 à la Fondation Gianadda : « Entre une abstraction qui n'a pour elle que le nom et une figuration qui n'illustre qu'imparfaitement le réel, Nicolas de Staël a exploré jusqu'à l'épuisement le vrai domaine de la peinture dans son essence et son esprit. »

C'est aux États-Unis que les amateurs de Staël ont été les plus nombreux. Dans l'année qui a suivi sa mort, les tableaux du peintre n'ont été exposés que dans des musées américains. Les œuvres de Staël sont revenues en Europe l'année suivante122.

Expositions personnelles en 1955-1956

La dernière rétrospective de l'œuvre de Nicolas de Staël a eu lieu à la Fondation Gianadda de Martigny, en Suisse, du 18 juin au 21 novembre 2010 : Nicolas de Staël, 1945-1955.

Sélection d'œuvres[modifier]

Entre les tableaux, les collages et les dessins, ce sont au total plus de mille pièces (compositions abstraites, nus, natures mortes) qui sont dans les musées et dans les collections particulières.

Cote

  • Nature morte au poêlon, 1955, huile sur toile, 65×81 cm, adjugée 625 232 euros en octobre 2007.
  • Nu couché, 1954, 97 x 146 cm, adjugée 7,03 millions d'euros en décembre 2011 à Paris.

Bibliographie]

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Tombe de Nicolas de Staël et Jeannine Guillou au cimetière de Montrouge.

Correspondance[modifier]

Essais et biographies

  • André Chastel, Françoise de Staël et Jacques Dubourg, Staël, lettres et catalogue raisonné de ses peintures 1934-1955, Paris, Le Temps, 1968, 407 p.Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Pierre Jouffroy, La Mesure de Nicolas de Staël, Neuchâtel, Ides et Calendes, 1981 (ISBN 2-8258-0001-5) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Françoise de Staël, Nicolas de Staël, catalogue raisonné de l'œuvre peint, Neuchâtel, Ides et Calendes, 1997, 1267 p. (ISBN 2-82558-0054-6) Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    Françoise de Staël, née Françoise Chapouton, est la veuve de Nicolas de Staël décédée le 29 mars 2012.
  • Jean-Paul Ameline, Alfred Pacquement et Bénédicte Ajac, Nicolas de Staël, catalogue de l'exposition du 12 mars au 18 juin 2003, t. pages totales= 251, Paris, éditions du Centre Pompidou, 2003 (ISBN 2-84426-158-2)Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Louis Andral (sous la dir.), Nicolas de Staël, un automne, un hiver, catalogue de l'exposition du musée Picasso à Antibes, éd. Hazan, Paris, 2005
  • Alain Madeleine-Perdrillat, Staël, les mots de la peinture, Paris, Hazan, 2003, 128 p. (ISBN 2-85025-861-X)

Filmographie


Nicolas de Staël est mort d'amour, en pleine gloire

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Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint
Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint

Nicolas dans son atelier, sa maison à Antibes où il s'est suicide, le château de Ménerbes qu'il a acheté pour se rapprocher de Jeanne Mathieu et qu'il a peint

(Frédéric Lewing et Gwendoline Dos Santos - Le Point.)

16 mars 1955. Un amour qui se refuse pousse le peintre Nicolas de Staël à se suicider. Gâchis.

Le Point.fr - Publié le 16/03/2012 à 00:00 - Modifié le 16/03/2014 à 00:01

Repoussé par une femme aimée, effrayé par le succès, le peintre russe saute dans le vide depuis sa terrasse d'Antibes.

1955 Une passante remonte la minuscule rue du Revely, derrière le port d'Antibes. Elle distingue une masse sombre sur le trottoir. En s'approchant, elle découvre avec horreur le cadavre d'un homme vêtu d'une chemise, d'une veste et d'un pantalon bleu. Aux pieds, il porte une paire d'espadrilles. Elle s'affole, appelle à l'aide. Il semble avoir été la victime d'une chute. On lève la tête. On aperçoit une terrasse. Il a dû sauter de là. Cet homme doit être le peintre qui s'est installé dans la maison en octobre dernier. Effectivement, cet homme mort, c'est Nicolas de Staël, 41 ans.

Le peintre a choisi de mourir parce qu'une femme désirée se refuse à lui, parce qu'une gloire non désirée s'offre à lui. On l'aura compris, le père Nicolas n'est pas le plus simple des hommes. Orphelin et exilé, le prince russe possède une âme tourmentée, dépressive. Il peint avec frénésie. Il détruit avec frénésie. Depuis deux ans, il connaît enfin le succès. Les collectionneurs s'arrachent ses toiles. Mais cela ne l'enthousiasme guère. Pourquoi l'aime-t-on seulement maintenant, et pas avant ? Ne recherche-t-on pas ses oeuvres d'abord par esprit de spéculation, sans les apprécier ?

 
 

Depuis deux ans, Nicolas de Staël est éperdument amoureux d'une jeune femme nommée Jeanne Mathieu. Il la rencontre durant l'été 1953 lorsqu'il passe ses vacances en famille dans une magnanerie (ancienne ferme qui pratiquait l'élevage de vers à soie) louée à la famille Mathieu, près d'Apt. C'est son ami le poète René Char qui lui a donné l'adresse. Les Mathieu, c'est une grande famille composée des parents et de quatre enfants, dont Jeanne, mariée et mère elle-même de deux enfants. Brune, mais solaire, elle rayonne. Elle n'est pas farouche non plus, car René Char a probablement eu une rapide aventure avec elle. Dès qu'il la voit, de Staël, lui, est foudroyé. Jeanne lui rappelle Jeanine, sa première femme adorée, morte quelques années auparavant.

"Vous avez gagné"

Il écrit à Char : "Jeanne est venue vers nous avec des qualités d'harmonie d'une telle vigueur que nous en sommes encore tout éblouis. Quelle fille, la terre en tremble d'émoi ! Quelle cadence unique dans l'ordre souverain... Quel lieu, quelle fille !" Cette rencontre déclenche une tempête dans le crâne de l'artiste. Elle l'obsède. Au moment de partir pour l'Italie avec son épouse Françoise et ses deux enfants afin d'y poursuivre ses vacances, il ne peut se résoudre à quitter Jeanne. Alors, il la convainc de les accompagner dans la camionnette familiale. Une mauvaise idée : l'épopée tourne au cauchemar. La proximité de la jeune femme le rend fou. Quand ils reviennent à Lou Roucas, de Staël renvoie brutalement sa famille à Paris pour rester seul avec Jeanne. Il la peint, il lui fait l'amour. Il lui offre le mariage, car un prince russe est respectable. Elle a peur de cet amour trop fort. Elle se lasse. Elle le lui fait savoir. Il souffre. Il se désespère. Il injecte sa colère dans ses tableaux. Il pense au suicide.

Au début du mois de mars 1955, le peintre est à Antibes dans l'appartement qu'il loue pour peindre seul, sans sa famille. Le 5, il décide de monter à Paris en voiture pour assister à plusieurs concerts au théâtre Marigny. Il en profite pour rendre visite à Jean-François Jaeger, le directeur de la galerie Jeanne-Bucher qui l'a sous contrat. Il lui confie : "Je suis perdu... Peut-être ai-je assez peint." Il repart pour Antibes. Le 14 mars, il brûle de nombreux documents personnels, sauf les lettres de Jeanne. Il saute dans sa voiture pour aller les lui remettre. Comme elle refuse de lui ouvrir la porte, il les donne au mari présent en lui murmurant : "Vous avez gagné." Désespéré, il retourne à Antibes où il passe sa rage sur une toile de quatre mètres sur six. Durant trois jours, il se bat avec le rouge, le noir. Il peint un piano noir et massif faisant face à une contrebasse lumineuse, sur un fond rouge. C'est violent, c'est tragique. Le soir du troisième jour, c'est-à-dire le 16 mars 1955, il monte sur la terrasse, prêt à en finir. Quelques minutes plus tard, Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein s'est débarrassé de sa "carcasse d'homme".

Grand Nu Orange (modèle Jeanne Mathieu) Encore elle dans "Le Nu couché"
Grand Nu Orange (modèle Jeanne Mathieu) Encore elle dans "Le Nu couché"
Grand Nu Orange (modèle Jeanne Mathieu) Encore elle dans "Le Nu couché"

Grand Nu Orange (modèle Jeanne Mathieu) Encore elle dans "Le Nu couché"

"Grand nu orange" de Nathalie Chaix

Publié le 29 octobre 2012 par Francisrichard

Grand_nu_orange.jpgGrand nu orange, "L'Olympia du XXe siècle" selon le critique Dorval, est le nom d'un tableau de Nicolas de Staël que lui a inspiré son amante Jeanne Mathieu. Sous ce titre Nathalie Chaix, elle, s'est inspirée librement de l'histoire de l'amour impossible entre le peintre et son modèle.

Ce roman ne prétend donc pas à la fidélité historique mais il respecte les noms des personnes, les événements, la chronologie de cet amour adultère, et, certainement, l'esprit dans lequel les deux amants se sont trouvés, pris, dépris, repris, dépris...

L'histoire commence à l'été 1953. Nicolas de Staël et René Char sont amis. Ils sont tous deux des géants, physiquement, et des artistes, géants. L'un est peintre, l'autre poète.

René parle beaucoup à Nicolas, qui est parisien d'adoption, du Sud de la France, dont il est originaire et où sa peinture devrait pouvoir puiser de l'inspiration comme sa poésie à lui s'y est nourrie.

René, qui vit à l'Isle-sur-la-Sorgue, trouve à Lagnes, grâce à ses amis Mathieu, du Lubéron, un lieu de villégiature pour Nicolas et sa famille. Car Nicolas est marié à Françoise et a trois enfants, Anne, d'un premier lit, Laurence et Jérôme, du second. Et Françoise est, à l'époque, enceinte d'un troisième, qui s'appellera Gustave.

La  magnanerie, Lou Roucas, dans laquelle les Staël s'établissent, appartient à Marcelle et Fernand Marthinieu, qui habitent le voisinage, aux Camphoux, avec leurs trois fils Henri, Jean et Lucien. Le Rébanqué, une bergerie rustique, est le repaire de René dans le coin. C'est là que Nicolas rencontre Jeanne pour la première fois.

Comme tous les artistes-peintres, Nicolas a bientôt envie d'un voyage plus au Sud, en Italie. Il emmène avec lui, dans sa camionnette Citroën, ses deux derniers et trois femmes: Françoise et deux amies de René, Ciska que ce dernier a connu pendant la Résistance et Jeanne, mariée à Urbain Mathieu, mère de deux enfants, Jules et Gaspard.

Sans avoir besoin de se dire quoi que ce soit, Nicolas et Jeanne tombent amoureux l'un de l'autre. D'ailleurs ils ne se disent rien au début. Nicolas fait comme si Jeanne n'existait pas. Jeanne fait semblant de rien, mais il lui plaît exactement. Elle jalouse Françoise et son ventre rond, qui lui donne des envies de meurtre. Elle fait alors le premier pas à Fiesole où ils se sont rendus seuls et c'est pour eux deux une "union minérale, florale, animale".

Nicolas renvoie Françoise et ses enfants à Paris. Il veut rester seul pour peindre, en fait pour être près de Jeanne, qui accepte d'être son modèle. Ces amours déplaisent à un René (Char) jaloux. Jeanne est la cause de la fin de l'amitié entre les deux géants. Elle est bien consciente que "cet homme, c'est une folie", mais il lui donne de l'égarement qu'elle est venue chercher auprès de lui:

"L'amour emporte tout, balaie les serments, les conventions, les religions."

Aussi Jeanne passe-t-elle par tous les états d'âme:

"Après. Le doute. La peur. Le remords.

Plaisir. Repentir."

Jusqu'au jour où elle se reprend:

"J'ai dit non. Je ne serai pas sa prisonnière,

sa princesse enfermée dans une tour."

Parce qu'il veut qu'elle quitte sa famille pour être entièrement, exclusivement à lui, comme lui quitte la sienne:

"Je ne suis pas à lui. Je ne suis à personne."

Il ne pense qu'à elle. Elle l'obsède. Son amour pour elle le mine. Il se vide sans elle:

"Il s'en veut de n'avoir pas assez de fierté pour mettre un terme à cette aliénation, pour cesser de l'attendre, définitivement."

Pourtant, curieusement, dans le même temps, cet amour l'aiguillonne, décuple ses forces créatrices.

Tout cela ne peut que mal finir. Et cela finit mal.

Dans ce roman à deux voix, celle du récit anonyme et celle, en contrepoint, de Jeanne, que seule une femme du même âge qu'elle pouvait incarner, avec ses mots, avec sa sensibilité, Nathalie Chaix nous raconte une histoire tragique dont l'issue est connue d'avance. Aussi l'intérêt de ce roman ne se trouve-t-il pas dans l'histoire elle-même mais dans la façon aiguisée, très économe de mots, avec laquelle l'auteur décrit les êtres et les choses.

Ainsi un autre nu de Nicolas, que celui du titre, parmi bien d'autres nus qui représentent Jeanne, s'intitule-t-il Nu couché bleu. Pour qui connaît l'oeuvre, ce tableau est résumé avec concision et justesse par Nathalie Chaix en ces termes:

"Cuisses ouvertes. Bras fermés.

Ce qui se donne et ce qui se refuse."

Si René Char disparaît très vite de l'histoire, l'auteur ADOPTE un ton poétique à de nombreuses reprises, que le poète provençal n'aurait pas désapprouvé. Car Nathalie Chaix assemble les mots comme les notes d'une musique évocatrice pour rendre compte de cette tragédie.

La fin elle-même est un long poème, qui se passe de ponctuation, et de commentaires, et qui se termine par ces vers libres, comme les propos de l'auteur tout au long du livre, pour décrire le plongeon du 16 mars 1955:

"Son du corps qui percute l'asphalte

arrêt de la respiration

fin du souffle

murmure du sang qui se disperse - luisant - sur la pierre grise

froide."   

Francis Richard

Grand nu orange, Nathalie Chaix, 216 pages, Bernard Campiche Editeur


En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/5882209/grand-nu-orange-de-nathalie-chaix/#3QIiykjASCpeu4AG.99

Le roman qui va faire scandale

Le "Train Bleu" et "Le Temple". Les 21 ans de Charlyne Berg

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BON ANNIVERSAIRE CHARLYNE !!!

Avec Charlyne Berg, Hugo Horiot et Christian VancauToujours ce 27 octobre 2011, après avoir quitté Françoise Lefèvre, Charlyne, Hugo et moi, décidons d'aller prendre un verre au célèbre " Train Bleu", ce qui me permet de retrouver l'ancienne Gare de Lyon de mon adolescence, vitrée et charpentée d'acier, comme la Tour Eifel, les anciennes Halles, le Pont de Bir-Hakheim ou l'ancienne Gare d'OrsayLa Gare de Lyon P1070801P1070805P1070806Et voici Hugo CABRET et en-dessous à droite Hugo HORIOT.P1070808.JPG

Le Train Bleu, anciennement "Le Buffet de la gare de Lyon" a été construit en 1900, à l'occasion de l'Exposition Universelle. Il a été dénommé "Train bleu" en 1963 en hommage au myrhique Paris-Vintimille (celui que je prenais dans les années cinquante).Le train Paris-Vintimille

Quarante et une peintures ornent murs et plafonds du restaurant, représentant les paysages traversés par le train.

Parmi les clients fidèles de tous temps: Coco Chanel, Brigitte Bardot, Jean Cocteau, Salvador Dali, Jean Gabin, Charlyne Gerard...

Le Bar s'appelle "Le Big Ben Bar" (on reconnaîtra Henri Miller qui ne serait pas mort du tout m'a t'il dit dans l'oreille..) ainsi que Hugo Horiot et Christian VancauLe Big Ben Bar du Train bleu P1070834
P1070837
Luc Besson a immortalisé ce restaurant dans son film NIKITA

 

Nous montons le grand escaler du Train BleuP1070811
Princesse Charlyne et Prince Hugo saluant la fouleP1070813P1070814Le couple princier s'affale et s'affole sur le grand sofa du Salon et Charlyne fait la folleAu Train belu-Gare de Lyon P1070818P1070819P1070820P1070828P1070832Enfin en allant faire la vidange de mes cocktails, j'ai photographié la gare de Lyon par la lucarne horizontale des Toilettes du Train Bleu.P1070822P1070823

En réalité Charlyne fête ses 21 printemps au jourd'hui et nous enfilons moultes cocktails délicieux aux prix nettement moins délicieux.

Nous décidons de continuer la fête dans un restaurant Corse "Le Temple", situé avenue deTurbigo, plus Kitsch que cela tu meurs. Voici la patronneP1070840P1070843P1070841

Et nous retrouvons notre couple princier, bien content de pouvoir s'encanailler en toute intimité. Fi de tous ces palacesP1070846P1070844P1070842Charlyne et Marilyn

 

C'est l'histoire de trois amis

Christian Vancau, Hugo Horiot et Charlyne Berg

 

Une sorte de "JULES et JIM".....

Au commencement était BORGES

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Je n'ai pas connu Borgès. Il est mort en 1986 (à 87 ans). Il avait progressivement perdu la vue et sur la fin de sa vie, les mots étaient devenus son unique lien avec le monde. Le voici à l'hôtel Villa Igica, à Palerme en 1984 . "Tu deviendras aveugle, écrit-il prophétiquement dans l'Autre. Mais ne crains rien, c'est comme  la longue fin d'un très beau soir d'été".

Il ne pouvait plus lire, lui qui avait dirigé la Bibliothèque de Buenos Aires, lui dont les livres constituaient la seule passion. Il avait heureusment mémorisé ses auteurs préférés-Schopenhauer, Bloy, de Quincey, Kipling, qu'il convoquait dans sa tête pour de longs colloques à  bouche fermée.
 378px-Jorgeluisborges2

 

Souvent j'imagine Borges à la nuit tombante, étendu sur une chaise longue, une couverture sur les genoux. Puis il ferme doucement les yeux. Son esprit est déjà ailleurs, dans un monde où les mots priment sur le réel et où les hommes sont des marionnettes aux mains des littérateursBORGESv

 

Jorge Luis Borges, selon l'état civil Jorge Francisco Isidoro Luis Borges Acevedo est né à Buenos Aires le 24 août 1899 et mort à Genève le 14 juin 1986, est un écrivain argentin de prose et de poésie. Ses travaux dans les champs de l'essai et de la nouvelle sont considérés comme des classiques de la littérature du XXe siècle.


Biographie

Enfance

Jorge Luis Borges est le fils de Jorge Guillermo Borges, avocat et professeur de psychologie féru de littérature et de Leonor Acevedo Suárez, à qui son époux a appris l'anglais et qui travaille comme traductrice. La famille de son père était pour partie espagnole, portugaise et anglaise ; celle de sa mère espagnole et vraisemblablement portugaise aussi. Chez lui on parle aussi bien l'espagnol que l'anglais et depuis sa plus tendre enfance, Borges est donc bilingue, même s'il dira toute sa vie qu'il ne maîtrise pas parfaitement l'anglais.

Débuts littéraires

Pendant la Première Guerre mondiale, la famille Borges habite durant trois années à Lugano puis à Genève où le jeune Jorge étudie au Collège Calvin. Puis après la guerre la famille déménage de nouveau à Barcelone, Majorque puis Séville et enfin Madrid. En Espagne, Borges devient membre d'un mouvement littéraire d'avant-garde ultraïste. Son premier poème, Hymne à la mer, écrit dans le style de Walt Whitman, est publié dans le magazine Grecia.

Il retourne à Buenos Aires en 1921 et s'engage dans de multiples activités culturelles : il fonde des revues, traduit notamment Kafka et Faulkner, publie des poèmes et des essais.Borges 1921

À la fin des années 1930, il commence à écrire des contes et des nouvelles et publie l'Histoire universelle de l'infamie, qui le fait connaître en tant que prosateur.

Principalement connu pour ses nouvelles, il écrit aussi des poèmes et publie une quantité considérable de critiques littéraires. Il est également l'un des auteurs des récits policiers parodiques signés Bustos Domecq, écrits en collaboration avec son ami Adolfo Bioy Casares, et de chansons sur des musiques d'Astor Piazzolla.

En 1938 il obtient un emploi dans une bibliothèque municipale de Buenos Aires. C'est à cette époque qu'il écrit Pierre Ménard, auteur du Quichotte, son premier conte fantastique.614px-JorgeLuisBorges Il perd cet emploi en 1946 en raison de ses positions contre la politique péroniste et devient inspecteur des lapins et volailles sur les marchés publics. En 1955, le gouvernement « révolutionnaire » militaire qui chasse Juan Perón du pouvoir, nomme Borges directeur de la bibliothèque nationale. Il devient également professeur à la faculté de Lettres de Buenos Aires. Comme son père avant lui, il souffre d'une grave maladie qui entraîne une cécité progressive, laquelle deviendra définitive en 1955.

Reconnaissance internationaleJorge Luis Borges 1951, by Grete Stern

C'est seulement dans les années 1950 que Borges est découvert par la critique internationale. L'écrivain Roger Caillois, qui avait proposé des nouvelles de lui dans la revue Lettres Françaises en octobre 1944 (numéro 14) à Buenos Aires, offre dans la collection "La Croix du Sud", chez Gallimard, Fictions en 1951. C'est une découverte pour le public français et européen. Après Drieu La Rochelle et l'importante action de Roger Caillois -reconnue par J.L Borges lui-même qui fait de lui son "inventeur"- c'est la revue Planète qui le fait connaître du grand public.

La reconnaissance internationale de Borges commence au début des années 1960. En 1961, il reçoit le Prix international des éditeurs, qu'il partage avec Samuel Beckett. Alors que Beckett est bien connu et respecté dans le monde anglophone, Borges est inconnu et non traduit — ce qui ne manque pas de susciter la curiosité des locuteurs anglophones. Le gouvernement italien le nomma Commendatore et l'Université du Texas à Austin le recrute pour un an. La première traduction de son œuvre en anglais date de 1962, avec des lectures en Europe et dans la région des Andes les années suivantes.Jorge Luis Borges Hotel Paris 1969 Borgès à Paris en 1969

 

Borges reçoit de nombreuses distinctions, telles que le Prix Cervantes en 1979, le Prix Balzan en 1980 (pour la philologie, linguistique et critique littéraire) ou la Légion d'honneur en 1983. Il est même nommé plusieurs fois pour le prix Nobel de littérature mais ne l'obtiendra jamais, pour des raisons inconnues qui ont donné lieu à de nombreuses spéculations.Borgesygroupies 1976

Après la mort de sa mère (en 1975), Borges se met à voyager partout à travers le monde et ce jusqu'à la fin de sa vie.800px-Plaque Jorge Luis Borges, 13 rue des Beaux-Arts, Pari624px-Borges 001

Borges se marie deux fois. En 1967, il épouse une vieille amie, Elsa Astete Millán, veuve depuis peu. Le mariage dure trois ans. Après le divorce, il retourne chez sa mère. Pendant ses dernières années, Borges vit avec son assistante, María Kodama, avec qui il étudie l'anglo-saxon pendant plusieurs années. En 1984, ils publient des extraits de leur journal, sous le nom d'Atlas, avec des textes de Borges et des photographies de Kodama. Ils se marient en 1986, quelques mois avant sa mort.

Borges meurt d'un cancer à Genève en 1986 ; il avait choisi, à la fin de sa vie, de retourner dans la ville où il a étudié. Il est incinéré et ses cendres reposent au cimetière des Rois.401px-Tumba-de-Jorge-Luis-Borges-7430 10 Genève

450px-Homenaje a Borges en Santiago de Chile450px-Borges Lisboa 1450px-Maria KodamaOpinions politiques

Politiquement, il se définit volontiers comme un conservateur, ce qui est pour lui une manière d'être sceptique (cf. préface au Rapport de Brodie). Quand Juan Perón revient d'exil et est réélu président en 1973, Borges renonce à son poste de directeur de la bibliothèque nationale. Opposé à « l’abominable dictature du général Perón »3, il reste silencieux face aux crimes de la junte militaire au pouvoir en Argentine dans les années 1970 pendant la période qualifiée de « guerre sale », ce qui lui sera reproché.

Plusieurs nouvelles de Fictions peuvent être lues comme des dénonciations du totalitarisme. Par exemple La Loterie à Babylone ou encore Tlön, Uqbar, Orbis Tertius, dont la spécialiste Annick Louis affirme dans le Magazine Littéraire qu'elle peut être lue « comme une réflexion sur un des paradigmes dominants de l'époque - celui qui postule le réel comme une forme de chaos régi par une vérité occulte »6.

Œuvre

Borges en 1963,
photo de Alicia D'Amico

 

Borges privilégie l'aspect fantastique du texte poétique, rejetant une écriture rationnelle qu'il juge insuffisante et limitée. Certains considèrent Borges comme l'une des influences majeures du réalisme magique latino-américain. D'autres y voient au contraire un écrivain universel dans lequel peut se reconnaître toute l'humanité.

Son travail est érudit, et à l'occasion délibérément trompeur (Tlön, Uqbar, Orbis Tertius). Il traite souvent de la nature de l'infini (La Bibliothèque de Babel, Le Livre de sable), de miroirs, de labyrinthes et de dérive (Le Jardin aux sentiers qui bifurquent), de la réalité, de l'identité ou encore de l'ubiquité des choses (La Loterie à Babylone).

« Jorge Luis Borges est l'un des dix, peut être des cinq, auteurs modernes qu'il est essentiel d'avoir lus. Après l'avoir approché, nous ne sommes plus les mêmes. Notre vision des êtres et des choses a changé. Nous sommes plus intelligents. » a dit à son propos Claude Mauriac.

Des ouvrages comme Fictions ou L'Aleph contiennent des textes souvent courts et particulièrement révélateurs du talent de Borges pour l'évocation d'univers ou de situations étranges qui lui sont propres. Dans Le Miracle secret, un écrivain, face au peloton d'exécution, dans la seconde qui précède sa fin, se voit accorder la grâce de terminer l'œuvre de sa vie. Le temps se ralentit infiniment. Il peaufine mentalement son texte. Il retouche inlassablement certains détails… Il fait évoluer le caractère d'un personnage suite à l'observation d'un des soldats qui lui font face… Dans un autre récit, "histoire d'Emma Zunz" (Fuera de Emma Zunz), une jeune fille trouve un moyen inattendu, cruel et infaillible de venger son honneur et celui de sa famille…FictionsALEPH

Homère surgit peu à peu d’un autre texte, L’immortel, après un extraordinaire voyage dans l'espace et le temps. Dans Pierre Ménard, auteur du Quichotte, Borges nous dévoile son goût pour l'imposture, et un certain humour littéraire souvent rare, mais qui dans l'ouvrage Chroniques de Bustos Domecq, écrit en collaboration avec Adolfo Bioy Casares, s'épanouira dans l'évocation d'une étonnante galerie de personnages artistes dérisoires et imposteurs.Jorge Luis Borges Color

La concision, les paradoxes, les associations fulgurantes de mots comme « perplexes couloirs » sont typiques de son style unique.

Borges est devenu aveugle assez jeune mais de façon progressive, ce qui eut une forte influence sur ses écrits. Dans une de ses nouvelles, L’Autre, il se rencontre lui-même plus jeune, sur un banc, et se livre à quelques prédictions : « Tu deviendras aveugle. Mais ne crains rien, c'est comme la longue fin d'un très beau soir d'été ». À ce sujet, il raconte dans l’Essai autobiographique que cette cécité était probablement d'origine héréditaire et que certains de ses ascendants avaient connu la même infirmité. N'ayant jamais appris le braille, il dut compter sur sa mère pour l'aider, puis sur son assistante Maria Kodama. Il se faisait lire journaux et livres et dictait ses textes.Borges y Sabato - 1Avec son ami Sabato

 

Outre les fictions, son œuvre comprend poèmes, essais, critiques de films et de livres. On y trouve une sorte de réhabilitation du roman policier, plus digne héritier de la littérature classique à ses yeux, que le nouveau roman. Ce genre littéraire demeure seul, selon lui, à préserver le plan de la construction littéraire classique, avec une introduction, une intrigue et une conclusion.Jorge Luis Borges

On trouve également parmi ses écrits de courtes biographies et de plus longues réflexions philosophiques sur des sujets tels que la nature du dialogue, du langage, de la pensée, ainsi que de leurs relations. Il explore aussi empiriquement ou rationnellement nombre des thèmes que l'on trouve dans ses fictions, par exemple l'identité du peuple argentin. Dans des articles tels que L’histoire du Tango et Les traducteurs des Mille et Une Nuits, il écrit avec lucidité sur des éléments qui eurent sûrement une place importante dans sa vie.

Il existe de même un livre qui réunit sept conférences dans diverses universités, qu'on peut considérer comme sept essais, clairs, ordonnés, d'une simplicité dérivant de leur caractère oratoire. Dans ce petit recueil de savoir, Les Sept Nuits (Siete Noches), on trouve un texte sur les cauchemars, sur les Mille et une nuits, sur la Divine Comédie de Dante, sur le bouddhisme et d'autres thèmes que Borges exploite et nous fait partager avec l'autorité didactique et la simplicité pédagogique d'un véritable professeur, érudit de la littérature.

Écrits entre 1923 et 1977, ses poèmes retrouvent les thèmes philosophiques sur lesquels repose la pluralité de l'œuvre de Borges. Des poèmes comme El Reloj de Arena (Le Sablier) ou El Ajedrez (Les Échecs) reconstruisent les concepts borgesiens par excellence, comme le temps, instable et inéluctablement destructeur du monde, ou le labyrinthe comme principe de l'existence humaine, mais d'un point de vue poétique, condensé dans des images surprenantes. Ces poèmes sont réunis dans Antologia Poética 1923-1977 (Recueil Poétique).

Sous le pseudonyme de H. Bustos Domecq, il écrit en collaboration avec Adolfo Bioy CasaresSix problèmes pour Don Isidro Parodi, série d'énigmes mi-mondaines mi-policières. Le héros, Don Isidro Parodi, joue les détectives depuis la prison où il est enfermé et dans laquelle il est sollicité par une étrange galerie de personnages. L’isolement forcé semble stimuler sa clairvoyance, car sans quitter sa cellule il résout chaque énigme aussi facilement que les autres détectives de la littérature, tels Auguste Dupin, Sherlock Holmes ou Hercule Poirot.

Publications

Borges en 1969.
  • BIBLIOGRAPHIE
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  • Ferveur de Buenos Aires (Fervor de Buenos Aires) (1923)
  • Lune d'en face (Luna de frente) (1925)
  • Inquisiciones (non traduit) (1925)
  • Cuaderno San Martín (traduit tel quel) (1929)
  • Evaristo Carriego (traduit tel quel) (1930)
  • Discussion (Discusión) (1932)
  • Histoire universelle de l'infamie (Historia universal de la infamia) (1935)
  • Histoire de l'éternité (Historia de la eternidad) (1936)
  • Six problèmes pour Don Isidro Parodi (1942)
  • Fictions (Ficciones) (1944) (recueil contenant « La Bibliothèque de Babel »)Fictions
  • L'Aleph (El Aleph) (1949)31ZFKTJSKZL. SY445
  • Enquêtes puis Autres inquisitions (Otras inquisiciones) (1952)
  • L'Auteur puis L'auteur et autres textes (El hacedor) (1960) (ISBN 2-07024-037-1)
  • L'Autre, le Même (El otro, el mismo) (1964)
  • Pour les six cordes (Para las seis cuerdas) (1965)
  • Le Livre des êtres imaginaires (El libro de los seres imaginarios) (1967) collab. Margarita Guerrero41V1F3HTZEL. SY445 -copie-1 (rééd. augm. du Manuel de zoologie fantastique, 1965, trad. de Manual de zoologiá fantástica, 1957)
  • Éloge de l'ombre (Elogio de la sombra) (1969)
  • Le Rapport de Brodie (El informe de Brodie) (1970)41KBSTT84VL. SY445
  • Essai d'autobiographie (An autobiographical essay) (1970) (traduit en 1980 avec Livre de préfaces)
  • L'Or des tigres (El oro de los tigres) (1972)
  • Livre de préfaces puis Préfaces avec une préface aux préfaces (Prólogos con un prólogo de prólogos) (1975)
  • Le Livre de sable (El libro de arena) (1975)51TZCT65BQL. SY445
  • La Rose profonde (La rosa profunda) (1975)
  • La Monnaie de fer (La moneda de hierro) (1976)
  • Libro de sueños (non traduit) (1976).
  • Qu'est-ce que le bouddhisme? (Qué es el budismo?) (1976) (ISBN 2-07032-703-5)
  • Histoire de la nuit (Historia de la noche) (1977)
  • Sept nuits (Siete noches) (1980)
  • Livre de préfaces, suivi de Essai d'autobiographie (1980) (ISBN 2-07037-794-6)
  • Le Chiffre (La Cifra) (1981)
  • Neuf essais sur Dante (Nueve ensayos dantescos) (1982)
  • Atlas (1984)
  • Les Conjurés (Los conjurados) (1985)Les conjures
  • Le Martin Fierro (1985) trad. Bernard Lesfargues - Éditions Curandera, (ISBN 2-86677-022-1), 1985
  • Conversations à Buenos Aires (Dialogos Jorge Luis Borges Ernesto Sábato) (1996) Jorge Luis Borges - Ernesto Sábato (ISBN 2-26404-042-4)
  • Ultimes dialogues (1996) Jorge Luis Borges - Osvaldo Ferrari (ISBN 2-87678-013-5)
  • La proximité de la mer, anthologie (2010) (ISBN 978-2-07-012842-6)la Proximité de la Mer

Par ailleurs, Borges a publié un grand nombre de chroniques, notamment dans Proa (1924-1926), La Prensa (1926-1929), Sur et El Hogar (1936-1939)Pleïade.

Dans une entrevue, à l'automne 2010, María Kodama7 suggère, à qui veut s'initier à l'œuvre de Borges, de commencer par Le livre de sable (1975), Les Conjurés (1985) et Le rapport de Brodie (1970), avant d'aborder Fictions (1944) et L'Aleph (1949).L'art de Poésie

Jean Dubuffet, l'homme du commun à l'ouvrage-Biographie 1

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Jean Dubuffet, peintre et sculpteur français, né le 31 juillet 1901 au Havre et décédé le 12 mai 1985 à l'âge de 83 ans.

Livre qui m'a été offert en 1976 par le peintre belge Jean-Pierre Ransonne




"L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on fait pour lui; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom; ce qu'il aime c'est l'incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle" (Jean Dubuffet)


Artiste iconoclaste, pourfendeur des institutions, Jean Dubuffet a produit une oeuvre abondante et variée, marquée par une remise en question constante. Artiste majeur du XXe siècle, sa vie est scindée en deux périodes distinctes; la première porte l'empreinte d'un héritage familial assumé tant bien que mal; la seconde qui se confond avec son oeuvre, débute lorsqu'à l'âge de 41 ans, il décide de se livrer exclusivement à sa vocation artistique. Issue d'une
famille normande de négociants en vin, Jean Dubuffet s'inscrit à l'école des Beaux-Arts du Havre, sa ville natale, en 1916. Après l'obtention du baccalareat, il suit quelque temps les cours de l'academie Julian à Paris. Il fréquente Suzanne Valadon, Max Jacob, André Masson, Fernand Léger et Juan Gris. Ctte vie de dilettante de promonge jusqu'à son service militaire qu'il effectue comme météorologiste à la Tour EiffelEn 1924, doutant des valeurs culturelles, il interrompt ses études et tous ses travaux afin "d'épouser la vie active". Il s'embarque pour Buenos Aires où il travaille dans un atelier de chauffagistes. De retour au Havre six mois plus tard, il prend des fonctions dans le commerce familial-dont il héritera à la mort de son père-et se marie.
En 1930, il s'installe définitivement à Paris avec sa femme et sa fille et fonde une entreprise de négoce de vins en gros à Bercy. Il se remet à peindre, confectionne des masques, fabrique des marionnettes et ralise des portraits d'Emilie Carlu, dite Lili, qui deviendra sa seconde femme en 1937. Ses affaires négligées, périclitent: il abandonne à nouveau la peinture. En 1939, il est mobilisé, puis muté piur indiscipline et évacué vers le sud. A son retour à Paris en septembre 1940, il reprend en main son affaire de vins, qui prospère, entre trafic et marché noirA partir de 1942, il décide de se consacrer exclusivement à l'art et crée des images primitives au dessin volontairement malhabile, proche de la caricature ou du graffiti. Dans un expressionnisme bariolé, il se met à peindre sa série "Vues de Paris", inspirée de dessins d'enfants
Les dessins des malades mentaux, découverts au cours d'un voyage à Heidelberg, l'intéressent aussi vivement.
Au printemps
1943, il produit quelques toiles sur le métro (un thème récurrent) et d'autres sur le JazzEn 1944, il crée ses premiers Graffitis, ses Messages à l'encre de Chine, gouaches et encres de couleur sur papiers journaux, ainsi que ses premières tables. Sa première exposition a lieu en octobre 1944 à la Galerie Drouin; il y présente sa série des Marionnettes de la ville et de la campagneEn 1946, il récidive avec Mirobolus, Macadam et Cie, Hautes Pâtes. La facture de ces tableaux fait scandale. Dubuffet se détourne de la peinture à l'huile traditionnelle pour de mélanges de sa confection: céruse, mastic liquide, sable, graviers, goudron, vernis, plâtre, pouddière de charbon, éclats de verre...Sur cette pâte, il incise, coupe, racle avec un grattoir, une cuiller et même ses doigts

http://www.youtube.com/watch?v=2uOOXaVSUPs

En 1946 il publie aussi ses premiers écrits chez Gallimard. Voici ci-dessous une édition originale de 1946, qui m'a été offerte par un libraire, amateur et collectionneur d'art, Monsieu Deom, lors d'une de mes expositions à Arlon en 1980. Un beau cadeauEt voici encore une oeuvre de 1946, "La Venus au Trottoir"

Mon ami Hubert Grooteclaes, photographe de Leo Ferre

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hubert,grooteclaes,léo,ferré-3583b923f474858f47b0c0b79467Il fut mon ami entre 1964 et 1971, date à laquelle j'ai quitté Liège pour Libramont... (Christian Vancau). Voir ma biographie 201-année 1987 http://www.christianvancautotems.org

 

Biographie.
 

par Marc Vausort
in « Hubert Grooteclaes. Un rêve prémédité »,
Charleroi, Musée de la Photographie, 1995 – pp. 127-135.

Texte reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur.


1927

Naissance, le 6 novembre d'Hubert Grooteclaes à Aubel (pays de Herve). Ses parents, Antoine Grooteclaes et Clémentine Laixhay, sont fromagers. Sa sœur Yvonne est née en 1925.
« Finalement, je crois que j'aurais voulu rester gosse. J'ai eu une enfance heureuse ». (¹)
Études classiques au Collège St Hadelin à Visé.
« Je n'ai pas terminé mes études, j'en avais horreur ». (²)

¹ .Émission de Paul Libens, texte dactylographié, non publié.
². Cité par Jacqueline Remits, in LeVif-L'Express, 11 juillet 1986

 

1933
Décès accidentel de son père.

 

1944
Quitte l'école. Il pense à une carrière artistique mais les difficultés de l'après-guerre contrarient ses projets. « Je suis resté à la maison à faire du fromage avec ma mère jusqu'à l'âge de 27 ans ». (3)
Après le travail, le soir, il colorie les portraits de célébrités du monde du spectacle.

3. Cité par Jacqueline Remits, in LeVif-L'Express, 11 juillet 1986

 

1947
Sa mère lui offre son premier appareil, un Zeiss Ikon 6x9 avec un télémètre. Il réalise en autodidacte ses premières photographies et manipulations: superposition de négatifs qu'il fait développer par un professionnel. « Faire ce que les autres ne faisaient pas était mon obsession. Je voulais sortir du lot. Je reconnais que ce n'est pas une qualité ».(4) Jusqu'en 1954, il pratique la photographie en amateur tout en continuant à travailler dans l'entreprise familiale.

4. Cité par Jacqueline Remits, in LeVif-L'Express, 11 juillet 1986

 

1951
Découvre sa vocation de portraitiste en photographiant Yves Deniaud, Raymond Pellegrin et Daniel Yvernel venus tourner près d'Aubel, sous la direction d'Henri Storck, « Le banquet des fraudeurs »(5).

http://www.fondshenristorck.be/index.php?page=shop.product_details&flypage=shop.flypage&product_id=6&category_id=1&manufacturer_id=0&option=com_virtuemart&Itemid=50&vmcchk=1&Itemid=50

5. Cité par Jean-Francis Dechesne, in Samedi, n° 879, 28 mars 1970

 

 

1953
Voyage à Barcelone

 

1954
Entre comme stagiaire chez le photographe portraitiste Werres, installé boulevard de la Sauvenière à Liège. L'enseignement de la photographie est alors inexistant en Belgique. « J'étais allé 6 mois chez un patron qui ne m'a rien appris, comme tous les patrons. Lorsque je suis entré chez lui, il s'est couché dans son lit qui, 6 mois plus tard devait être son lit de mort. Photographe commercial prospère, renommé pour ses portraits « flous » des enfants royaux, il employait en 1945 vingt-quatre personnes [...], le chiffre d'affaires était alors de 12 millions de fb. Il est évident qu'à cette cadence, la qualité! Les flous de bougé, les mauvaises mises au point, tout passait sur le compte du flou dit « artistique » [...], il n'était plus photographe, mais industriel ». (6)

6. Texte dactylographié, non daté.

 

1955

 

Ouvre un studio de portrait. Situé Galerie Cathédrale à Liège, le lieu est exigu (40 m²). Le laboratoire est aménagé en sous-sol. « En 1955, j'ai choisi un métier qui me mettait en contact avec quelque chose que je considérais comme important: à savoir la tête de l'homme. Pendant 18 ans, je me suis fait la main sur la gueule des gens, comme ça, quotidiennement. A défaut d'avoir acquis une technique certaine, j'avais au moins assimilé une certaine technique. J'ai fait grosso modo 70000 portraits ».(7) A cette époque, le portrait est la discipline photographique qu'il préfère, celle aussi qui lui coûte le moins d'efforts. N'étant pas « technicien »(8), il engage deux personnes précédemment employées par Werres. La première année est difficile, il perd 400.000 frs. Il apprend le métier sur le tas. «Je pensais qu'il était possible de faire de la bonne photo en tirant le meilleur parti des gens qui voulaient se faire photographier. Quand j'avais un client, une cliente, particulièrement photogéniques ou intéressants, je perdais vraiment de l'argent car je multipliais les poses, pour le plaisir. Il m'a fallu 10 ans pour comprendre que la grande majorité des gens ne cherchaient pas dans le portrait photographique autre chose qu'un banal reflet d'eux-mêmes»(9).

Parallèlement à ses activités professionnelles, trop souvent routinières, il se rend dans les coulisses du théâtre du Gymnase pour saisir le visage des comédiens français des Galas Karsenty. Il photographie ainsi, avec un spot et sa chambre de studio, pendant l'entracte et en quelques minutes, Romy Schneider, Yves Montand, Bernard Blier, Danièle Delorme, Louis de Funès... «Ces gens-là sont automatiquement photogéniques»(10). «En deux minutes, j'ai réussi à faire cinq plaques de Jean Marais; mon but n'était pas vraiment commercial, je voulais pouvoir étudier des visages expressifs, ceux des professionnels du spectacle»(11).grooteclaes hubert-portrait de jean marais ~300~10743 20111

7. Plaidoyer pour une école d'art photographique [texte dactylographié, non daté]
8. Hubert Grooteclaes a toujours été plus attentif au sujet qu'à la technique. Son matériel se composait des appareils Hasselblad (6x6), Bronica (6x6), Nikon (24x36), Linhof (4x5). Il travaillait avec un agrandisseur Durst.
9. Cité par Pierre Stiévenart et Claude Michaux, in Labo, n°4,juin-juillet 1977.
10. Ph. Lambert-Galliac, Télé-Moustique. 28 juin 1984, p.35.
11.Labo, n°4, juin-juillet 1977.

1958

Épouse Ninette (Renée Halbart), le 15 juillet. Voyage de noces à Paris.

 

1959hubert,grooteclaes,léo,ferré-d7a1195f2d5b9b2456ea8c4be49f
Rencontre Léo Ferré. La tête de Léo Ferré avait déjà fasciné Hubert Grooteclaes avant 1955 à Bruxelles, où un portrait du chanteur était exposé chez le photographe Cayet. «J'avais trouvé cette tête extraordinaire, je connaissais quelques-unes de ses chansons. Je me suis dit, si un jour je pouvais le rencontrer, ce serait formidable» (12). « Je l'ai connu en 1959 au Palais des Congrès de Liège, où il se produisait à l'occasion d'un bal des étudiants. [...] je l'ai photographié, je lui ai
envoyé les épreuves, et il m'a répondu: «Formidable. Venez à Paris». On est devenu amis. Pour moi, avoir rencontré Ferré, c'est mieux que la photo»(13). «Léo ferré a plus d'images dans ses textes que moi dans mon appareil». Hubert Grooteclaes partage avec Léo Ferré le même goût de l'anarchie, cette «négation de toute autorité d'où qu'elle vienne» (14)
. «Je pourrais faire cent clichés de Brassens, ils seraient tous les mêmes ou, plutôt, le centième ne m'en apprendrait pas plus sur lui que le premier. Brassens est monolithique. Par contre, je n'aurai jamais assez de pellicule pour exprimer les mille visages de Ferré. Il est comique, tragique, badin, il est féroce et un de ses traits se déplace-t-il d'une seule ride que tout est à revoir, à recommencer, à redécouvrir»(15).michel-galand_2323253_Hubert-copie-1.jpgimagew.php1452271 3343800hubert,grooteclaes,léo,ferré,pepée-91ebe0a5b02d-copie-14c7a62790274b

Les séjours de la famille Grooteclaes en Toscane, où Ferré s'installe en 1968, sont fréquents.tumblr ldadexKare1qcl8ymo1 500MMM ferre 40X60Leo-Ferre- c -H-Grooteclaes-light
Avec d'autres photographes, il est invité par le Palais Royal de Bruxelles à photographier le Roi Baudouin et la future Reine Fabiola à l'occasion de leurs fiançailles. Hubert Grooteclaes est également présent lors du mariage royal en 1960.grooteclaes-hubert024

Naissance de Marianne Grooteclaes, le 15 décembre.4cd098068e3a1

12. Vincent de Waleffe, Hubert Grooteclaes, Recherches graphiques, 1964-1972, Liège, 1981 [texte dactylographié, non publié].
13. Ph. Lambert-Galliac, op. Cit.
14. Ibid.
15. Pourquoi Pas?, n°2350, 13 décembre 1963.

 

1962
Naissance de Pascale Grooteclaes, le 4 juin.56309

 

1963-1973
À partir de 1963, crée ses premiers photographismes. Son studio de portrait, moins prospère, lui laisse du temps pour la recherche et l'expérimentation. «Être en recherche, c'est continuer à travailler. Essayer d'arriver à montrer ce qu'on ne voit pas, ce que les autres ne montrent pas. C'est cela que j'aime, parce que c'est très difficile»(16). Il réalise des sérigraphies, tirages au trait, déformations, trucages, effets de symétrie, reports sur toile utilisant des couleurs pures en aplats, «j'étais donc devenu un peintre, j'avais gagné mon pari secret de faire entrer la photographie dans les galeries de peinture»(17). «Un beau jour, j'ai eu l'idée de numéroter mes clichés pour leur classement. Arrivé au sept-centième, je me suis arrêté, horrifié par ce chiffre. Je venais de m'apercevoir que je ne faisais plus que des chiffres»(18). Je ne suis pas de chez vousgrooteclaes-collection

"Je ne suis pas de chez vous"

 

À cette époque, ses images sont abondamment publiées dans le monde, dans des revues et magazines. Elles seront aussi utilisées pour des affiches et des pochettes de disques (Léo Ferré, Jacques Brel, Charles Aznavour, Françoise Hardy, Sammy Davis Junior).Bobino090120044938336183022050

16. Cité par Pierre Bastin, in La Wallonie, 2 avril 1993.
17. H. Grooteclaes, Toulouse, Galerie Municipale du Château d'Eau, 1981.
18. Ibid.
1964Première publication dans Photography Annual

 

14104

 

 

1965
Première exposition de photographies au Show-Room Kodak, avenue de la Toison d'Or, à Bruxelles. Il accompagne Léo Ferré en tournée à Montréal durant une dizaine de jours et, au retour, s'arrête à New York. Il achète, pour l'offrir à Léo Ferré, le livre de William Klein sur New York.

Entre 1965 et 1979, il collabore occasionnellement à l'hebdomadaire bruxellois d'information Spécial. «J'ai fait quelques couvertures, mais je ne suis pas le reporter qu'on peut envoyer sur un fait et en rapporter rapidement une photo»(19).grooteclaes-hubert048

19. Vincent de Waleffe, op cit. p. 16.

1965-1970
Membre fondateur du groupe Photo-Graphie. Créé le 29 novembre 1965, le groupe se compose des photographes Yves Auquier (président), Pierre Cordier (vice-président), Gilbert De Keyser (secrétaire), Julien Coulommier, Hubert Grooteclaes (membres), du graphiste Roland Denaeyer, de René Léonard (à l'époque, conseiller adjoint au Ministère de la Culture) et du photographe et critique Jacques Meuris. L'ASBL, financée et patronnée par le Ministère de l'Éducation nationale et de la Culture, a pour objet la promotion de la photographie de qualité, tant en Belgique qu'à l'étranger. Constitué d'artistes et de personnalités aux points de vue souvent divergents, le groupe, relativement informel, se dissout en 1970. « II avait atteint ses objectifs: il fallait montrer la photographie, en parler «autrement»(20). Les membres du groupe sont liés par une même volonté de conquérir un statut d'auteur au même titre que les artistes plasticiens.

20. Gilbert De Keyser, in Gilbert De Keyser, Charleroi, Musée de la Photographie. 1993.hubert,grooteclaes,léo,ferré-d64de94b05e7d6406bdd5a7bf5ca

 

1966
Naissance de Madeleine Grooteclaes, le 25 septembre.4ca77e8372a8e

 

1968-1969
Premières projections de photographismes sur toiles et transposition au moyen de couleurs acryliques.

 

1971
Accepte un poste d'enseignant à l'Institut supérieur des Beaux-Arts, St-Luc à Liège. Il signe son contrat le 4 janvier 1971. L'enseignement, qu'il considère comme une «anti-référence face à la photographie»(21) n'a jamais été pour lui un idéal, encore moins une vocation. Obligatoire en Belgique pour accéder à la profession de photographe, l'école «[...] sert à aller plus vite, à faire moins de bêtises» (22). Hubert Grooteclaes occupe pendant plus de vingt ans un poste d'enseignant parce qu'il aime les jeunes et que pour eux, il va essayer de changer les choses  5706

«[...] car tout est à changer»(23).
«je voudrais que l'école soit un lieu où je pourrais motiver les motivables [...]. Un lieu où il n'est pas interdit de s'épanouir. Une rencontre où se faciliteraient les choses compliquées plutôt qu'une «statistique de la contrainte» et un endroit où se compliquent les choses simples. Mon cours est un travail, jamais terminé, à la recherche de l'homme et de son quotidien. [...] J'ai apporté l'inconfort à l'école pour faire changer les choses. Il faut ouvrir les yeux aux gens. Il faut ouvrir les yeux aux jeunes»(24). Dans son enseignement, Hubert Grooteclaes n'a rien du professeur directif. Il est hors convention, déteste les théories, les discours, les cotes chiffrées «[...] si tous les professeurs ne donnaient que ce qu'ils savent [...] et ne jugeaient que ce qu'ils sont en mesure de juger [...], l'école serait formidable»(25). Jean-Luc Deru, enseignant à St-Luc et qui fut son élève, raconte: «En début d'année scolaire, il commençait par tout critiquer, nous disait que l'on vivait dans un pays où on ne fait que de la merde. Pour illustrer son propos, il montrait des affiches régionales, des billets de banque et le plan de la ville de Bruxelles qu'il confrontait à celui d'Amsterdam et il nous disait «ça c'est autre chose quand même... ça c'est formidable!». Il nous répétait souvent: «je n'hésiterai jamais à foutre des complexes à ceux qui n'en ont pas et à essayer d'en enlever à ceux qui en ont» (26).

Après quelques semaines, les élèves se forgeaient une opinion. Certains le suivaient, d'autres pas. «Hubert a toujours travaillé avec ceux qui lui semblaient avoir une personnalité intéressante»(27). Il donnait des thèmes simples à traiter: murs, affiche, usine, école, foire... «Il n'avait qu'un mot à la bouche: «beau», il fallait que ce soit beau»(28). «Je ne demande que quelque chose de beau, pas de rentable, ni de vendable. Le beau au prix du laid»(29). L'Homme, la poésie ou le spectacle dans la rue étaient parmi les thèmes proposés. «On y mettait ce qu'on voulait»(30). Il commentait peu les travaux de ses étudiants. «On lui montrait, individuellement, les planches-contacts. Il ne disait pas grand chose, il pointait les photos qu'il aimait bien et on les tirait. Lorsqu'on parlait, c'était d'autre chose: la peinture, l'architecture, la chanson»(31).
Il disait à ses élèves: «II faut vider le paysage que vous photographiez [...]. je veux dire qu'il faut y aller plusieurs fois, le voir sous tous les angles. Il ne faut pas rester à la surface des choses, il faut entrer »(32). Il attendait de ses élèves qu'ils le surprennent. Il leur faisait faire ce qu'il aurait aimé faire lui-même. «Je suis toujours à la recherche, chez les autres, de la photographie qui me fera pleurer de joie»(33). Jamais pourtant il n'a imposé sa manière. Au contraire, passionné, enthousiaste, il révélait à beaucoup leur propre potentiel et encourageait la créativité de chacun.images

Ses élèves, Jean-Paul Brohez, Thomas Chable, Michel Cleeren, Jean-Luc Deru, Vincent de Waleffe, Bernard Gille, Pierre Houcmant, Damien Hustinx, Alain Janssens, Anne Karthaus, Alain Kazinierakis, Olivier Lefèbvre, Sam Mohdad, Dominique Monjoie, Lucia Radochonska, Jean-Louis Vanesch, pour n'en citer que quelques-uns, se sont engagés dans leur propre voie et ont développé un style personnel. On peut aujourd'hui, grâce à l'enseignement d'Hubert Grooteclaes, parler d'une école liégeoise de photographie.

21. H. Grooteclaes, Toulouse, Galerie Municipale du Château d'Eau, 1981.
22. Cité par Pierre Bastin. in La Wallonie, 4 février 1987.
23. Le Nouveau Photo-Cinéma n°68, mai 1978.
24. Cité par Jeanine Joris-Musialski, in Télé-Moustique, n°284, 10 juillet 1980.
25. Texte dactylographié, [1973].
26. Jean-Luc Deru, étudiant en première année en 1975. Entretien du 29 novembre 1994.
27. Ibid.
28. Ibid.
29. Texte dactylographié, [1977].
30. Jean-Luc Deru, op. cit.
31. Ibid.
32. Cité par Vincent de Waleffe, op. Cit.
33. H. Grooteclaes, Toulouse, Galerie Municipale du Château d'Eau, 1981.Jardin du Luxmbourg

Le Jardin du Luxembourg"

1973
Abandonne définitivement son studio pour se consacrer totalement à l'enseignement. Voyage à Tokyo où il expose ses photographismes à l'invitation de Goro Kuramochi(34), avec le soutien de l'Ambassade de Belgique au Japon.
Cette même année, il abandonne les aplats et le trait au profit du flou, un «saut de carpe vers une nouvelle démarche qui demandait autant de rigueur, sinon plus, que la précédente»(35).
Il avait reçu d'un vieux retoucheur, au début des années 60, une optique des années 20. «Je l'ai mise sur mon agrandisseur et j'ai fait des photos dont je n'étais pas vraiment satisfait. J'ai persévéré [...] Il n'y a pas de truc, tout simplement des années de travail» (36). «Quand il y a un truc, cela ne vaut rien»(37).

Techniquement, il part d'un négatif net qu'il tire au moyen d'une optique Voïgtlander de 1925. À pleine ouverture, l'image est floue, lorsqu'on diaphragme, elle est nette. Il obtient les résultats voulus en combinant les expositions pour le flou et pour le net. Virée dans des teintes bistres et sépias, l'image est ensuite coloriée au moyen de crayons à l'huile. «Avec quoi je les colorie? Avec difficulté, avec rage, avec amour. Et avec un tout petit peu de couleur»(38). «Il m'arrive de passer des heures sur un cliché, pour rien! Car ici, l'interprétation se révèle capitale : je ne tire jamais deux photos de la même façon» (39). En 1973, il commence à utiliser le miroir.

34. 1939-2006, Fondateur de l'agence G.I.P., organisateur d'expositions et éditeur.
35. H. Grooteclaes, Toulouse, Galerie Municipale du Château d'Eau, 1981.
36. Je vais construire, n°79, mars 1985.
37. Télé-Moustique, n°284, 10 juillet 1980.
38. Le Soir, 10 octobre 1984.
39. Cité par Ph. Lambert-Galliac, in Télé-Moustique, 28 juin 1984.

1978
Réalise un générique pour la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) Liège.
À cette époque, et pendant les années 80, il travaille également comme photographe de plateau pour des émissions de la chaîne liégeoise.

 

Les 3 filles d'Hubert, Marianne,  Pascale et Madeleineimg230

1979
Du 2 au 8 juillet, maître de stage à Arles, à l'invitation de Lucien Clergue, lors des Rencontres Internationales de la Photographie. La manipulation de la réalité est le thème de son atelier. Des stages sont également donnés par Jerry Uelsmann, Leslie Krims, Ralph Gibson, Eikoh Hosoe, Pierre Cordier, Jean-Pierre Sudre, Denis Brihat...
Hubert Grooteclaes propose un stage sur le graphisme en photographie: tirage au trait, déformation, symétrie et autres trucages permettant la création d'une nouvelle figuration, mise en couleur des photos...

 

1980
Dans le cadre d'un échange culturel entre la Belgique et la Martinique, il reçoit une commande à l'occasion du Festival de la Guitare à Liège. Hubert Grooteclaes, dont la mère vient de décéder, part sans grand enthousiasme pour un séjour d'une semaine en Martinique. «Fort-de-France: un bidonville! On avait prévu une exposition à mon retour, j'ai dû m'échiner à travailler sur un sujet que je n'aimais pas du tout. En fin de compte, j'ai obtenu trente photos qui me plaisent beaucoup» (40). Intéressé par cette nouvelle expérience, il est dorénavant tout à fait disposé à répondre à de nouvelles commandes. Invité à Arles pour y donner un stage de reportage du 20 au 26 juillet. Le programme propose de partir à la découverte des gens et des choses par une autre photographie. Chaque étudiant doit choisir un événement de la vie journalière arlésienne et en rapporter une vision personnelle: la ville, les gens, la rue, la lumière, l'anecdote.

Participe avec treize autres photographes belges francophones, à la mission La pierre wallonne dans la Belgique romane, une commande de la Communauté française de Belgique.

40. Cité par Ph. Lambert-Galliac, in Télé-Moustique, 28 juin 1984.

1983
Maître de stage, avec Bernard Faucon, Jean-Louis Lebrun, Michel Saint-Jean, Philippe Salaün et Christian Vogt lors du 5e Festival photographique du Trégor à Lannion (France). Il donne également des stages à la Quinzaine de la Photographie à Cholet (France) et à l'École Nationale de Photographie à Arles.

1984
Publication de L'Éternité de l'Instant, aux Éditions du Perron à Liège. L'ouvrage comprend seize photographies accompagnées de seize textes inédits de Léo Ferré, la mise en page est signée Roger Potier. Le portfolio est édité à l'initiative du Groupe de Réflexion permanent pour la Promotion de Liège.

Du 9 au 14 juillet, maître de stage aux XVe Rencontres Internationales de la Photographie à Arles. Il travaille sur le thème des manipulations graphiques en photographie.

1985
Expose à la Galerie St-Luc à Liège avec quatre de ses anciens élèves: Jean-Luc Deru, Pierre Houcmant, Damien Hustinx et Alain Janssens. Le titre de l'exposition Devoirs libres, libres de voir... est imaginé par Joseph Orban qui est également l'auteur des textes du catalogue. Organisée par Jean-Luc Deru, l'exposition est un hommage à Hubert Grooteclaes, un témoignage de reconnaissance et d'amitié de ses élèves. Après Liège, elle a été présentée dans les galeries FNAC en France.

1986
Donne un stage les 26 et 27 avril à la Fondation Nationale de la Photographie à Lyon.

1987
Participe, durant l'été, à la mission Les Quatre saisons du Territoire dans le cadre du projet Les 101 Communes de l'Ain. Le paysage photographique est l'un des trois volets d'une action artistique envisagée sur quatre ans, autour des communes du Territoire de Belfort. Dix photographes y participent: Werner Hannapel, Manolo Laguillo, Mikaël Levin, Marc Deneyer, Hubert Grooteclaes, Marc Tulane, John Davies, Claude Caroly, Christian Meynen et Gilbert Fastenaekens. L'objectif de la mission est de «[...] contribuer concrètement, par la production d'œuvres, à la réflexion sur le paysage photographique contemporain»(41).

Chaque artiste doit produire pour chaque saison au moins cinq photographies pour chacune de ses dix communes. Les photographies d'Hubert Grooteclaes, tirées floues, sont des créations tout à fait personnelles. Il ne sera pourtant plus sollicité pour les autres saisons...

Première exposition rétrospective ( 174 photographies), du 2 au 31 octobre, salle Saint-Georges à Liège dans le cadre du premier Mois de la Photo mis sur pied par Jean-Luc Deru et Bernadette Noël des ASBL Périscope et Les Chiroux. «Rétrospective ? Une façon agréable de sentir que l'on devient vieux» (42).

41. Alain Buttard, Les 4 saisons du territoire – L'été, Belfort, Éditions Granit-CAC, 1988, p. 4.
42. Cité par Philippe Lambert, in Le Soir Illustré, 1987.

 

1988
Hubert Grooteclaes expose à la Benteler-Morgan Galleries à l'occasion du FotoFest à Houston, Texas.

 

1989
Voyage à Rome et à Florence. Il utilise plus systématiquement le miroir.
Invité, aux côtés de Paul Caponigro, Lewis Baltz, Joshua Cooper, André Gelpke et John Batho, à Alden Biesen (B) en tant que professeur extraordinaire. La photographie de paysage est le thème général du stage qui se déroule du 16 au 2l juillet.

 

1990
À la demande de Charles-Henri Favrod du Musée de l'Elysée à Lausanne, il propose sa vision de la Suisse. Ce travail de commande est exposé en même temps que les œuvres d'une cinquantaine de photographes au Musée d'Art et d'Histoire de Fribourg à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération Helvétique.
L'interruption de la commercialisation du papier hongrois Forte marque la fin de sa période floue.

1991
Voyage aux États-Unis et exposition à Rutherford (New Jersey) à la Artwall + B Gallery. Cette galerie, dirigée par la Liégeoise Danièle Kurtz, est consacrée à l'art belge contemporain.
Invité avec dix-neuf autres photographes belges francophones, à participer à la mission Regards Croisés pour la Communauté française de Belgique à l'initiative de Jean-Pierre Vlasselaer. Les photographes sont «[...] conviés à émettre leur vision d'un lieu qu'ils n'habitent pas [...] à exprimer par l'image un dialogue avec les villes et leurs habitants» (43). Hubert Grooteclaes choisit Bruxelles et s'intéresse plus particulièrement aux statues dans les parcs. En 1991, il prend part, avec les Belges Geert Bisschop, Marc Pierret, Bernard Bay, Bernard Dewil, Alexandre Vanautgaerden, le Français Maurice Muller, le Hollandais Luuk Kramer, et six ateliers d'initiation à la photographie pour jeunes, à la mission Anderlecht-Paysages urbains-Paysages humains à l'initiative de la Mission locale d'Anderlecht. Dans leur travail, les photographes interrogent le territoire urbain «[...] marqué par les non-lieux et une identité mouvante» (44). Alors que certains s'attachent à la périphérie de la commune, Hubert Grooteclaes explore les vestiges de la campagne dans l'univers urbain en introduisant le miroir dans le champ de l'image.

43. Jean-Pierre Vlasselaer, Regards croisés, Bruxelles, Ministère de la Communauté française de Belgique, 1991.
44. Alain de Wasseige, Anderlecht-Paysages urbains-Paysages humains, Mission locale d'Anderlecht, La Papeterie, 1992.

Pascale Grooteclaesgroote pascale-italie1982Sa fille Pascale Grooteclaes

1992
Séjour de trois semaines au Chili. Il y accompagne une équipe de la RTBF (Radio Télévision Belge francophone) qui réalise un reportage sur une Chilienne exilée dix ans à Liège. L'émission, réalisée par André Romus, présente les photographies d'Hubert Grooteclaes. Découvre le papier anglais Kentmere et commence à tirer net. Sa carrière d'enseignant se termine officiellement en 1992, lorsqu'il atteint 65 ans, l'âge de la retraite. Jusqu'en septembre 1994, il vient encore à Saint Luc, deux après-midi par semaine.

1993
En février, expose à Tokyo à l'initiative de Goro Kuramochi.

Reçoit en mars le premier Prix SABAM (Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs) consacré à la photographie pour l'ensemble de son œuvre.

1994
Décès d'Hubert Grooteclaes, le dimanche 23 octobre dans sa maison d'Embourg, près de Liège.

Marc Vausortgrooteclaes-sabam

 

HUBERT GROOTECLAES (1927 - 1994)

HUBERT GROOTECLAES
Ayant reçu un Zeiss Ikon en 1947, il se passionne pour la photographie. En 1954, il renonce à la fromagerie familiale, et ouvre un studio en 1955 après un stage chez un portraitiste liégeois. À côté de cette activité de portrait alimentaire, il profite du Théâtre royal du Gymnase tout proche pour y photographier les artistes pendant les entr'actes. Il y noue des amitiés solides, en particulier avec Léo Ferré. Viennent ensuite ses "photographismes" (1963-1973), d'inspiration Op'art, mêlant sérigraphie, tirage au trait, symétries, et aplats de couleurs vives. Ils lui vaudront une reconnaissance internationale. De 1973 à 1990, il réinterprétera ses négatifs par des tirages flous, coloriés de teintes pastel et/ou virés qui semblent figer le temps. Professeur à l'institut supérieur des Beaux-Arts St Luc dès 1971, il y forme une série impressionnante de photographes talentueux, auxquels on réfère parfois comme une véritable "école liégeoise".

 

Citations

 

  • Je ne pense qu'à moi quand je réalise une photographie. Tant mieux si cela plaît à d'autres ensuite. – Interview, 5 novembre 1993
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  • J'essaie humblement de "sublimer" l'ordinaire.
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  • Être en recherche, c'est continuer à travailler. Essayer d'arriver à montrer ce qu'on ne voit pas, ce que les autres ne montrent pas. C'est cela que j'aime, parce que c'est très difficile.
    cité par Pierre Bastin, La Wallonie, 2 avril 1993
  • J'aime le flou, je suis myope. Quand je regarde en arrière, tout est flou. Mes photos aussi. Je leur donne ainsi une certaine nostalgie. Je ne supporte pas de faire comme les autres ! C'est pourquoi, je ne tire qu'en noir et blanc. Les couleurs que j'apporte parfois sont des couleurs à moi, ce sont celles qui sont restées dans ma mémoire. Si les gens rêvent en regardant mes photos, alors, c'est formidable, parce que faire rêver, c'est plus difficile que de faire penser.
  •  
  • Avec quoi je les colorie? Avec difficulté, avec rage, avec amour. Et avec un tout petit peu de couleur. – cité par Philippe Lambert-Galliac, in Télé-Moustique, 28 juin 1984
  •  
  • Je voudrais que l'école soit un lieu où je pourrais motiver les motivables [...]. Un lieu où il n'est pas interdit de s'épanouir. Une rencontre où se faciliteraient les choses compliquées [...] et où se compliquent les choses simples. Mon cours est un travail, jamais terminé, à la recherche de l'homme et de son quotidien [...]. J'ai apporté l'inconfort à l'école pour faire changer les choses.
    cité par Jeanine Joris-Musialski, in Télé-Moustique, 10 juillet 1980

 

Annonce: Rétrospective au Grand Curtius à Liège
annonce Talk 29
 
14/09/2014 - 13:29:02
 
 
Parution du livre "8 minutes et 19 secondes" aux Editions Pastel

 
18/08/2014 - 17:42:21
 
 
Rétrospective: 1° annonce
Il y a vingt ans survenait le décès de Hubert Grooteclaes. Pour commémorer son souvenir, une exposition rétrospective se tiendra au Grand Curtius à Liège, l'automne prochain, à partir du 23 octobre.
La première annonce est parue dans le numéro 1207 du 19-12-2013 du magazine Courrier International.
Annonce Courrier International

Ainsi que dans le magazine Liège Museum de décembre 2013, qui reprend le programme des expositions temporaires 2014:
Liège museum programme expos 2014 extrait

 
19/01/2014 - 17:16:35
 
 
Festival "Avec le temps" - Marseille mars 2013

Annonce expo Marseille mars 2013

 
30/01/2013 - 17:47:28
 
 
6 inédits

Mise en ligne dans la galerie Recherches graphiques de six images inédites retrouvées en Suisse, dans la famille d'un ancien technicien de la RTBF.

 
10/12/2012 - 18:12:03
 
 
24 èmes Journées du Patrimoine - septembre 2012

jourpat12

Ces grandes figures qui ont fait pétiller Chaudfontaine

L’ancienne gare de Chaudfontaine, édifiée en 1843, est un des derniers témoignages de la ligne de chemin de fer internationale reliant la Grande- Bretagne et la Prusse. Le bâtiment a été réaménagé en 1853 et 1891, date à laquelle ont été réalisés l’escalier d’accès et la marquise vitrée avec une charpente métallique. Construite en briques et pierre bleue sur deux niveaux, la façade est percée de baies cintrées au premier étage et rectangulaires au second. La baie centrale est divisée en trois parties et présente un petit fronton en son centre. Fermée aux usagers en 1954, une halte a fonctionné jusqu’au 1er avril 1986. Entièrement restaurée, elle accueille, au second étage, une salle d’exposition. Paul Delvaux l’a immortalisée dans son oeuvre intitulée « Le Voyage légendaire » en 1974. L’original de la peinture se trouve actuellement au casino de Knokke. D’autres personnalités seront également mises à l’honneur dans cette exposition. Qu’ils soient homme politique comme Jean Gol, photographe comme Hubert Grooteclaes, peintre comme Joseph Zabeau, historien comme Fernand Michel, géologue comme Paul Fourmarier, musicien comme Gustave de Bouharmont, sportif comme Régis Genaux ou simples ouvriers carriers ou cloutiers, tous ont, un jour ou l’autre, contribué à l’essor de Chaudfontaine.

 

Organisation: Foyer culturel de Chaudfontaine.
Ouverture: sam. et dim. 01/02 & 08/09-09-2012 de 14h à 18h.
Lieu: Chaudfontaine, Esplanade - ancienne gare,

 

 

 

 
09/09/2012 - 11:44:25
 
 
Rendez-vous photo du Richelieu (Québec) - du 29 septembre au 30 octobre 2011

Bandeau RVPRichelieu

http://www.rvpr.ca/photographes/volet-international.html

 
11/09/2011 - 15:08:36
 
 
Aubel - Abbaye du Val Dieu - du 09 au 25 septembre 2011

affiche expo Val Dieu 2011-09

http://www.aubel.be/index.php?option=com_content&task=view&id=615&Itemid=1

 
 
31/01/2011 - 20:39:35
 
 
Galerie Périscope du 19 novembre 2010 au 28 janvier 2011

Hubert GROOTECLAES à la galerie Périscope en 2010-2011

Hubert Grooteclaes " Le printemps des poètes"

Les dernières années « … depuis que ma jeunesse a décidé d'aller se faire teindre ailleurs… »

En 1990, le papier qu’il utilisait pour ses tirages flous cesse d’être fabriqué; hasard survenu au bon moment, où il commençait à douter du flou. Cela l’incite à revenir à plus de netteté et à retirer ses images, qui retrouvent sérénité et simplicité.

Affiche Périscope 95 Grooteclaes Le printemps des poètes

 
19/11/2010 - 00:14:27
 
 
Galerie Périscope du 10 septembre au 18 novembre 2010

Hubert GROOTECLAES à la galerie Périscope en 2010-2011

Hubert Grooteclaes " La nostalgie"

« La nostalgie », c’est le temps d’après « le saut de carpe vers une nouvelle démarche », la période floue (1973-1990). Il part à la redécouverte de ses négatifs, et leur donne une nouvelle vie en les chargeant de nostalgie, par des tirages flous et coloriés de teintes pastels.


 

 
02/10/2010 - 23:14:16
 
 
Galerie Périscope du 23 avril au 24 juin 2010

Hubert Grooteclaes "La vie d'artiste"
Entre le 23.04 et le 24.06, la première exposition, « La vie d’artiste », fut consacrée à ses débuts (1955-1970), quand Hubert Grooteclaes avait son studio de portrait Galerie Cathédrale, au centre de Liège. C’est l’époque de la
rencontre avec Léo Ferré et des portraits d’artistes de cinéma et de théâtre de passage à Liège.

affiche expo La vie d'artiste

 
02/10/2010 - 23:08:39
 
 
Galerie Périscope du 25 juin au 9 septembre 2010

Hubert GROOTECLAES à  la galerie Périscope en 2010-2011

Hubert GROOTECLAES «T'es rock, coco!»

« T’es rock, coco » s’attache à la période du photographisme (1964-1972), qui est née de ses expérimentations réalisées alors que le studio de portrait déclinait et lui laissait du temps libre. Ces travaux (sérigraphies, tirages au trait, symétries, aplats de couleurs vives), exposés dans les galeries de peinture, contribueront à l’époque à une certaine reconnaissance de l’art photographique

 
16/08/2010 - 19:24:43
 

Françoise Lefèvre, la Tendre Rebelle (1)La Première Habitude-Le Petit Prince Cannibale

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Avertissement; Tous les articles (présents et à venir) de mon Blog concernant Françoise Lefèvre ont été élaborés en étroite collaboration avec elle, au cours de multiples dialogues entre l'Ecrivain et Christian Vancau, après que celui-ci ait lu au préalable ses 19 livres actuels et bien d'autres documents et articles de presse


Françoise Lefèvre est née à Neuilly le 22 novembre 1942.  Elle vit aujourd'hui en Bourgogne et a 4 enfants.
C'est à l'âge de 29 ans que Françoise Lefèvre quitte son poste d'ouvreuse à l'Olympia, pour se lancer dans l'écriture, et ce, grâce à l'Editeur Jean-Jacques Pauvert, qui reconnait immédiatement son talent et lui fait confianceFrançoise Lefèvre Ecrivain-Dijon-Françoise à 32 ans-copie-1



"Porter à son visage, pour le sentir, un drap frais repassé. Verser sur le dos de sa main un peu de lait, pour vérifier que le biberon n'est pas trop chaud. Fermer les volets, lentement, jusqu'à trouver l'angle où ils laisseront passer la lumière de l'été mais pas sa brûlure. A ces gestes humbles, indispensables à la continuation du bonheur, à ces gestes inaperçus même des anges, il faut ajouter, après avoir lu Françoise Lefèvre, le geste d'écrire... (Christian BOBIN)"

 

 

Tout commence ici, en 1974 avec la publication de son premier livre "LA PREMIERE HABITUDE"Lefevre11La première..lphjaq



Voici ce qu'en dit le critique Pierre Démeron dans Marie-Claire:

"Françoise Lefèvre est une manière de phénomène exotique dans nos lettres. Elle apparut un jour chez Jean-Jacques Pauvert, maigre à force de dénuement, abandonnée après 7 ans de vie aventureuse et difficile par un amant peintre avec, pour tout viatique un "débrouile-toi" et deux enfants dont la misère l'avait obligée à se séparer. Son amant l'avait quittée après la guerre des Six Jours pour rejoindre Israël. Théodore Herzl n'avait sans doute jamais songé que le sionisme pût un jour servir à un homme d'alibi pour abandonner une femme et ses deux enfants et partir avec une autre pour la Terre Promise ! Ex-petite comédienne, en attendant d'hypothétiques rôles à la TV, elle était ouvreuse de cinéma


"C'est à cette époque, écrit-elle dans Un Soir sans Raison, que le miracle eût lieu. Une jeune femme que je connaissais à peine, mais que le récit de ma vie miséreuse et vagabonde auprès de mon artiste peintre avait frappée, me dit qu'un éditeur de sa connaissance s'intéressait aux "témoignages de femmes"....

Deux jours après, je montais les marches usées d'un vieil immeuble de la rue de Nesles. On m'ouvrit. Je me retrouvais dans une pièce, très haute de plafond, entièrement tapissée de livres. Ou plutôt hérissée de livres. Il y en avait partout. Sur la cheminée, le bureau. Sur le rebord des fenêtres. Sur le sol. Derrière des piles de manuscrits, un homme apparut, grand et mince, des lunettes, le front dégagé, il avança vers moi, me tendit la main et m'invita à m'asseoir. C'était Jean-Jacques PAUVERT. De lui je ne savais rien. Sauf qu'il avait découvert Albertine Sarazin dont il avait publié les écrits alors qu'elle était en prison. Ce fut un succès extraordinaire et on en parlait beaucoup à l'époque. Je lui dis que je trouvais fabuleux une telle revanche après avoir mené une vie de galère. Et terrible qu'elle soit morte si jeune sur une table d'opération à cause d'une faute d'anesthésie au cours d'une intervention chirurgicale mineure sur l'astragale, petit os du pied qu'elle s'était brisé en sautant le mur d'une prison. L'Astragale était d'ailleurs le titre de son premier livre. Je ne savais rien d'autre. Je savais seulement que Jean-Jacques Pauvert m'écoutait, un peu comme un médecin qui ne dit rien et qui vous écoute, tantôt en baissant les yeux, tantôt en vous regardant pour vous encourager à continuer. Je savais ausi que je devais reprendre mon service d'ouvreuse dans un peu plus d'une heure. Il demanda:-Et vous? Je lui racontai ma galère à moi, avec l'artiste-peintre, la roulotte, l'errance, le froid, la faim, le dix-huitième étage du Val-Fourré, les enfants. Et aujourd'hui la séparation avec les enfants, les minables boulots, l'absence. J'ajoutais que jamais de moi-même, je n'aurais osé solliciter une rencontre auprès d'un éditeur, d'autant que je n'avais rien écrit. Je me sentais écrasée par le souvenir de ma courte et exécrable scolarité; et puis, j'était totalement inhibée par les fautes d'orthographe que je commettais à chaque mot, à chaque ligne...Il rit et me dit que l'écriture ce n'était ni l'orthographe, ni les règles de grammaire, l'écriture c'était autre chose. C'est une voix...Au moment de nous quitter, il ajouta simplement "Ecrivez une dizaine de pages de ce que vous m'avez raconté de votre vie avec cet artiste peintre. L'ordre importe peu...Ecrivez comme vous avez envie d'écrire...Et apportez-le moi ! Je vous donnerai une réponse très vite !"

 

Editeur-sourcier, Jean-Jacques Pauvert, le découvreur d'Albertine Sarrazin, à l'écouter, mit vite jour à une personnalité rare "Ecrivez-donc tout celà", lui dit-iljean-jacques pauvertjean jacques pauvert002
Ce qu'elle fit à la lueur d'une chandelle dans une minuscule chambre de la Bastille - mais oui je n'invente rien -. Ce fut "La Première Habitude" qui, effectivement, révélait chez cette jeune femme, qui avait quitté l'école en 4e et n'avait jamais lu un livre,  un don et un goût d'écrire auxquels d'ailleurs elle allait consacrer par la suite une longue méditation littéraire, "L'Or des chambres"
Consacré aussitôt par la critique et le succès, La Première Habitude allait dépasser-toutes éditions confondues-les 100.000 exemplaires et Françoise Lefèvre avoir les honneurs du Livre de Poche..."Pauvert
La Première Habitude

Publié en 1974, aussitôt couronné par le grand prix des Lectrices de Elle, La Première Habitude, raconte la désolante histoire d'un fol amour pour un peintre volage, amour qui dura  sept années vécues dans la misère, suivies d'un abandon tel que les deux enfants nès de cet amour, deux filles, devront être placées, pendant un certain temps, loin de leur mère. L'écriture, dans une chambre glaciale de la Bastille, y tient lieu  et place de sauvetage et dépasse le témoignage pour atteindre à ce que Françoise Lefèvre nomme elle-même une rédemption

"Mon habitude ressemblait à une marche le long d'un chemin bordé de sapins. J'avais vingt ans. J'avançais avec la force de ceux qui savent tirer des traîneaux, corsage ouvert sur le givre, le froid planté comme une lame dans les gencives. Rien ne m'importait que d'avancer. Le ciel était bleu. La cîme de cristal des sapins le transperçait comme le cri d'un alleluia. Il faisait froid"

"Je revois Saint-Jean de-Luz, je la sens, je la hume. Elle a une odeur d'océan et de thon, je revois la vente à la criée sous le soleil, tôt le matin: une montagne de thons morts. Leurs ventres glissaient les uns contre les autres en éclaboussant de sang nos pieds nus"

" Ce soir Raphaêl me peindra à demi-couchée en travers du port, un coude appuyé sur la Baie de Socoa. Il me coiffera d'un casque de Walkyrie. Mes cheveux s'envoleront autour des cornes. J'enserrerai un thon entre mes cuisses"

"En cette seconde même, je ressens comme un divorce entre Raphaël et moi. J'aurais voulu qu('il ne me laisse pas rentrer seule; J'ai besoin qu'on vienne à ma rencontre et j'ai besoin d'aller à la rencontre; j'ai besoin d'un rendez-vous. J'ai besoin de savoir que l'autre escalade  un versant de la colline pendant que j'escalade le mien de mon côté"

" J'imagine que le seul être qui aurait pu m'expliquer Saint-Jean-de-Luz et mes sept années aux côtés de Raphaël aurait été un grand-père. S'il avait existé quand j'étais petite, j'aurais grimpé sur ses genoux, j'aurais bien calé ma tête contre sa barbe et j'aurais écouté. Sans doute j'aurais été sa préférée et il m'aurait fait croquer un morceau de sucre à peine trempé dans un alcool blanc. Il aurait été un beau grand-père, un peu cosaque et m'aurait dit "Viens ici Douchka, ma petite âme, toi aussi tu connaîtras des hommes !". Et voilà avec son grand mouchoir il aurait essuyé mes larmes et m'aurait remise vivement par terre. Nous aurions ri et tapé dans nos mains en les croisant à chaque fois"

"Nom de Dieu, les rats ! J'avance à mon tour et je vois, perchés sur une malle en osier dans laquelle restait du sucre qui devait servir à la fabrication de la limonade, trois rats énormes qui ne s'enfuient même pas. Ils ont approximativement la grosseur de chats. Ce sont des rats d'égoût luisants et qui bavent "


  "Même sans prendre un crayon, j'ai toujours écrit. Écrire est devenu pour moi une manière de combler le temps entre l'intolérable naissance et l'intolérable mort. Rencontrer des gens, c'est écrire. Faire l'amour et mettre au monde des enfants, c'est écrire. Ma vie avec Raphaël et après lui, ce fut dix années d'apprentissage de l'écriture. Je ne le savais pas. Ce que je lui donnais, c'était pour moi des milliers d'avortements. Je ne savais pas ce qu'il y avait de dangereux et de magique à infuser à quelqu'un par le biais de l'amour toutes les pulsions de mort et de vie qui étaient en moi. Lui en faire don, c'était accepter de n'avoir plus de chance. Je donnais ma langue, je devenais muette."


Témoignages

" Un magnifique rêve éveillé, consenti, vérifié à tout instant...Une voix juste...un peu tremblante..."(Dominique Rollin)


 
On ne peut ignorer plus longtemps un livre qui découvre à la fois une personne et le style qui lui convient...La fureur de vivre anime ce récit rédigé avec une perfection et un raffinement exemplaires. On ne peut pas faire plus belle entrée en littérature (Jean Freustié, Le Nouvel Observateur)

"L'OR DES CHAMBRES,"
le deuxième ouvrage, dès 1976, toujours chez Pauvert, opère comme son titre invite à le penser, une alchimie. Une vaste réflexion sur l'écriture traverse en outre ces pages dont plusieurs ne dépareraient pas les meilleures anthologiesl'or-des-chambres de Françoise Le fèvre-1976-2e roman
Il transmue l'absence en caresses
FR.Lefèvre . L'or des Chambres 1976

"Comment raconter les odeurs, le toucher, Et ces choses simples: les bruits de la pluie dans les petits cours et celui du vent. Comme elles me pénètrent de leurs voix silencieuses. Comme elles me font et me défont. Elles sont gestes d'amants, le sais-tu? Elles sont les caresses de l'absence


"Ce titre de "L'Or des chambres" clos sur lui-même et, dirais-je, couché en rond comme quelqu'un qui voudrait s'endormir, je l'ai choisi parmi les mots qui reviennent sans cesse avant le sommeil, quant tout est calme enfin, et que nous captons sous nos paupières un peu de cet or qui fait de nous des chercheurs d'éternité "

" L'écriture ressemble à l'attente. Et l'attente est bleue. Froide comme le bleu des membres bleuis. Elle laisse derrière la porte celle qui écrit. On ne comprend rien à ce rendez-vous, à ce baiser d'aveugle. On ne peut l'éviter pourtant. On pressent que la mort sera comme ce vide au bout des doigts "

"Un jour retrouverai-je le rire qui ne se casse pas? Dirai-je à un homme que je voudrais venir dans sa maison? J'avancerai à pas de loup le long de ses murs et ferais le cri d'un animal. Cri de loup ou cri de chouette. Il viendrait me chercher. Il saurait que j'ai besoin d'un abri "

"Alors je voyagerai sur les tuiles de la maison. Je toucherai du doigt le portail et le fermerai, comme il se doit quand le soir tombe. Je m'assoirai quelques instants sur les marches du perron et rendrai grâce à la nuit d'être bien née. Je demanderai que celà dure et que jamais je ne perde un seul de mes sens. Je rendrai grâce et prendrai de la terre dans mes mains et m'en frotterai toute la peau. Je la respirerai et n'oublierai pas qu'elle sera ma dernière couche"


Temoignages:

"...Cris dignes d'une anthologie des chagrins d'amour comme :"Qui n'a  écrasé sa langue contre les murs ne sait rien de l'absence"...Avec L'or des chambres, Françoise Lefèvre renoue avec la famille injustement oubliée de Marcel Schwob et de Maurice Maeterlinck "(Jean Chalon. Le Figaro)

"...Sourdes explosions d'une sensualité qui se colore de toutes les nuances de l'érotisme, mais aussi gris de la liberté neuve enfin trouvée grâce à un instrument de transformation du monde et du coeur vieux comme eux: la parole poètique" (Madeleine Chapsal. L'Express)



Le troisième roman "LE BOUT DU COMPTE" toujours chez Pauvert, en 1977, met en scène l'enfance, la naissance de la voix, la panique de l'abandon et ressuscite le père d'adoption, celui qui l'a adoptée et s'est occupé d'elle comme il l'a fait de ses quatre autres filles. Cet homme rencontra la mère de Françoise pendant la guerre, il  l'aima éperdument. Il luit offrit de l'épouser et de donner son nom à son enfant. Pour assurer l'existence de la famille, il renoncera à devenir professeur et s'engage dans l'armée qui à l'époque occupait l'Allemagne vaincue. Après la guerre d'Indochine, il prendra un poste dans l'Education nationaleFR.L Le bout du Compte

"On avait découvert son cadavre dans les montagnes au-dessus de Béziers. La mort remontait bien à un mois "Pour ne pas choquer le enfants, j'accomplirai ce dernier geste loin de Paris" Lui qui avait mis toute sa conscience pour que nous n'attendions pas et que la famille touche l'argent le plus rapidement possible, il n'avait pas prévu que durant quatre semaines la neige recouvrirait son corps. Ce fut un chauffeur de car qui le découvrit à la fin du mois de  mars pendant la fonte des neiges. Sur son siège il était un peu en hauteur et il remarqua un homme qui dormait dans une prairie, contre un fourré non loin de la route. Quand il refit le trajet en sens inverse, il s'étonna de voir que le dormeur était toujours là.
Mon père si prévoyant n'avait pas songé à la neige. Elle dut commencer à tomber au moment où il s'écroulait, et recouvrit très vite son corps, sa sacoche et son revolver"

"Ainsi on peut partir un jour? On peut saisir son revolver sur la dernière planche de l'armoire et le glisser dans sa sacoche, et acheter un billet de train. Tout mettre en oeuvre pour que la famille ne soit pas inquiétée. Régler le moindre détail. Etre certain que l'assurance n'exclue pas le suicide. S'en informer sans éveiller les soupçons. Pourvoir jusqu'au bout; en bon père de famille"



Des années plus tard Françoise refera le dernier voyage de son père:  

"Il est des voyages qu'on ne peut faire que seule. Ainsi c'est une fièvre violente qui me pousse sur le quai de la gare d'Austerlitz, cette gare d'où mon père posta sa dernière lettre. Je prends le train pour Béziers. Puis je prendrai le car pour un petit village. Il fit de même il y a treize ans. Qui rencontra t'il dans son compartiment? J'aurais aimé qu'il rencontre une femme qui le détourne de son chemin. Une femme qui l'écoute, le prenne par la main, le baise sur la bouche, le fasse bander. Une femme qui l'entraîne dans un hôtel de fortune, près d'une gare. une femme qui le fasse descendre du train avant Béziers..."

"L'indécence ce n'est pas la chair heureuse. L'indécence c'est la mort. C'est la semence, le foutre sacré qui ne jaillira plus. L'indécence, c'est lorsqu'il ne s'est trouvé personne pour vous aimer jusqu'au bout. Lorsque personne ne vous a baisé le front, les mains, les pieds, le sexe"

Témoignage:

"On savait que Françoise Lefèvre avait à profusion le don d'écrire. On découvre cette fois qu'elle a celui de se taire ou plutôt de suggérer, plus subtil et peut-être plus difficile. Certes on retrouve l'exubérance sensuelle qui avait séduit dans La Première Habitude, le sens charnel de la terre, le sentiment incorruptible d'être bénie, d'avoir la chance pour elle, qui lui permit sans doute de survivre à ce qu'elle avait vécu et qu'elle racontait dans son premier roman: la faim, le froid, les rats, et, au bout du compte, l'abandon" (Pierre Démeron, Marie-Claire)


En 1985, Françoise publie "Mortel  Azur" qui sera traîté dans l'article suivant. Son 4e romanFR.L . Mortel Azur
 

 

En 1990(cinq ans plus tard) c'est "LE PETIT PRINCE CANNIBALE", son 5e roman qui paraît chez "Actes Sud" cette fois et est couronné par  "Le Goncourt des Lycéens"

"Femme déchirée, écrit Hubert Nyssen son éditeur d'Actes Sud, femme dechaînée, la narratrice de ce livre est, avec toute sa passion, un écrivain qui tente de raconter l'histoire de Blanche, une éblouissante cantatrice que la mort ronge vivante. Mais elle est d'abord la mère de Sylvestre, l'enfant autiste(né en 1982 )qu'elle veut à tout prix faire accéder à la vie et au monde des autres. Or le petit prince cannibale en ce combat dévore les phrases, les mots de la mère écrivain. et dès lors c'est un véritable duo concertant qui s'élève dans les pages du livre entre deux voix, entre deux femmes, l'une, superbement triviale, s'affrontant à tous les interdits et préjugés qui menacent son enfant, l'autre, la romancière, rauque et passionnée, dont les espoirs et les désespoirs se mêlent à ceux de Blanche, son héroïne. Sortant elle-même d'un long silence, François Lefèvre fait retour à l'écriture avec ce texte flamboyant, inclassable "
Lefevre12 Le Petit Prince Cannibale
Hubert NYSSEN Fondateur d'Actes Sud (Arles(décédé en 2012))Hubert Nyssen-Actes Sud-Arles-Françoise Le fèvre
Extraits du "Petit Prince Cannibale" :

Françoise Lefèvre s'adressant à son enfant: "Ce n'est pas tant la mère que tu asphyxies, c'est l'écrivain. Personne autour de moi n'en tient compte..."Autisme-Hugo Horiot-Françoise LefèvregardHermine et Hugo Horiot-2 enfants de Françoie Lefèvre

"Tout est fait dans notre société pour brutaliser le sentiment maternel. Tout est fait pour qu'on se retrouve dépossédée. Les mains vides. Il faut oser aimer le petit enfant et oser le dire"Françoise Lefèvre et son fils Hugo Horiot

Le nouveau-né s'était calmé dans mes bras, consolé par le lait mais plus encore par la tendresse. Par instants, la monodie que je fredonnais s'arrêtait net, tant j'étais obsédée par le souvenir d'autres femmes qui n'avaient pas eu ma chance, poursuivie par le regard de ces femmes africaines dont les nourrissons morts-vivants aux yeux remplis de mouches tètent les seins vides. Et tandis que je circulais dans la pénombre avec le poids de ce bonheur, lourd comme un chevreau endormi, revenaient me hanter les fantômes  de ces mères qu'on poussa dans les chambres à gaz avec leurs enfants. Afin qu'ils aient moins peur et ne pleurent pas, elles trouvèrent la force de les porter, leur cachant le visage contre elles, puisant dans leurs entrailles l'ultime ressource de leur chanter une dernière fois, jusqu'au bout, la plus effroyable des berceuses..."

"Ma liberté c'est de retourner à Blanche. Parler de Blanche. Devenir Blanche. Mourir entre l'eau et les arbres. Muette sous le ciel blanc. Muette de ne pouvoir dire l'amour dont j'ai été sevrée. Le lui faire dire à elle...Il y a en moi des paupières à jamais fermées. Des ailes à jamais rognées. Quelque chose d'une chouette effraie comme celles qu'on clouait aux portes des granges. Témoin solitaire de grands mouvements d'étoiles. Sentinelle à vif contenant ses larmes nocturnes..." hugo1986.jpg
Hugo HORIOT(né en 1982)

 

"J'ai attendu aujourd'hui pour comprendre que peu d'êtres jouissent de l'écho d'un train qui passe. Du carillon d'une église. Du vent. De la pluie. De la nuit qui vient. La lumière soudaine sur un mur. La main d'un enfant qu'on va chercher à l'école. L'odeur du froment dans son cou. Son rire auprès des ronciers qui débordent sur le chemin. Ses doigts, ses lèvres, sa langue tachés de violet. Et puis ce parfum d'automne dans l'humus que je ramasse pour eux et qu'ils viennent renifler dans ma paume..."

Laissez-moi survivre encore dans votre livre génial et atroce. Je suis en larmes. Vous m'avez atteint au coeur, vous qui nous donnez votre chair vivante, vous qui luttez pour un enfant que j'aime, vous qui parlez avec des mots charnels : vous avez retrouvé dans ce bouleversement, dans votre épuisement, le regard de Sylvestre, ses cris, son absence sa réalité
Vous l'aurez sauvé, vous êtes entré dans sa logique, dans son trouble, parfois dans ses propres mots. Il n'yavait que vous qui puissiez donner à Sylvestre ce don quotidien, ferment de votre écriture subtile mais apprivoisée. Je suis bouleversé mais je savais que vous pourriez faire naître Sylvestre dans vos mots, un petit être perdu dans son existence bousculée, mais risquée
Françoise je ne suis rien devant vos pages, comme inutile
et vous nous ouvrez un secret où je ne me sens qu'un pauvre être déchu, désemparé mais qui vous aime puisque votre  maternité quotidienne nous restitue une douleur sans nom mais avec la figure soudain paisible de Sylvestre
Je vous embrasse avec ferveur et émotion (Jean Cayrol)

 

"J'ai souvent été agressée ou totalement ignorée par des gens aigris. Ce sont les mêmes qui ne se réjouissent jamais. Ni d'une naissance. Ni d'un bonheur qui vous arrive. Ni des progrès d'un enfant autiste. Ni surtout du livre qu'on vient de publier. Ils vous reprochent votre verve. Votre vie. Votre lyrisme. Très mauvais, le lyrisme. Et bien sûr ils sont écoeurés par votre érotisme "débridé". Je pense qu'en d'autres temps on m'aurait enfermée. Je me souviens de l'odeur des cachots. A l'opposé, c'est réconfortant d'être reconnue de son vivant, de toucher des êtres qu'on n'aurait jamais rencontrés et qui sont émus et vous le disent.C'est comme si cette violence qu'on se fait à soi-même pour écrire seulement une page trouvait enfin un écho. Alors on revoit défiler toutes ces saisons où l'on s'est empêchée de vivre. Combien d'après-midi ensoleillés derrière les volets ? Il y a tant de retrait, d'enfermement dans l'acte d'écrire que c'est étrange d'imaginer toutes ces pages ayant leur propre vie. Infusant à d'autres êtres une force bénéfique, alors que pour les écrire on s'est privée de tout.
On ne trompe pas l'écriture. On ne bafoue pas la page blanche. On ne peut pas tout au long d'un livre porter un masque et s'en tirer par une pirouette. Inventer une minable intrigue au moment où l'on allait dire l'essentiel. Et l'essentiel, c'est le désir. L'épouvantable désir. L'absence. Le vide. Le néant. Tout ce désir sans objet. Ce désir fou qui fait dire : "Je suis vivante. Je suis vivante !" Mais il n'y a personne. Alors qu'on voudrait s'empaler sur un Dieu. Hier, dans la nuit, regardant les étoiles, j'aurais aimé me souvenir d'un amour. Je me disais que la fin de la vie ne pouvait conduire que sur une route aride et déserte. Jonchée d'amours mortes. Mieux vaut s'y préparer. J'aurais sans doute, au moment de ma mort, l'impression d'être blanche. Blanche de désirs avortés. Blanche de caresses non reçues. Blanche comme le nom de Blanche. Longtemps, j'ai pensé que l'écriture ne pouvait naître que dans une prison. Une forteresse. Il y a sans doute un cachot en moi. Je suis toujours ramenée à ce lieu de douleur. D'enfermement. Depuis quelque temps, je rêve d'une écriture blanche. Vide. Froide comme le marbre. Une écriture de constat. De registre. De greffier ou de médecin légiste. Une écriture sans passion. Une froide écriture vidée de son sang. De ses nerfs. Etincelante comme la neige sous une lune gelée. De justes mots glacés comme le diamant. Une blanche écriture comme les ossements blanchis au soleil. Une écriture de désert. Mais voilà que grillent de chaudes tartines et me bouscule le museau des enfants tout saupoudré de chocolat râpé. Un air léger au piano s'échappe d'une fenêtre. Je m'interdis de penser que les heures présentes sonnent le glas. Enfants qui puisez et m'épuisez, comment ai-je pu vous mettre au monde ? De quelle moelle vous ai-je nourris pour que vous trouviez la force de courir, de rire, de rêver ? Parfois vous me rendez des bribes de ce que vous m'avez pris. Des brins d'herbe. Des boutons d'or. Des baisers. Mais vous ne me rendrez pas cette dent qui vient de tomber. Ni un ventre lisse. Je roule avec vous dans la prairie sous un ciel de nuages. Je suis amoureuse de la prairie. Ses herbes chantantes. Son bestiaire secret. Amoureuse du roulis des grandes berces sous le vent, de l'or vivant des blés. Pourquoi est-ce contre la terre que je retrouve un si grand apaisement et toutes mes forces ? Je ris avec vous dans le vent qui fait parler les arbres. Je voudrais que nos rires secouent les étoiles. Que nous fassions semblant d'être foudroyés par l'orage. Et riions d'être si vite ressuscités."

Extrait du Petit Prince cannibale (Actes Sud, 1990)

  Voici Hugo Horiot aujourd'hui. Hugo a 30 ans, est comédien, écrivain et réalisateur de films-video
Ses liens sont:
Sur Facebook :    http://www.facebook.com/hugo.horiot
Sur My Space :    myspace.com/hh production.
Sur Dailymotion, voyez à Hugo HORIOT, les  4 épisodes de Nicolas VERDOYANT
Nouveau blog de Hugo HORIOT: http://www.facebook.com/l/a409b;hugohoriot.blogspot.com


Voici un message pour lui que m'a envoyé ce matin, sa maman Françoise Lefèvre:

"Aujourd'hui tu as 27 ans. Tu es comédien et auteur de courts métrages. Tu écris aussi  
  Tu t'appelles Hugo Horiot
  Tu sais la vie, c'est un peu comme la traversée du Vendée-Globe. Alors, bonne route, Hugo.
  Bon vent. J'ai adoré être ta mère ".
  FL
Hugo Horiot comédien en 2010Les photos de scène sont de  François Sternicha  Ci-dessous, dans Marie-Tudor de Victor Hugo  au Théâtre du Jour à AgenHugo Horiot dans Marie Tudor de Victor Hugo-Photo Clovis Gauzy
Dans "La Fausse Suivante" de Marivaux. Ces photos ont dû êtres retirées suite à la très collaboratrice et élégante menace de leur auteur Clovis Gauzy, éclairagiste du spectacle, qui m'en demande 132 Euros de droits d'auteur sous peine de porter plainte en justice. Merci à lui ! Il y a des gens comme moi qui essaient de faire quelque chose de beau, pour porter l'oeuvre de qualqu'un d'autre, gratuitement, et il y en a d'autres ......n1099692654 30013862 945Hugo Horiot Comédien-Nanteshoriot3-copie-1
horiot6-copie-1

Hugo a réalisé en 2011, un documentaire sur un peintre anartiste belge, Christian Vancau, l'auteur de ce blog et des articles sur l'oeuvre écrit de sa maman. "Homme de Boue, Homme d'argile, le vieux con qui ne se rend pas", film tourné en juin, à Moircy en Belgique et projeté à Paris-Bastille, en avant-première, en octobre 2011.  Voici le DVD. Il dure 24 minutesDVD Homme de Boue on-8 août 2011014

Homme de Boue Le bien Public-Dijon-8 août 2011013

  En 2013, il publira son premier livre "L"Empereur c'est moi" aux Editions Les Arènes, Collection l'Ionoclaste, rue Jacob à ParisHUGO1124

 

HUGO1125HUGO1126Hugo et sa maman Françoise Lefèvre, ce 28 mai 2013 aux Editions Les Arènes, au 27 de la rue Jacob à ParisRue Jacog 27 Françoise et HugoHugo HORIOT424695 551963344864686 1519711109 n

A suivre...


Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur

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Jean-Jacques Pauvert, né Jean-Albert Pauvert à Paris le 8 avril 1926 et mort le 27 septembre 2014 à Toulon1, est un éditeur et écrivain français, fondateur des éditions Pauvert.

 

Jean-Jacques Pauvert s'est fait connaître surtout par la réédition d'œuvres oubliées, proscrites ou considérées comme marginales. À près de vingt ans, il est le premier à publier Sade sous son nom d'éditeur2. Jusqu'alors, cette œuvre était diffusée sous le manteau.

 

Par ailleurs, il a fait appel à des maquettistes de talent, comme Jacques Darche ou Pierre Faucheux, lequel, dans les années 1960, a conçu pour les Éditions Jean-Jacques Pauvert l'identité graphique de la collection « Libertés » (format poche : 9 cm x 18 cm, couverture en papier kraft, gros caractères d'affiche noirs pour le titre, tranche noire)3, offrant ainsi une présentation originale tout en réduisant les coûts de fabrication.

Il a révélé des auteurs qui ont connu de grands succès de librairie, tels : Albertine Sarrazin, Michel Bernard, Jean Carrière, Hortense Dufour, Françoise Lefèvre, Brigitte Lozerec'h, Mario Mercier, etc.

ll a publié, de Françoise LEFEVRE

  • La Première Habitude, éd. Pauvert, 1974, rééditions J'ai Lu — Grand prix des lectrices de Elle, 1975
  • L'Or des chambres, J.-J. Pauvert, 1976, rééditions J'ai Lu
  • Le Bout du compte, J.-J. Pauvert, 1977, réédition J'ai Lu et d'autres (voir ci-dessous)
  • C'est lui qui a encouragé Françoise Lefèvre à écrire "La Première Habitude" et ce fut un succès immédiat

Biographie

Fils de Marcel Pauvert, journaliste, petit-neveu d'André Salmon par la branche maternelle, Jean-Jacques Pauvert passe son enfance à Sceaux et fait ses études primaires au lycée Lakanal, où il a pour professeur de français José Lupin, avant de passer brièvement par l'École alsacienne, où son grand-père paternel avait été professeur. Cancre incurable et chaque fois renvoyé de ses établissements scolaires, il se retrouve en 1942 vendeur à la librairie Gallimard, boulevard Raspail à Paris.

 

En 1945, sous le nom Éditions du Palimugre, il publie de courts textes de Sartre, Montherlant, Léautaud, Flaubert, puis, en 1947, une édition intégrale de l'Histoire de Juliette du marquis de Sade. Pour la première fois, Sade est officiellement publié sous une jaquette d'éditeur, Jean-Jacques Pauvert, ce qui lui vaudra plus de dix ans de poursuites judiciaires. Le dernier des dix volumes sortira en juillet 1949, avec une couverture en carton dont la maquette est signée Mario Prassinos.

 

En 1949, il fonde la première Librairie du Palimugre, rue de Vaugirard. En 1953-1954, Jean Paulhan (qui en rédige la préface) lui confie le manuscrit d'Histoire d'O d'une certaine Pauline Réage (on apprendra trente ans plus tard qu'il s'agissait de Dominique Aury). Pauvert le publie en 1954. En 1955, il reprend la revue Bizarre, créée par Éric Losfeld. En 1956, il est surveillé par la police. Un procès lui est intenté du 15 décembre au 12 mars 1958 par le Ministère public concernant la publication de certaines œuvres de Sade. Défendu par Maître Maurice Garçon, Pauvert gagne le procès.

 

Parmi les auteurs qu'il édite ou réédite figurent Georges Darien, Georges Bataille, Gilbert Lely, André Breton, Erckmann-Chatrian, Pierre Klossowski, Raymond Roussel, Charles Cros, Lewis Caroll, Albertine Sarrazin, la comtesse de Ségur, Oscar Panizza, Fulcanelli, Eugène Canseliet, Dalí, C. R. Maturin ou encore René de Solier. Mentionnons encore une édition des œuvres complètes de Victor Hugo en quatre volumes, ainsi que l’Histoire de l'art d'Élie Faure.

 

En 1967, il publie une biographie, rédigée par Jean Nohain, du "Pétomane" Joseph Pujol, artiste phénomène qui donnait des spectacles de pets fort prisés au début du siècle. Il fonde plusieurs collections, dont la « Bibliothèque internationale d'érotologie ». Il édite le Sexe de la femme du Docteur Gérard Zwang.

En 1968, il publie pour la première fois en français La désobéissance civile de Henri David Thoreau, paru aux États-Unis en 1849 et qui a inspiré Gandhi dans son action non-violente.

 

En 1972, l'un de ses auteurs, Jean Carrière, obtient le prix Goncourt pour son roman L'Épervier de Maheux. Il découvre Françoise Lefèvre, qu'il révèle en 1974 au public par son roman La Première habitude (Grand prix des lectrices de Elle 1975). En 1976, il publie les Mémoires d'un fasciste de Lucien Rebatet4.

 

Commence le temps où il mène de front son métier d'éditeur et celui d'auteur, car il a entamé l'immense travail de mise en perspective depuis les premiers signes de l'écriture jusqu'à nos jours d'une Anthologie historique des lectures érotiques, dont il fait précéder chaque extrait d'un texte de présentation historique. La publication des cinq volumes sera échelonnée de 1979 à 2001. Entre le pénultième et le dernier volume, il rédige la biographie du Marquis de Sade en trois volumes.

 

En 1982, il révèle Brigitte Lozerec'h en publiant son premier roman L'Intérimaire, en coédition avec Julliard. Ce livre connaît un immense succès et est traduit en plusieurs langues. En fin d'année, il entame une riche collaboration avec Annie Le Brun en publiant son mémorable essai sur la fascination pour le roman noir : Les châteaux de la subversion puis, plus tard, sous sa marque "Pauvert", une introduction d'Annie Le Brun aux œuvres complètes de Sade : Soudain un bloc d'abîme, Sade.

 

De 1981 à 1983, il publie deux romans de Françoise Sagan : Un orage immobile en coédition avec les Éditions Julliard, puis La femme fardée en coédition avec Ramsay. Ce dernier demeure le plus fourni, le plus épais de toute l’œuvre de Sagan avec ses 500 pages.

 

En 1991, Il dirige la réédition des œuvres de Guy Debord aux éditions Gallimard.

Il est le père de quatre enfants, dont Camille Deforges, fille de Régine Deforges, qu'il a reconnue quand elle a eu quarante ans.

Il a épousé Brigitte Lozerec'h le 25 avril 2014 à la mairie du Rayol-Canadel-sur-Mer, comme l'a révélé le quotidien Var-Matin du 26 avril 2014.

 

Œuvres

  • Anthologie historique des lectures érotiques, 5 volumes aux éditions Stock. Tome 5: De l'infini au zéro, 1985-2000, publié en 2001
  • Sade vivant, 3 volumes, éd. Robert Laffont, 1986-1990. Prix des Deux Magots, réédition, éd. Tripode, Octobre 2013
  • Nouveaux (et moins nouveaux) visages de la censure, suivi de l'Affaire Sade, éd. Les Belles Lettres, 1994
  • L'Amour à la française, ou l'Exception étrange, éd. du Rocher, 1997
  • Apollinaire et Monaco, éd. du Rocher, 1999
  • La Littérature érotique, éd. Flammarion/Dominos, 2000
  • La Traversée du livre, Tome 1, éd. Viviane Hamy, 2004
  • Métamorphose du sentiment érotique, éd. Jean-Claude Lattès, 2011
  • Mes lectures amoureuses, éd. La Musardine, 2011
  • Sade vivant réédition en un seul volume (1200 p.), éd. Tripode, 2013

Correspondance

  • Guy Debord, Correspondance, volume 7, Fayard, 2008.
    Les lettres de Guy Debord à Jean-Jacques Pauvert sont regroupées dans ce volume.

Références

  1. Alain Beuve-Méry, « Jean-Jacques Pauvert, éditeur légendaire et atypique, est mort » [archive], sur Le Monde,‎ 27 septembre 2014 (consulté le 28 septembre 2014)
  2. Signalons que les Éditions du Scorpion éditèrent Sade sous leur nom et de façon non clandestine en 1946.
  3. Jean-Jacques Pauvert, La Traversée du livre, Mémoires, Paris, Viviane Hamy, 2004, p. 390-392.
  4. Jacques Chardonne, Paul Morand, Lucien Rebatet, le retour des pestiférés [archive], Jérôme Dupuis, lexpress.fr, 15 février 2013
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
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Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur

JEAN-JACQUES PAUVERT [1926-2014] 
Ma vie en texte

On peut aimer Miller, Bukowski, Burroughs, ce ne seront toujours que d’agréables et distrayants chemins de campagne, à côté du gouffre, de la déflagration que peut être la première lecture – celle que l’on n’oublie jamais, du Bleu du ciel, d’Histoire de l’oeil, ou des 120 journées de Sodome.

Un jour, Jean-Jacques Pauvert a décidé que ces textes, on ne pouvait les occulter, ils étaient important, en eux et non pour le scandale qu’ils provoquaient, ou les discours déformés qu’ils charriaient. C’était avant. Avant que les mots « transgression », et « subversion » ne viennent animer les pitch de publicitaires en manque d’inspiration (« et là je vois bien un truc pour la voiture, mais un peu transgressif, tu vois »), bref des étiquettes vidées de leur sens dans le grand bain du spectacle, tout juste bonnes à illustrer des T-Shirts.

Pauvert, lui, se souciait peu d’être scandaleux, ou de ne pas l’être, et des étiquettes en tous genre. N’en faire qu’à sa tête, c’est ce qu’il a fait toute sa vie : publier Sade avant qu’il ne soit dans la Pléiade, Vian lorsque l’Ecume des Pages n’était pas un classique des collèges, Rebatet, quand plus personne n’acceptait de lui parler. Accepter d’avoir vingt ans voire plus d’avance, à peu près tout le temps, affronter la censure, les procès, pour faire naître les textes au grand jour, au lieu qu’ils hantent les Enfers des bibliothèques. Mais aussi réinventer les maquettes des livres, afficher une curiosité d’esprit et un amour de la littérature inépuisable qui le mèneront de Darien à Victor Hugo, de Breton à Hardellet, et créer sinon un des plus beaux catalogues de l’édition française, le plus singulier sûrement.

Cela justifie amplement de traverser la France en une journée, de se perdre dans les collines varoises au terme d’un road-movie digne de Rozier, pour rencontrer l’éditeur d’Histoire d’O. On a lu ses Mémoires, relues et dévorées, mais le second tome se fait attendre…alors.

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Gonzai : On a toujours entendu cette première histoire, je ne sais pas si le début se joue là ou pas…

Jean-Jacques Pauvert : Il y en a beaucoup…

Gonzai : Et peut-être que certaines sont inventées ! Donc cette histoire un peu étonnante sur le fait que dans votre première fois d’éditeur, c’est Montherlant qui rédige pour vous le contrat, parce que vous n’en n’aviez jamais rédigé avant.

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui, je n’avais jamais rédigé de contrat, j’ai commencé en effet par publier des choses avec l’accord des auteurs. En fait, mon premier livre, celui par lequel je suis devenu éditeur, c’était un texte de Sartre sur Camus, il avait publié un article que j’avais trouvé formidable. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais totalement emballé par Camus, et je connaissais Sartre, je connaissais beaucoup d’auteurs d’ailleurs.

Gonzai : Pourquoi connaissiez-vous beaucoup d’auteurs ?

Jean-Jacques Pauvert : Parce que ça m’intéressait, et puis aussi parce que j’avais commencé par la librairie. J’avais été mis à la porte de divers établissements, c’était la guerre, et mes parents me demandaient de travailler. Un beau jour, mon père a une idée de génie, il me dit : « Mais je connais Gaston Gallimard, je vais te présenter ». J’avais 15 ans, et je me suis ainsi retrouvé, très impressionné, dans le grand bureau de Gaston Gallimard qui m’a dit : « Bonjour Monsieur, alors comme ça vous voulez faire de la librairie ? ». Alors, à tout hasard, je dis oui. Il m’a ainsi proposé une place d’apprenti à la librairie du boulevard Raspail, qui existe toujours.

Bref, je me suis retrouvé là dedans, et puis c’était l’Occupation, les livres étaient rares, introuvables, je connaissais beaucoup de libraires parce que je passais du temps à farfouiller chez les uns ou les autres, et j’ai commencé à faire du troc, j’achetais des livres chez un libraire que je revendais à un autre, ça a commencé comme ça.

Donc j’étais très entiché de Camus, j’avais adoré Le Mythe de Sisyphe et L’Etranger, et un beau jour, je lis le texte que Sartre a écrit surl’Etranger. Pris d’une idée, je me précipite rue Sébastien Bottin, je monte voir Sartre, et je lui dis : « Vous venez de publier un texte fantastique sur Camus dans les Cahiers du Sud et il faudrait l’éditer ». Il y a une chose sensationnelle chez Sartre – avec beaucoup qui sont moins sensationnelles – c’est un désintéressement extraordinaire. Il me dit tout de suite : « Mais quelle bonne idée, faites donc ce que vous voulez. ». Ca a été mon début. Je me retrouve donc avec ce texte, je ne SAVAIS pas très bien comment on faisait un livre, et alors que je marchais dans les rues, je vois rue de Seine un enseigne : « Henri Dieval imprimeur ». J’entre et je dis que j’ai un texte pour faire un livre, ils m’ont demandé « ah bon, comment, quel genre de livre exactement ?». Evidemment, je ne savais rien, ça c’était en 45.

« Je crois que j’ai été le plus jeune éditeur de France, j’avais 19 ans. »

Il faut dire que c’est assez rare car les éditeurs en France, ou bien c’est de famille, ce sont des héritiers ou bien ce sont des gens qui viennent en général des métiers du livre et qui se lancent un beau jour.

Gonzai : Et quelqu’un comme Gaston Gallimard, dont vous parliez tout à l’heure, on a cette image de lui où il dit « Vendre des livres ou des bouteilles de vin, c’est pareil », on n’avait pas forcément l’impression qu’il avait des avis, plutôt qu’il agissait par recommandation.

Jean-Jacques Pauvert : Gaston Gallimard, ah je l’ai bien connu, et j’ai eu des hauts et des bas avec lui, je l’ai même fait saisir à un moment et lui m’a fait aussi des ennuis, mais enfin c’était un type tout à fait formidable, notamment parce que c’était un type qui aimait la vie. Moi je me suis fait souvent avoir par Gaston Gallimard , il était très charmeur, c’était un quelqu’un de délicieux. Ce qu’il faut voir, c’est que les Editions Gallimard c’était une famille, il y avait Gaston, mais il y avait aussi ses frères qui tenaient fermement les FINANCES de la maison. En tous cas, Gaston Gallimard lisait et s’intéressait beaucoup à la littérature, il lisait des gens très bien, tous les gens qu’il publiait en somme.

Gonzai : En effet, il y a pire !

Jean-Jacques Pauvert : Je me souviens qu’un beau jour il me dit : « J’ai publié L’équipage, de Kessel et ça a été la fin ».

Gonzai : L’Equipage ce n’est pas déshonorant, tout de même.

Jean-Jacques Pauvert : Eh bien, pour Gaston, c’était l’étage en dessous, ce qui vous donne une idée. L’Equipage c’est pas mal, mais ça ne vaut pas Proust, c’était de la littérature courante. A partir de là ce jour là, c’était en 1924 et il était éditeur depuis 1908, il était complètement désenchanté, il me disait :« Là, c’est terminé ».

Gonzai : Et avec Jean Paulhan, ça se passait comment ? Dans vos mémoires on a l’impression de quelqu’un d’un peu retors à qui vous ne pouviez pas vraiment faire confiance.

Jean-Jacques Pauvert : Ah ça non, je ne lui faisais pas confiance ! Il était assez tordu…Mais c’était un type formidable, très intelligent, très cultivé, et il avait un goût très sûr. Et il avait le courage de ses opinions et là il était très direct. En tous cas, je m’entendais bien avec lui.

Gonzai : Avec Histoire d’O ça a été un peu compliqué tout de même, il vous parle du manuscrit, puis vous dit qu’il l’a donné à un autre éditeur…

Jean-Jacques Pauvert : Ah mais oui, mais ça c’était Paulhan tout craché ! Il me parle du manuscrit pendant un an, et me dit « C’est pour vous » et c’est vrai que c’était un livre pour moi. Et puis un jour, je le rencontre, je me souviens, c’était rue Jacob, il avait le manuscrit sous le bras, et il me dit : « Justement, je l’ai. Vous verrez, ça va vous plaire». Je rentre, je le lis aussitôt. Le soir même je le passe à ma femme, on l’avait lu tous les deux, c’était ahurissant. Je l’appelle le lendemain en lui disant : « Vous avez raison ce livre est pour moi ». Il me dit : [Pauvert imite Paulhan] : « Oui alors, il y a un petit ennui, oh pas grand-chose, il y a un éditeur qui a le contrat ». Moi, je fonce voir l’éditeur en question, j’étais prêt à mettre le feu chez lui, et je tombe sur un type charmant, mais bon Histoire d’O pour lui, ce n’était rien du tout, parce qu’il ne SAVAIT pas, ce n’était pas un littéraire. Il me dit « Ah, ce petit porno vous intéresse, bon je vous le laisse.». J’ai versé cent mille francs que je n’avais pas, je lui fais immédiatement un chèque sans provision que j’ai bien mis quatre ou cinq jours à couvrir, c’était effrayant, et puis il m’a passé le manuscrit.

Gonzai : En lisant vos mémoires on a aussi l’impression que c’est que c’était un type capable d’une certaine loyauté, d’un certain engagement. Pour vos procès il vous a toujours soutenu, il a témoigné…

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui face à l’autorité, il ne transigeait pas, il a été tout à fait épatant. Quand je voyais les gens de la mondaine, je disais « Jean Paulhan m’a dit des choses extraordinaires, on parle de Mme Edgar Faure, où va-t-on ? » Et Paulhan, de son côté, les embarquait : « Oh oui je connais une dame qui dit être l’auteur ». On s’est bien amusés. Sauf que évidemment, avec toutes les histoires des lois de censure, à partir de 46-47, ça a été extrêmement compliqué, même si le livre n’était pas formellement interdit. C’était assez hypocrite, car il y avait des livres qu’il ne fallait pas interdire complètement, des livres sortis avant la guerre par exemple. C’était la libération donc avec les Américains et les Russes, on peut dire que c’était le triomphe de la moralité armée. Et à la Libération les communistes étaient très moralisateurs et ah ! ils étaient d’une connerie…Non seulement, ils étaient cons, ça c’était une chose entendue, mais surtout d’une hypocrisie et en plus comme ils ne connaissaient rien à rien, ça donnait des choses absurdes. Ils disaient : « Attention les Français vont commencer à publier des traductions de l’américains », au moment où Boris Vian venait de publier J’irai cracher sur vos tombes, soit disant traduit de l’américain. Les pauvres américains étaient incapables de publier cela, évidemment, jusque dans les années 60 ça a été interdit chez eux.

Gonzai : Mais ces problèmes de censure ont duré encore longtemps, non, parce qu’avec Lourdes, Lentes de Hardellet vous avez encore eu des problèmes, et ça c’était dans les années 70, non ?

Jean-Jacques Pauvert : Oui et c’est assez bizarre. Moi quand j’avais un procès ça me rendait plutôt combatif. Il était très sensible Hardellet, ça l’avait beaucoup affecté, il faut dire qu’il avait pas l’habitude, il se retrouve en correctionnelle, avec la police, et il tombe sur un président, qui était on peut le dire vraiment le roi des cons, et qui le traite de haut. Ça m’aurait rendu plutôt méchant, mais lui ça l’a touché.

Toujours est-il que c’était un procès tellement absurde… Et il y avait des incohérences. Au bout d’un certain temps, j’obtiens que Lourdes, Lentes ne soit qu’interdit qu’aux mineurs, ce qui n’handicape pas tellement les ventes finalement. Mais il se trouve que je soutenais les débuts de Régine Deforges, qui à l’époque faisait des livres un peu club vaguement reliés, et je lui dit donc : « Tenez, j’ai un texte vraiment excellent, faites-en donc une édition ». Et elle, en publiant Lourdes, Lentes, se fait interdire aux trois interdictions. Uniquement parce que c’était une femme, ça c’était inacceptable qu’une femme puisse publier cela.

Gonzai : Et justement, comment aviez-vous découvert André Hardellet ?

Jean-Jacques Pauvert : Il se trouve que j’avais lu Le seuil du jardin, et la fameuse lettre de Breton, où il en dit beaucoup de bien – d’ailleurs il faudrait parler de Breton…Donc je trouve ça épatant, je rencontre Hardellet très facilement. Il était très désabusé, il a été désabusé pratiquement jusqu’à la fin.

« Les éditeurs n’ont absolument besoin d’être des gens très cultivés, ils ont surtout besoin d’être de bon commerçants et d’avoir du flair. »

Cela dit moi je suis de l’avis de Julien Gracq, les deux livres les plus étonnants d’Hardellet que j’ai publiés, c’était Les Chasseurs et Les Chasseurs II. Ce qui a frappé Gracq, c’est que ce sont des livres qu’on ne peut pas refaire, si vous voulez les publier en poche ou sous une autre présentation, ça n’est plus ça. Et il faut dire qu’on s’était donné un mal de chien pour trouver les illustrations notamment. Alors ça, ça fait partie des réussites dans l’édition, mais ce sont des réussites très fugitives. Mais – petite parenthèse – l’édition n’est pas le métier qu’on croit. On se raconte des trucs, le public raconte des trucs sur l’édition. Je pense notamment à un texte de Zola sur l’édition qui est parfaitement actuel et définitif. Il dit qu’en somme les éditeurs n’ont absolument besoin d’être des gens très cultivés, ils ont surtout besoin d’être de bon commerçants et d’avoir du flair.

Gonzai : Mais vous vous reconnaissez dans cette définition, vous ? Un bon commerçant avec du flair ?

Jean-Jacques Pauvert : Je crois avoir été un bon commerçant, oui. Quelques fois avec un peu d’avance évidemment. Lorsque je publie Histoire d’O en 54, j’étais persuadé que ce serait un choc ahurissant, que j’allais en faire 100 000, 200 000, un million même, que sais-je. Là-dessus, je le tire à 5000 assez prudemment, et heureusement car les ennuis commencent dix-huit mois après avec le prix des Deux Magots parce que jusque là personne ne s’était aperçu qu’il était sorti un livre qui s’appelait Histoire d’O. Il fallait attendre. J’ai attendu 20 ans.

Pour le flair, ce que je sais c’est qu’au bout d’un certain nombre d’années, à force il y avait des articles : « Encore une découverte chez Jean-Jacques Pauvert ». Prenez Le voleur de Darien par exemple. Ce livre m’a lié définitivement avec Breton par exemple. Lorsque je l’ai publié, il a écrit un article magnifique dans Arts. Il avait écrit : « Comment se fait il que malgré la caution de Jarry, nous soyons passés à côté de ce chef d’œuvre. ».

Gonzai : La consécration quoi !

Jean-Jacques Pauvert : Oh la consécration, ça a fait 2000, 3000 exemplaires à tout casser…Mais Le Voleur, c’était un livre rare, que j’ai cherché pendant des années.

Gonzai : Et comment en êtes-vous venus à publier les Mémoires d’un fasciste de Rebatet dans les années 70, il était tout de même un peu en disgrâce, ça n’a pas été trop difficile ?

Jean-Jacques Pauvert : Oh il était plus qu’en disgrâce! Si on le sortait maintenant…

Gonzai : …on aurait un procès ! Gallimard ne réimprime Les deux étendards que sous la contrainte.

Jean-Jacques Pauvert : Rebatet, ce n’était vraiment pas quelqu’un de sympathique, il faut dire, il était vraiment aigri. Et je crois qu’il a toujours été ainsi, violent, très combatif, même du temps de Je suis Partout. Il faut se rappeler tout de même que sous l’Occupation, son succès était immense. Je me souviens d’une signature de Rebatet pendant la guerre, il y avait une queue incroyable sur tout le boulevard Saint Michel. Toujours est-il que j’ai toujours trouvé que Rebatet était un bon écrivain malgré tout. Et lorsque Madame Rebatet vient me voir dans les années 70 en me proposant l’édition en deux volumes, avec le premier inédit, je me dis : allons-y. Mais c’était risqué, je me disais : si j’en vends 500 ou 1000, c’est un échec. Mais si j’en vends 100 000 ou 200 000 , mon dieu, ce sera le signe de quoi ? Ce sera presque pire. Toujours est-il qu’on en a vendu 20 00 exemplaire, pile ce qu’il fallait.

Gonzai : 20 000 exemplaires, mais c’est énorme !

Jean-Jacques Pauvert : Non, pas pour moi. Avec en plus une bonne presse, il n’y a pas eu d’injures.

Gonzai : Aujourd’hui ce serait impossible de le rééditer, on déclencherait un scandale…

Jean-Jacques Pauvert : Ne me tentez pas !

« Un texte comme Les 120 journées de Sodome, très peu de personnes le lisent vraiment, encore aujourd’hui. Il faut dire que c’est un texte insoutenable, à faire dresser les cheveux sur la tête. »

 

jjpauvertGonzai : Bon ce ne sera pas dans l’ordre chronologique, vous l’aurez noté. Sur le Marquis de Sade, je voudrais juste vous poser une question sur les différents rebondissements. Quelque chose m’a étonné en lisant vos mémoires : à un moment ces textes étaient introuvables et pourtant jouissaient chez certains écrivains d’un crédit considérable, tout le monde les citait.

Jean-Jacques Pauvert : Ah mais exactement, on arrivait chez Paulhan, à ses mercredi et la plupart du temps il était question de Sade, on en parlait neuf fois sur dix. C’était : « Sade, Sade, Sade, quel grand philosophe ». Puis un beau jour, je dis : « Mais qu’est ce qu’on attend pour l’éditer, dans ce cas ? ». Il se trouve que grâce à ma pratique de la librairie, j’avais réussi à me les procurer, et je les avais lus. Et là tout le monde me répond : « Mais vous êtes fou, vous n’y pensez pas ! ». Mais vous SAVEZ, un texte comme Les 120 journées de Sodome, très peu de personnes le lisent vraiment, encore aujourd’hui. Il faut dire que c’est un texte insoutenable, à faire dresser les cheveux sur la tête. Pour le rééditer, je me souviens que je le lisais à haute voix avec ma femme, il fallait reprendre l’édition de 1929, et en moderniser l’orthographe, eh bien par moments, c’était insupportable, il fallait qu’on arrête. Mais tout le monde préfère oublier cela et évacue le problème de ce texte, en disant : « Cela n’a pas d’importance ». Mais si ça en a ! Ca en a ! Je pense en tous cas, que c’est un texte qui n’aurait pu exister dans aucune autre langue que le français, parce qu’il n’y a pas de littérature érotique dans les autres langues, à part l’Italie. Parce que dans les autres langues, en anglais notamment, il n’y a pas de vocabulaire. Ils ont tout un vocabulaire obscène mais c’est argotique, ce n’est pas de la langue courante. Quand ils voulaient parler de choses érotiques, ils employaient le français.

Gonzai : On voulait vous parler de Georges Bataille aussi. Vous l’avez bien connu ? Comment l’avez-vous rencontré ? Aujourd’hui c’est un peu dur d’expliquer le choc que peuvent être Le bleu du ciel ou Histoire de l’œil, car la transgression est un concept qu’on a un peu de mal à faire passer…

Jean-Jacques Pauvert : Ces textes ont  longtemps été clandestins. D’ailleurs c’est ainsi que je les publiais au départ, j’avais ainsi fait une édition d’Histoire de l’œil, et je tenais une petite librairie rue des Ciseaux. Nous sommes en 1953, là je vois rentrer un Monsieur, que je reconnais immédiatement, c’était Georges Bataille très urbain, très poli. Il me dit : « Voilà je viens vous voir, parce que vous avez publié une édition d’Histoire de l’œil dont je suis l’auteur ». Je lui réponds : « Oui, bien sûr, je veux bien que vous me réclamiez des droits, mais il faudrait d’abord signer ce livre !». Nous avons discuté très aimablement et nous avons lié connaissance ainsi. A l’époque c’était un auteur refusé par absolument tout le monde, sauf Lindon, et encore il ne publiait pas tout. Le plus merveilleux c’était les dîners avec Bataille et Klossowski. Tout d’un coup ils s’échauffaient un peu et se mettaient à parler latin, on les écoutait, ça nous passait nettement au dessus de la tête. Quant à Klossowski c’était un type extraordinaire. Je suis vraiment très heureux d’avoir publié Le bain de Diane , son plus beau livre.

Gonzai : Sur la question de la ligne éditoriale, est-ce que pour vous cela veut dire quelque chose ?

Jean-Jacques Pauvert : Non je n’avais pas de ligne, mais un seul principe : ne pas sortir deux livres de suite sous la même couverture, ce qui était totalement nouveau à l’époque.

Gonzai : Ce qui vous a permis d’oser des choses.

Jean-Jacques Pauvert : Oui, Le bain de Diane, ou les Mémoires d’un fasciste de Rebatet, par exemple

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Gonzai : Et avec les libraires, cela se passait comment ?

Jean-Jacques Pauvert : Oh, le niveau des libraires est bien meilleur aujourd’hui qu’autrefois ! Dans les années 50-60, c’était effrayant. Il y avait beaucoup de vieux libraires qui attendaient le client derrière leur comptoir prêts à le mettre à la porte. Ils ont disparu heureusement. Maintenant il y a plein de libraires tout à fait passionnants qui s’intéressent vraiment au livre, surtout des femmes d’ailleurs. J’en ai rencontré beaucoup parce que quand j’ai publié mes mémoires j’ai fait énormément de signatures, dans toute la France. Mais elles ont leur idée ! Elles ont leur niveau ! Je ne vais pas leur parler de Roussel par exemple !

Je fais une digression, mais Roussel par exemple, c’est une histoire ahurissante. Imaginez que dans le milieu des années 80, on retrouve tout le stock de Roussel, au garde-meuble ! Le dépôt était arrivé au bout des cinquante ans, plus personne ne payait, ils s’apprêtaient donc à le saisir, et là l’employé du garde-meuble découvre tout un tas de manuscrits extrêmement bien reliés : tout le fond Roussel que tout le monde croyait détruit ! Toujours est-il qu’ils m’ont contacté, et aussitôt j’en parle à Antoine Gallimard. Eh bien, ça a traîné, il a hésité, et finalement il ne faisait rien. Du coup je finis par me lasser et je parle de l’affaire à Fayard. Ils me demandent : « Combien ça rapporte ». je leur ai répondu : « Absolument rien, mais il faut le faire sur la gloire ». Eh bien cela s’est conclu en cinq minutes. Eh bien ça c’est un bon éditeur.

Gonzai : Est ce qu’il y a des livres que vous regrettez de ne pas avoir fait ?

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui ! Il y en a un que j’ai commencé sur le tard, c’était des œuvres complètes de Saint-Simon. Assez dément hein ?

Gonzai : Vous avez tous vos livres dans cette maison ?

Jean-Jacques Pauvert : Non. J’en ai un certain nombre dans une bibliothèque que je vous montrerai, n’oubliez pas de me le rappeler. En ce moment je suis en train de chercher un ou deux Boris Vian. Vian va sortir dans La Pléiade, et j’ai accepté de faire la préface.Ca m’intéresse beaucoup de faire ça, d’abord parce que je l’ai édité, mais aussi à cause de la personne de Vian, que finalement j’ai peu connu, mais sa mort m’a beaucoup touché – ce sont des choses qui arrivent. C’était quelqu’un avec qui on ne serait pas entendu sur tout, mais c’était quelqu’un pour moi. Et il le SAVAIT d’ailleurs.

 

 
 
 
 

JEAN-JACQUES PAUVERT [1926-2014]
Ma vie en texte

On peut aimer Miller, Bukowski, Burroughs, ce ne seront toujours que d’agréables et distrayants chemins de campagne, à côté du gouffre, de la déflagration que peut être la première lecture – celle que l’on n’oublie jamais, du Bleu du ciel, d’Histoire de l’oeil, ou des 120 journées de Sodome.

Un jour, Jean-Jacques Pauvert a décidé que ces textes, on ne pouvait les occulter, ils étaient important, en eux et non pour le scandale qu’ils provoquaient, ou les discours déformés qu’ils charriaient. C’était avant. Avant que les mots « transgression », et « subversion » ne viennent animer les pitch de publicitaires en manque d’inspiration (« et là je vois bien un truc pour la voiture, mais un peu transgressif, tu vois »), bref des étiquettes vidées de leur sens dans le grand bain du spectacle, tout juste bonnes à illustrer des T-Shirts.

Pauvert, lui, se souciait peu d’être scandaleux, ou de ne pas l’être, et des étiquettes en tous genre. N’en faire qu’à sa tête, c’est ce qu’il a fait toute sa vie : publier Sade avant qu’il ne soit dans la Pléiade, Vian lorsque l’Ecume des Pages n’était pas un classique des collèges, Rebatet, quand plus personne n’acceptait de lui parler. Accepter d’avoir vingt ans voire plus d’avance, à peu près tout le temps, affronter la censure, les procès, pour faire naître les textes au grand jour, au lieu qu’ils hantent les Enfers des bibliothèques. Mais aussi réinventer les maquettes des livres, afficher une curiosité d’esprit et un amour de la littérature inépuisable qui le mèneront de Darien à Victor Hugo, de Breton à Hardellet, et créer sinon un des plus beaux catalogues de l’édition française, le plus singulier sûrement.

Cela justifie amplement de traverser la France en une journée, de se perdre dans les collines varoises au terme d’un road-movie digne de Rozier, pour rencontrer l’éditeur d’Histoire d’O. On a lu ses Mémoires, relues et dévorées, mais le second tome se fait attendre…alors.


Gonzai : On a toujours entendu cette première histoire, je ne sais pas si le début se joue là ou pas…

Jean-Jacques Pauvert : Il y en a beaucoup…

Gonzai : Et peut-être que certaines sont inventées ! Donc cette histoire un peu étonnante sur le fait que dans votre première fois d’éditeur, c’est Montherlant qui rédige pour vous le contrat, parce que vous n’en n’aviez jamais rédigé avant.

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui, je n’avais jamais rédigé de contrat, j’ai commencé en effet par publier des choses avec l’accord des auteurs. En fait, mon premier livre, celui par lequel je suis devenu éditeur, c’était un texte de Sartre sur Camus, il avait publié un article que j’avais trouvé formidable. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais totalement emballé par Camus, et je connaissais Sartre, je connaissais beaucoup d’auteurs d’ailleurs.

Gonzai : Pourquoi connaissiez-vous beaucoup d’auteurs ?

Jean-Jacques Pauvert : Parce que ça m’intéressait, et puis aussi parce que j’avais commencé par la librairie. J’avais été mis à la porte de divers établissements, c’était la guerre, et mes parents me demandaient de travailler. Un beau jour, mon père a une idée de génie, il me dit : « Mais je connais Gaston Gallimard, je vais te présenter ». J’avais 15 ans, et je me suis ainsi retrouvé, très impressionné, dans le grand bureau de Gaston Gallimard qui m’a dit : « Bonjour Monsieur, alors comme ça vous voulez faire de la librairie ? ». Alors, à tout hasard, je dis oui. Il m’a ainsi proposé une place d’apprenti à la librairie du boulevard Raspail, qui existe toujours.

Bref, je me suis retrouvé là dedans, et puis c’était l’Occupation, les livres étaient rares, introuvables, je connaissais beaucoup de libraires parce que je passais du temps à farfouiller chez les uns ou les autres, et j’ai commencé à faire du troc, j’achetais des livres chez un libraire que je revendais à un autre, ça a commencé comme ça.

Donc j’étais très entiché de Camus, j’avais adoré Le Mythe de Sisyphe et L’Etranger, et un beau jour, je lis le texte que Sartre a écrit sur l’Etranger. Pris d’une idée, je me précipite rue Sébastien Bottin, je monte voir Sartre, et je lui dis : « Vous venez de publier un texte fantastique sur Camus dans les Cahiers du Sud et il faudrait l’éditer ». Il y a une chose sensationnelle chez Sartre – avec beaucoup qui sont moins sensationnelles – c’est un désintéressement extraordinaire. Il me dit tout de suite : « Mais quelle bonne idée, faites donc ce que vous voulez. ». Ca a été mon début. Je me retrouve donc avec ce texte, je ne savais pas très bien comment on faisait un livre, et alors que je marchais dans les rues, je vois rue de Seine un enseigne : « Henri Dieval imprimeur ». J’entre et je dis que j’ai un texte pour faire un livre, ils m’ont demandé « ah bon, comment, quel genre de livre exactement ?». Evidemment, je ne savais rien, ça c’était en 45.

« Je crois que j’ai été le plus jeune éditeur de France, j’avais 19 ans. »

Il faut dire que c’est assez rare car les éditeurs en France, ou bien c’est de famille, ce sont des héritiers ou bien ce sont des gens qui viennent en général des métiers du livre et qui se lancent un beau jour.

Gonzai : Et quelqu’un comme Gaston Gallimard, dont vous parliez tout à l’heure, on a cette image de lui où il dit « Vendre des livres ou des bouteilles de vin, c’est pareil », on n’avait pas forcément l’impression qu’il avait des avis, plutôt qu’il agissait par recommandation.

Jean-Jacques Pauvert : Gaston Gallimard, ah je l’ai bien connu, et j’ai eu des hauts et des bas avec lui, je l’ai même fait saisir à un moment et lui m’a fait aussi des ennuis, mais enfin c’était un type tout à fait formidable, notamment parce que c’était un type qui aimait la vie. Moi je me suis fait souvent avoir par Gaston Gallimard , il était très charmeur, c’était un quelqu’un de délicieux. Ce qu’il faut voir, c’est que les Editions Gallimard c’était une famille, il y avait Gaston, mais il y avait aussi ses frères qui tenaient fermement les finances de la maison. En tous cas, Gaston Gallimard lisait et s’intéressait beaucoup à la littérature, il lisait des gens très bien, tous les gens qu’il publiait en somme.

Gonzai : En effet, il y a pire !

Jean-Jacques Pauvert : Je me souviens qu’un beau jour il me dit : « J’ai publié L’équipage, de Kessel et ça a été la fin ».

Gonzai : L’Equipage ce n’est pas déshonorant, tout de même.

Jean-Jacques Pauvert : Eh bien, pour Gaston, c’était l’étage en dessous, ce qui vous donne une idée. L’Equipage c’est pas mal, mais ça ne vaut pas Proust, c’était de la littérature courante. A partir de là ce jour là, c’était en 1924 et il était éditeur depuis 1908, il était complètement désenchanté, il me disait :« Là, c’est terminé ».

Gonzai : Et avec Jean Paulhan, ça se passait comment ? Dans vos mémoires on a l’impression de quelqu’un d’un peu retors à qui vous ne pouviez pas vraiment faire confiance.

Jean-Jacques Pauvert : Ah ça non, je ne lui faisais pas confiance ! Il était assez tordu…Mais c’était un type formidable, très intelligent, très cultivé, et il avait un goût très sûr. Et il avait le courage de ses opinions et là il était très direct. En tous cas, je m’entendais bien avec lui.

Gonzai : Avec Histoire d’O ça a été un peu compliqué tout de même, il vous parle du manuscrit, puis vous dit qu’il l’a donné à un autre éditeur…

{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}http://gonzai.com/wp-content/uploads/pauvert_editeur.jpg{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}Jean-Jacques Pauvert : Ah mais oui, mais ça c’était Paulhan tout craché ! Il me parle du manuscrit pendant un an, et me dit « C’est pour vous » et c’est vrai que c’était un livre pour moi. Et puis un jour, je le rencontre, je me souviens, c’était rue Jacob, il avait le manuscrit sous le bras, et il me dit : « Justement, je l’ai. Vous verrez, ça va vous plaire». Je rentre, je le lis aussitôt. Le soir même je le passe à ma femme, on l’avait lu tous les deux, c’était ahurissant. Je l’appelle le lendemain en lui disant : « Vous avez raison ce livre est pour moi ». Il me dit : [Pauvert imite Paulhan] : « Oui alors, il y a un petit ennui, oh pas grand-chose, il y a un éditeur qui a le contrat ». Moi, je fonce voir l’éditeur en question, j’étais prêt à mettre le feu chez lui, et je tombe sur un type charmant, mais bon Histoire d’O pour lui, ce n’était rien du tout, parce qu’il ne savait pas, ce n’était pas un littéraire. Il me dit « Ah, ce petit porno vous intéresse, bon je vous le laisse.». J’ai versé cent mille francs que je n’avais pas, je lui fais immédiatement un chèque sans provision que j’ai bien mis quatre ou cinq jours à couvrir, c’était effrayant, et puis il m’a passé le manuscrit.

Gonzai : En lisant vos mémoires on a aussi l’impression que c’est que c’était un type capable d’une certaine loyauté, d’un certain engagement. Pour vos procès il vous a toujours soutenu, il a témoigné…

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui face à l’autorité, il ne transigeait pas, il a été tout à fait épatant. Quand je voyais les gens de la mondaine, je disais « Jean Paulhan m’a dit des choses extraordinaires, on parle de Mme Edgar Faure, où va-t-on ? » Et Paulhan, de son côté, les embarquait : « Oh oui je connais une dame qui dit être l’auteur ». On s’est bien amusés. Sauf que évidemment, avec toutes les histoires des lois de censure, à partir de 46-47, ça a été extrêmement compliqué, même si le livre n’était pas formellement interdit. C’était assez hypocrite, car il y avait des livres qu’il ne fallait pas interdire complètement, des livres sortis avant la guerre par exemple. C’était la libération donc avec les Américains et les Russes, on peut dire que c’était le triomphe de la moralité armée. Et à la Libération les communistes étaient très moralisateurs et ah ! ils étaient d’une connerie…Non seulement, ils étaient cons, ça c’était une chose entendue, mais surtout d’une hypocrisie et en plus comme ils ne connaissaient rien à rien, ça donnait des choses absurdes. Ils disaient : « Attention les Français vont commencer à publier des traductions de l’américains », au moment où Boris Vian venait de publier J’irai cracher sur vos tombes, soit disant traduit de l’américain. Les pauvres américains étaient incapables de publier cela, évidemment, jusque dans les années 60 ça a été interdit chez eux.

Gonzai : Mais ces problèmes de censure ont duré encore longtemps, non, parce qu’avec Lourdes, Lentes de Hardellet vous avez encore eu des problèmes, et ça c’était dans les années 70, non ?

Jean-Jacques Pauvert : Oui et c’est assez bizarre. Moi quand j’avais un procès ça me rendait plutôt combatif. Il était très sensible Hardellet, ça l’avait beaucoup affecté, il faut dire qu’il avait pas l’habitude, il se retrouve en correctionnelle, avec la police, et il tombe sur un président, qui était on peut le dire vraiment le roi des cons, et qui le traite de haut. Ça m’aurait rendu plutôt méchant, mais lui ça l’a touché.

Toujours est-il que c’était un procès tellement absurde… Et il y avait des incohérences. Au bout d’un certain temps, j’obtiens que Lourdes, Lentes ne soit qu’interdit qu’aux mineurs, ce qui n’handicape pas tellement les ventes finalement. Mais il se trouve que je soutenais les débuts de Régine Deforges, qui à l’époque faisait des livres un peu club vaguement reliés, et je lui dit donc : « Tenez, j’ai un texte vraiment excellent, faites-en donc une édition ». Et elle, en publiant Lourdes, Lentes, se fait interdire aux trois interdictions. Uniquement parce que c’était une femme, ça c’était inacceptable qu’une femme puisse publier cela.

Gonzai : Et justement, comment aviez-vous découvert André Hardellet ?

Jean-Jacques Pauvert : Il se trouve que j’avais lu Le seuil du jardin, et la fameuse lettre de Breton, où il en dit beaucoup de bien – d’ailleurs il faudrait parler de Breton…Donc je trouve ça épatant, je rencontre Hardellet très facilement. Il était très désabusé, il a été désabusé pratiquement jusqu’à la fin.

« Les éditeurs n’ont absolument besoin d’être des gens très cultivés, ils ont surtout besoin d’être de bon commerçants et d’avoir du flair. »

Cela dit moi je suis de l’avis de Julien Gracq, les deux livres les plus étonnants d’Hardellet que j’ai publiés, c’était Les Chasseurs et Les Chasseurs II. Ce qui a frappé Gracq, c’est que ce sont des livres qu’on ne peut pas refaire, si vous voulez les publier en poche ou sous une autre présentation, ça n’est plus ça. Et il faut dire qu’on s’était donné un mal de chien pour trouver les illustrations notamment. Alors ça, ça fait partie des réussites dans l’édition, mais ce sont des réussites très fugitives. Mais – petite parenthèse – l’édition n’est pas le métier qu’on croit. On se raconte des trucs, le public raconte des trucs sur l’édition. Je pense notamment à un texte de Zola sur l’édition qui est parfaitement actuel et définitif. Il dit qu’en somme les éditeurs n’ont absolument besoin d’être des gens très cultivés, ils ont surtout besoin d’être de bon commerçants et d’avoir du flair.

Gonzai : Mais vous vous reconnaissez dans cette définition, vous ? Un bon commerçant avec du flair ?

{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}http://gonzai.com/wp-content/uploads/EXP-JEAN-JACQUESPAUVERT.jpg{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}Jean-Jacques Pauvert : Je crois avoir été un bon commerçant, oui. Quelques fois avec un peu d’avance évidemment. Lorsque je publie Histoire d’O en 54, j’étais persuadé que ce serait un choc ahurissant, que j’allais en faire 100 000, 200 000, un million même, que sais-je. Là-dessus, je le tire à 5000 assez prudemment, et heureusement car les ennuis commencent dix-huit mois après avec le prix des Deux Magots parce que jusque là personne ne s’était aperçu qu’il était sorti un livre qui s’appelait Histoire d’O. Il fallait attendre. J’ai attendu 20 ans.

Pour le flair, ce que je sais c’est qu’au bout d’un certain nombre d’années, à force il y avait des articles : « Encore une découverte chez Jean-Jacques Pauvert ». Prenez Le voleur de Darien par exemple. Ce livre m’a lié définitivement avec Breton par exemple. Lorsque je l’ai publié, il a écrit un article magnifique dans Arts. Il avait écrit : « Comment se fait il que malgré la caution de Jarry, nous soyons passés à côté de ce chef d’œuvre. ».

Gonzai : La consécration quoi !

Jean-Jacques Pauvert : Oh la consécration, ça a fait 2000, 3000 exemplaires à tout casser…Mais Le Voleur, c’était un livre rare, que j’ai cherché pendant des années.

Gonzai : Et comment en êtes-vous venus à publier les Mémoires d’un fasciste de Rebatet dans les années 70, il était tout de même un peu en disgrâce, ça n’a pas été trop difficile ?

Jean-Jacques Pauvert : Oh il était plus qu’en disgrâce! Si on le sortait maintenant…

Gonzai : …on aurait un procès ! Gallimard ne réimprime Les deux étendards que sous la contrainte.

Jean-Jacques Pauvert : Rebatet, ce n’était vraiment pas quelqu’un de sympathique, il faut dire, il était vraiment aigri. Et je crois qu’il a toujours été ainsi, violent, très combatif, même du temps de Je suis Partout. Il faut se rappeler tout de même que sous l’Occupation, son succès était immense. Je me souviens d’une signature de Rebatet pendant la guerre, il y avait une queue incroyable sur tout le boulevard Saint Michel. Toujours est-il que j’ai toujours trouvé que Rebatet était un bon écrivain malgré tout. Et lorsque Madame Rebatet vient me voir dans les années 70 en me proposant l’édition en deux volumes, avec le premier inédit, je me dis : allons-y. Mais c’était risqué, je me disais : si j’en vends 500 ou 1000, c’est un échec. Mais si j’en vends 100 000 ou 200 000 , mon dieu, ce sera le signe de quoi ? Ce sera presque pire. Toujours est-il qu’on en a vendu 20 00 exemplaire, pile ce qu’il fallait.

Gonzai : 20 000 exemplaires, mais c’est énorme !

Jean-Jacques Pauvert : Non, pas pour moi. Avec en plus une bonne presse, il n’y a pas eu d’injures.

Gonzai : Aujourd’hui ce serait impossible de le rééditer, on déclencherait un scandale…

Jean-Jacques Pauvert : Ne me tentez pas !

« Un texte comme Les 120 journées de Sodome, très peu de personnes le lisent vraiment, encore aujourd’hui. Il faut dire que c’est un texte insoutenable, à faire dresser les cheveux sur la tête. »

{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}jjpauvert{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}Gonzai : Bon ce ne sera pas dans l’ordre chronologique, vous l’aurez noté. Sur le Marquis de Sade, je voudrais juste vous poser une question sur les différents rebondissements. Quelque chose m’a étonné en lisant vos mémoires : à un moment ces textes étaient introuvables et pourtant jouissaient chez certains écrivains d’un crédit considérable, tout le monde les citait.

Jean-Jacques Pauvert : Ah mais exactement, on arrivait chez Paulhan, à ses mercredi et la plupart du temps il était question de Sade, on en parlait neuf fois sur dix. C’était : « Sade, Sade, Sade, quel grand philosophe ». Puis un beau jour, je dis : « Mais qu’est ce qu’on attend pour l’éditer, dans ce cas ? ». Il se trouve que grâce à ma pratique de la librairie, j’avais réussi à me les procurer, et je les avais lus. Et là tout le monde me répond : « Mais vous êtes fou, vous n’y pensez pas ! ». Mais vous savez, un texte comme Les 120 journées de Sodome, très peu de personnes le lisent vraiment, encore aujourd’hui. Il faut dire que c’est un texte insoutenable, à faire dresser les cheveux sur la tête. Pour le rééditer, je me souviens que je le lisais à haute voix avec ma femme, il fallait reprendre l’édition de 1929, et en moderniser l’orthographe, eh bien par moments, c’était insupportable, il fallait qu’on arrête. Mais tout le monde préfère oublier cela et évacue le problème de ce texte, en disant : « Cela n’a pas d’importance ». Mais si ça en a ! Ca en a ! Je pense en tous cas, que c’est un texte qui n’aurait pu exister dans aucune autre langue que le français, parce qu’il n’y a pas de littérature érotique dans les autres langues, à part l’Italie. Parce que dans les autres langues, en anglais notamment, il n’y a pas de vocabulaire. Ils ont tout un vocabulaire obscène mais c’est argotique, ce n’est pas de la langue courante. Quand ils voulaient parler de choses érotiques, ils employaient le français.

Gonzai : On voulait vous parler de Georges Bataille aussi. Vous l’avez bien connu ? Comment l’avez-vous rencontré ? Aujourd’hui c’est un peu dur d’expliquer le choc que peuvent être Le bleu du ciel ou Histoire de l’œil, car la transgression est un concept qu’on a un peu de mal à faire passer…

Jean-Jacques Pauvert : Ces textes ont  longtemps été clandestins. D’ailleurs c’est ainsi que je les publiais au départ, j’avais ainsi fait une édition d’Histoire de l’œil, et je tenais une petite librairie rue des Ciseaux. Nous sommes en 1953, là je vois rentrer un Monsieur, que je reconnais immédiatement, c’était Georges Bataille très urbain, très poli. Il me dit : « Voilà je viens vous voir, parce que vous avez publié une édition d’Histoire de l’œil dont je suis l’auteur ». Je lui réponds : « Oui, bien sûr, je veux bien que vous me réclamiez des droits, mais il faudrait d’abord signer ce livre !». Nous avons discuté très aimablement et nous avons lié connaissance ainsi. A l’époque c’était un auteur refusé par absolument tout le monde, sauf Lindon, et encore il ne publiait pas tout. Le plus merveilleux c’était les dîners avec Bataille et Klossowski. Tout d’un coup ils s’échauffaient un peu et se mettaient à parler latin, on les écoutait, ça nous passait nettement au dessus de la tête. Quant à Klossowski c’était un type extraordinaire. Je suis vraiment très heureux d’avoir publié Le bain de Diane , son plus beau livre.

Gonzai : Sur la question de la ligne éditoriale, est-ce que pour vous cela veut dire quelque chose ?

Jean-Jacques Pauvert : Non je n’avais pas de ligne, mais un seul principe : ne pas sortir deux livres de suite sous la même couverture, ce qui était totalement nouveau à l’époque.

Gonzai : Ce qui vous a permis d’oser des choses.

Jean-Jacques Pauvert : Oui, Le bain de Diane, ou les Mémoires d’un fasciste de Rebatet, par exemple…

{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}558481-1286-m13-pauvert-bertini-3{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}{C}

Gonzai : Et avec les libraires, cela se passait comment ?

Jean-Jacques Pauvert : Oh, le niveau des libraires est bien meilleur aujourd’hui qu’autrefois ! Dans les années 50-60, c’était effrayant. Il y avait beaucoup de vieux libraires qui attendaient le client derrière leur comptoir prêts à le mettre à la porte. Ils ont disparu heureusement. Maintenant il y a plein de libraires tout à fait passionnants qui s’intéressent vraiment au livre, surtout des femmes d’ailleurs. J’en ai rencontré beaucoup parce que quand j’ai publié mes mémoires j’ai fait énormément de signatures, dans toute la France. Mais elles ont leur idée ! Elles ont leur niveau ! Je ne vais pas leur parler de Roussel par exemple !

Je fais une digression, mais Roussel par exemple, c’est une histoire ahurissante. Imaginez que dans le milieu des années 80, on retrouve tout le stock de Roussel, au garde-meuble ! Le dépôt était arrivé au bout des cinquante ans, plus personne ne payait, ils s’apprêtaient donc à le saisir, et là l’employé du garde-meuble découvre tout un tas de manuscrits extrêmement bien reliés : tout le fond Roussel que tout le monde croyait détruit ! Toujours est-il qu’ils m’ont contacté, et aussitôt j’en parle à Antoine Gallimard. Eh bien, ça a traîné, il a hésité, et finalement il ne faisait rien. Du coup je finis par me lasser et je parle de l’affaire à Fayard. Ils me demandent : « Combien ça rapporte ». je leur ai répondu : « Absolument rien, mais il faut le faire sur la gloire ». Eh bien cela s’est conclu en cinq minutes. Eh bien ça c’est un bon éditeur.

Gonzai : Est ce qu’il y a des livres que vous regrettez de ne pas avoir fait ?

Jean-Jacques Pauvert : Ah oui ! Il y en a un que j’ai commencé sur le tard, c’était des œuvres complètes de Saint-Simon. Assez dément hein ?

Gonzai : Vous avez tous vos livres dans cette maison ?

Jean-Jacques Pauvert : Non. J’en ai un certain nombre dans une bibliothèque que je vous montrerai, n’oubliez pas de me le rappeler. En ce moment je suis en train de chercher un ou deux Boris Vian. Vian va sortir dans La Pléiade, et j’ai accepté de faire la préface.Ca m’intéresse beaucoup de faire ça, d’abord parce que je l’ai édité, mais aussi à cause de la personne de Vian, que finalement j’ai peu connu, mais sa mort m’a beaucoup touché – ce sont des choses qui arrivent. C’était quelqu’un avec qui on ne serait pas entendu sur tout, mais c’était 

Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur

L’éditeur Jean-Jacques Pauvert est mort samedi à l’âge de 88 ans. Il fut le premier, en 1947, à oser publier intégralement Sade, mettant à l’époque son nom et son adresse sur les couvertures des livres. Il avait tout juste 21 ans, et débutait une carrière qui sera tumultueuse. Pauvert publiera aussi le roman érotique «Histoire d’O».

Le Tripode, la maison d’édition de «Sade vivant» de Pauvert, réédité l’an dernier, rend hommage ce dimanche à ce «grand éditeur». «Se moquant de la censure et des manuels de savoir-vivre, il a révolutionné le monde de l’édition par la force de ses choix, sa fidélité aux textes qu’il aimait et la beauté graphique de ses livres», écrit Le Tripode, qui  publie dans son communiqué un texte de Jean-Jacques Pauvert datant de 1947.

«A 20 ans, Jean-Jacques Pauvert écrivait un bref manifeste sur ce qu’il voulait vivre. Il y ajouta quelques mois après des commentaires ironiques sur la naïveté de la jeunesse et publia le tout sous forme de plaquette. Nous reproduisons l’essentiel de ces deux textes ci-dessous, en témoignant qu’il y aura été fidèle jusqu’au bout.»

«Ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers»

Voilà ce qui s’est passé. On s’était battu pour la liberté d’expression, et puis quand on l’a eue, on n’en a pas profité. Ce n’est pas grave. C’est un oubli. Certains prétendaient qu’on avait seulement oublié de penser. C’est impossible. Des tonnes d’imprimés inondent chaque mois, chaque semaine, le monde des lettres. S’il n’y avait pas un gramme de pensée là-dedans, ça se saurait. Ce n’est pas le cas. Ces gens-là sont plein d’intelligence. Ils en débordent. Le monde des lettres étouffe sous l’intelligence. Il est aux mains des professeurs. L’époque est venue où, loin de contredire la sottise, il s’agit de contredire l’intelligence. C’est Jean Cocteau qui le dit. Et c’est exact. Les professeurs ont beaucoup d’idées. Mais la littérature se fait avec des mots. C’est pourquoi, malgré les apparences, il est si rarement question de littérature, maintenant, dans le monde des lettres françaises. Il y a là une lacune. Si je dis qu’il y a une lacune, évidemment je pense que nous allons la combler. Et réparer l’oubli dont je parlais. Car on s’occupe mal de l’art quand on n’a pas l’esprit libre.

Ne croyez pas que la liberté d’esprit suppose l’indifférence. Nous avons des convictions. Une en tout cas. Nous pensons qu’il n’est pas nécessaire d’être «engagé» pour s’occuper d’art. Entendons-nous bien. Nous ne voulons pas dire que l’artiste ne doit pas être engagé. Nous disons que son engagement nous est bien égal et qu’il n’entrera pas en ligne de compte quand nous jugerons l’œuvre. Bien sûr, la politique est importante. Mais nous nous occupons d’art. Ça n’a aucun rapport, évidemment.

(...)

Nous n’avons pas envie de nous engager. Nous n’avons pas l’esprit de sacrifice. Nous n’avons pas le sentiment du devoir. Nous n’avons pas le respect des cadavres. Nous voulons vivre. Est-ce si difficile ? Le monde sera bientôt aux mains des polices secrètes et des directeurs de conscience. Tout sera engagé. Tout servira. Mais nous ? Nous ne voulons servir à rien. Nous ne voulons pas que l’on nous utilise. Une pluie de cendres enfouit lentement la terre sous l’ennui et la contrainte. Les hommes, un à un, rejoignent leur affectation dans les troupeaux .Nous, nous sommes les innocents du village. Nous jouons avec les filles, le soleil ou la littérature. Avec notre vie aussi, à l’occasion. Nous en ferons n’importe quoi plutôt que de la porter aux grandes machines à tout utiliser. Il est dangereux d’enlever leur part de soleil aux innocents.

Vous avez cru que les hommes n’étaient plus bons qu’à choisir leur côté de la barricade et encore. Vous avez cru que tout était en place et qu’on pouvait commencer. Cherchez bien. Ne sentez-vous pas qu’il y a encore des êtres dont le bonheur n’est pas dans la servitude. Pour qui la poésie n’est pas encore une arme. Pour qui le merveilleux n’a pas quitté la terre. Les jours de notre vie, nous les sentons qui passent. Heure par heure. Pour toujours. Les jours de notre vie ne vous serviront pas. Avez-vous cru vraiment que tout était réglé ? Avez-vous cru vraiment pouvoir compte sur tout ?

Cette vie menacée, cette vie sans issue, nous sommes encore quelques-uns à en sentir le prix. La vie est trop précieuse pour être utilisée.

Je m’excuse. Je m’égarais. Mais il n’est jamais inutile de dire ce qu’on pense. Et ne croyez pas, à ce sujet, que je vienne de définir la tendance d’une équipe J’ai choqué profondément plusieurs de mes camarades. Ils vous le diront quelques pages plus loin. Si j’ai une conviction, ce n’est pas pour l’imposer. À l’heure où les deux camps battent le rassemblement derrière leurs murailles, j’ai voulu accueillir les esprits déserteurs. J’ai voulu accueillir les esprits libérés. Existe-t-il encore des journaux sans consignes ? Peut-on trouver encore des artistes sans haine, ou sans soumission ? Des créateurs solitaires, des poètes sans parti ? Il fallait bien leur donner refuge quelque part.

Ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers.

(...)

Moi, dans vingt ans, j’en aurai quarante. J’aime bien aller jusqu’au bout de ce que je pense. ça m’a amené à avoir des principes. Bien sûr, Dieu n’existe pas. Évidemment, rien n’a de raison d’être. Alors il faut bien que je prenne tout ça en main. Je choisis de vivre. Je m’appelle Jean-Jacques Pauvert. Je vais construire ma vie sur mes idées. Sur le goût de l’élégance, de la civilité, de l’art. Sur le respect de la parole donnée. Sur le mépris de choses trop nombreuses pour que je les dise. Et je fais imprimer ceci pour que, quand j’aurai quarante ans, si je n’ai pas tenu, il y ait autour de moi pour se marrer beaucoup de petits camarades qui ne me vaudront pas.

Achevé d’imprimer en février 1947 sur les presses de l’imprimerie Van Daele à Paris.

LIBERATION Maison d'édition
 
Jean-Jacques Pauvert, mort d'un franc tireur de l'édition
 
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
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Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur

Jean-Jacques Pauvert, qui fut le premier à oser publier intégralement Sade et Histoire d'O, est décédé à l'âge de 88 ans.

 

 

afp.com/Loic Venance

 

Il fut le premier à oser publier intégralement le marquis de Sade, fut l'éditeur d'Histoire d'O:

Jean-Jacques Pauvert est mort samedi, à 88 ans. 

Jean-Jacques Pauvert avait été victime d'un AVC, le troisième, en août dernier. 

Il s'est éteint dans un hôpital de Toulon. C'est Camille Deforges qui a annoncé la nouvelle. Sa mère, l'écrivaine et éditrice, elle aussi sulfureuse, Régine Deforges, est décédée en avril dernier

"Mon père était un très grand éditeur, un défenseur des libertés contre toute forme de censure. Comme ma mère, ils étaient des êtres libres", s'est-elle émue. 

La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a elle aussi rendu hommage à un "audacieux défenseur de la liberté, se défiant de toute censure". 

A 21 ans, pour la première fois dans l'histoire de l'édition, Jean-Jacques Pauvert avait publié intégralement le marquis de Sade, mettant son nom et son adresse sur les couvertures des livres, ce qui l'entraînera dans un procès de sept ans. Le début d'une carrière tumultueuse. 

Il est également connu pour avoir édité en 1954 l'iconique Histoire d'O, de Pauline Réage, la mystérieuse. On sait aujourd'hui que ce roman est l'oeuvre de Dominique Aury, qui fut secrétaire générale de la Nouvelle Revue française (NRF). 

Jean-Jacques Pauvert avait raconté ses nombreux faits d'armes éditoriaux dans ses Mémoires, dont le premier tome La traversée du livre, fut publié il y a 10 ans. Le second tome, en projet, est encore inédit. 

Son histoire est d'abord celle d'une précocité. Né en 1926, ce cancre entre en 1942 chez Gallimard, comme apprenti-vendeur.  

Engagé dans la Résistance, il fait, à 16 ans, de la prison en Allemagne. A 19 ans, il édite son premier livre, un texte de Jean-Paul Sartre. "Je crois que j'ai été le plus jeune éditeur de France", se félicitera-t-il. Puis, c'est l'aventure de Sade, sur lequel il écrira, longtemps après, plusieurs ouvrages. 

A la fin des années 60, il est patron d'une importante maison, puis d'une deuxième, puis d'une librairie qui vend par correspondance dans le monde entier. 

Jean-Jacques Pauvert a accumulé les procès

"JJP", moustache et lunettes, a notamment relancé la carrière d'un auteur qu'on ne lisait guère, Boris Vian, a ressuscité Raymond Roussel, édité Malraux, Aymé, Gide, Queneau, puis André Hardellet ou Albertine Sarrazin. Il a été le dernier éditeur d'André Breton et a sorti Georges Bataille de la clandestinité. 

Parallèlement, il a lancé de surprenantes maquettes de livres et une nouvelle édition du Littré. 

Privé de ses droits civiques, il a accumulé les procès contre "les lois absurdes qui, depuis 1945, font l'armature de la censure française". Un tiers du chapitre consacré à la censure dans l'ouvrage de référence, L'édition française depuis 1945, se rapporte à Jean-Jacques Pauvert. 

"Moi quand j'avais un procès ça me rendait plutôt combatif", s'amusait-il. 

Il a raconté dans ses mémoires le "silence assourdissant" qui a accueilli à sa sortie Histoire d'O. La première année est, pour la carrière du livre, une "catastrophe". Seuls les juges s'y intéressent. Albert Camus lui répète que "jamais une femme ne pourrait imaginer des choses pareilles!".  

Il avait récupéré le manuscrit auprès d'un autre éditeur contre un chèque sans provisions de 100 000 francs. 

"Je crois avoir été un bon commerçant, oui. Quelques fois avec un peu d'avance évidemment", se jugeait-il. 

Avec

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/jean-jacques-pauvert-mort-d-un-editeur-sulfureux_1579887.html#xIvBi7WH0g7S8m6J.99

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PAUVERT (Jean-Jacques), La Traversée du livre, [s.l.], Viviane Hamy, 2004, 478 p. + XXXII p. de pl.

 

Où l’on poursuit les lectures « éditoriales », avec ce qui constituera sans doute ma dernière fiche de lecture, après La Sagesse de l’éditeur de Hubert Nyssen et Une histoire de la lecture d’Alberto Manguel (je vais être trop court pour le Gaston Gallimard. Un demi-siècle d’édition française de Pierre Assouline, ce qui ne m’empêchera pas d’en faire une lecture prioritaire). Cette fois, je m’attaque donc à La Traversée du livre de Jean-Jacques Pauvert, premier tome des mémoires de l’éditeur franc-tireur, couvrant une période allant en gros de son enfance à mai 68 (sa bibliographie en tête de volume indique bien un Mémoires II : 1968-2004, mais je n’en ai pas trouvé de trace ailleurs ; ou, plus exactement, d'après Wikipedouille, en juillet 2009, il était toujours en cours de rédaction, alors, bon…?).

 

Pourquoi Pauvert, me direz-vous ? Essentiellement parce que Sade. Voilà. Je ne connaissais l’éditeur que de réputation, mais je savais qu’il s’était fait un nom et une réputation en publiant l’impubliable, et notamment les œuvres complètes du Divin Marquis. Or le Donatien Alphonse François fait partie des écrivains qui ont compté pour moi, et la problématique de la censure, et plus largement des frictions entre la morale et le droit, m’a toujours très fortement intéressé. C’est très largement pour cette raison que je me suis intéressé à La Traversée du livre : je voulais en savoir plus sur le sulfureux éditeur, et sur ses autres sulfureuses éditions.

 

Le moins que l’on puisse dire est que je n’ai pas été déçu du voyage. Et que j’ai découvert dans ces passionnantes mémoires un portrait fascinant, souvent drôle, parfois attachant, parfois un brin agaçant aussi, assez souvent féroce également, d’un éditeur « malgré lui », mais d’un éditeur modèle. Du moins sur un versant utopique, dirons-nous ; puisqu’il s’agit clairement là d’un éditeur qui n’a jamais fait de concessions, et qui n’a publié que ce qu’il aimait, mais tout ce qu’il aimait, contre vents et marées.

 

« Ainsi, Monsieur, vous voulez donc travailler dans le livre… » Le Monsieur en question, c’est Jean-Jacques Pauvert, élève médiocre, à peine âgé de quinze ans. L’interlocuteur s’appelle Gaston Gallimard. Nous sommes en 1941, et le petit Jean-Jacques va trouver du travail à la librairie Gallimard. Premier contact avec le monde du livre, et bientôt avec les auteurs de la NRF. C’est l’Occupation. Le jeune homme, presque naïvement, fait de temps à autre le commis pour la Résistance. En essayant de passer en zone « libre », il est arrêté par les Allemands et fait un peu de prison. Il participe à peine à la Libération – à Toulouse, tiens.

 

Puis il reprend ses activités de libraire, mais plus ou moins à son compte. Il est assez connaisseur en matière de livres rares. Puis il est pris de l’envie de fonder une revue – Le Palimugre – et d’éditer quelques petits ouvrages, comme par exemple une Explication de L’Étranger de Camus par Sartre. Il édite aussi des lettres inédites de Flaubert… qui font jaser. C’est que le Gustave y parle crûment, pas comme dans la correspondance « amendée » (!) que l’on publiait jusqu’alors !

 

En attendant, Pauvert continue de se lier avec des auteurs – Jean Genet, notamment –, et germe en lui un projet ambitieux : éditer les œuvres complètes du marquis de Sade. Officiellement, et pas sous le manteau. Au début, on lui recommande d’y aller doucement : l’Idée sur les romans, préface aux Crimes de l’amour, par exemple, ça va, ça. Mais lui entend aller plus loin. Et c’est ce qu’il fait, en commençant par l’Histoire de Juliette. Ce qui ne tarde pas à lui valoir des ennuis avec la Mondaine, et une réputation de pornographe. Les livres se vendent mal, d’ailleurs, et à des clients pas toujours très au fait de ce que sont au juste les œuvres de Sade… Mais Pauvert persévère. Suivront La Nouvelle Justine, La Philosophie dans le boudoir et, bien sûr, Les 120 Journées de Sodome : bref, tous les écrits « ésotériques » de Sade, ses textes « pornographiques » à proprement parler. Ce qui débouchera sur « l’Affaire Sade », un procès retentissant, qui devient celui de la censure contre la liberté d’expression et d’impression, procès que perd Pauvert en première instance, mais qui devient une semi-victoire en appel (Pauvert bénéficiant du sursis, il poursuit l’impression… sans plus craindre ni amende ni destruction !).

 

Il faut dire que la réputation de Pauvert ne s’était pas arrangée, entre-temps, du fait d’une autre publication, contemporaine cette fois – et je passe outre certains textes de Bataille, de Genet ou d’Aragon assez salés… –, passée d’abord assez inaperçue, mais qui a fini par rencontrer un grand écho et par faire sacrément jaser, une fois de plus : Histoire d’O de Pauline Réage (de son vrai nom Dominique Aury, une amie de Pauvert) ; là aussi, on n’est pas passé loin du procès (la Commission du livre voulait poursuivre), même si on s’est finalement contenté des trois interdictions (vente aux mineurs, affichage, publicité). Un livre qui traîne depuis bien trop longtemps dans mon étagère de chevet, d’ailleurs ; je l’avance illico.

 

Mais Pauvert, ce n’est pas que « cette littérature-là », même si l’érotisme a toujours eu une certaine importance dans son catalogue. C’est aussi, par exemple, Le Voleur de Georges Darien, dont on m’a dit le plus grand bien (faudrait que j’arrive à mettre la main dessus…) ; la réédition du Littré ; les Œuvres poétiques complètes de Victor Hugo en un volume (!) ; de belles éditions des Liaisons dangereuses ou de L’Ève future, des manifestes surréalistes et dada, des romans de Boris Vian, d’Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, et de La Chasse au Snark du même, de Melmoth de Mathurin ; L’Histoire de l’art d’Élie Faure ; et aussi bien des traités d’alchimie que des pamphlets libéraux ou libertaires (sous des couvertures révolutionnaires), ou encore les dessins de Siné, de Wolinski, de Gébé, de Chaval, etc. (L’Enragé de mai 68 inclus).

 

Et Jean-Jacques Pauvert de raconter toute cette aventure éditoriale de sa plume incisive et mordante, avec un franc-parler qui n’épargne rien ni personne, pas même lui, d’ailleurs ; il ne gomme rien de son passé, quand bien même on peut sentir à l’occasion une certaine gêne, malgré tout (ainsi quand il évoque sa liaison, de toute façon connue, avec Régine Deforges).

 

Le résultat est un ouvrage passionnant de bout en bout, riche en passages savoureux et portraits croustillants, en anecdotes étonnantes et en réflexions pertinentes. On a pu dire de Jean-Jacques Pauvert qu’il avait « inventé les années 1960 ». C’est sans doute aller un peu loin… Mais on peut sans l’ombre d’un doute lui reconnaître un talent de visionnaire, un certain génie, même, qui en fait un des très grands éditeurs français du siècle. Certes, on est bien loin, avec lui, des tirages énormes des plus grandes maisons d’édition, ou des avalanches de prix littéraires des éditeurs les plus prestigieux ; mais rarement aura-t-on vu un éditeur aussi ancré dans son temps, et aussi lucide sur son époque et sur son milieu. D’où une infinité de polémiques, mais dont il est toujours sorti la tête haute…

 

 Aussi cet hypothétique deuxième tome de ses mémoires m’intrigue-t-il ; j’ai l’impression qu’il n’est toujours qu’à l’état de projet, et peut-être ne verra-t-il jamais le jour ; mais j’espère me tromper. Et, dans ce cas, j’ai hâte de le lire. Parce que je suis sûr d’une chose : c’est que cet homme-là a encore beaucoup de choses à dire.

Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur
Jean-Jacques Pauvert, le franc-tireur

FRANZ KAFKA

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Franz Kafka

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Franz Kafka en 1917.

 
Activités Romancier, nouvelliste
Naissance 3 juillet 1883
Prague, Autriche-Hongrie
Décès 3 juin 1924 (à 40 ans)
Kierling, à côté de Vienne, Autriche
Langue d'écriture Allemand
Mouvement Réalisme, existentialisme
Genres Roman, nouvelle

Œuvres principales

Signature

Signature de Franz Kafka

Franz Kafka est un écrivain pragois de langue allemande et de religion juive, né le 3 juillet 1883 à Prague et mort le 3 juin 1924 à Kierling. Il est considéré comme l'un des écrivains majeurs du XXe siècle3.

Surtout connu pour ses romans Le Procès (Der Prozeß) et Le Château (Das Schloß) ainsi que pour la nouvelle La Métamorphose (Die Verwandlung), Franz Kafka laisse cependant une œuvre plus vaste, caractérisée par une atmosphère cauchemardesque, sinistre, où la bureaucratie et la société impersonnelle ont de plus en plus de prise sur l'individu. Hendrik Marsman décrit cette atmosphère comme une « objectivité extrêmement étrange… ».

L'œuvre de Kafka est vue comme symbole de l'homme déraciné des temps modernes. D'aucuns pensent cependant que l'œuvre de Kafka est uniquement une tentative, dans un combat apparent avec les « forces supérieures », de rendre l'initiative à l'individu, qui fait ses choix lui-même et en est responsable.

FRANZ KAFKA
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Biographie

Famille et jeunesse

Franz Kafka est né à Prague, alors capitale de la Bohême, qui faisait partie de l'empire austro-hongrois. Son grand-père, Jacob Kafka, venait d'une ville de province tchèque, Osek, et installa à Prague un petit commerce. Il est le fils de Hermann Kafka (1852-1931) et de Julie Kafka, née Löwy (1856-1934), issue d'une riche famille de Poděbrady. Il avait deux frères, Georg et Heinrich, morts en bas âge, en 1885 et 1887, et trois sœurs plus jeunes : Gabrielle (Elli) (1889-1941), Valérie (Valli) (1890-1942) et Ottilie (Ottla) (1892-1943), qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, furent déportées au ghetto de Łódź et y moururent. Kafka a eu une enfance solitaire. Sa langue maternelle était l'allemand comme pour près de 10 % de la population de Prague à l'époque.

 

Les Kafka étaient juifs. Kafka lui-même et ses biographes décrivent son père, qui eut des relations difficiles avec son fils, comme dominant et prétentieux. Bien qu'il n'ait pas eu un rapport intense avec sa mère, il s'identifia fortement avec la famille de celle-ci, réputée intellectuelle et spirituelle, contrairement à celle de son père (son grand-père avait fondé une « grande surface »).

 

Entre 1889 et 1893, il suivit l'école primaire au Fleischmarkt (« Marché aux viandes », maintenant sur la rue Masná) à Prague. Son éducation juive se limita à la célébration de sa Bar Mitsva à l'âge de treize ans et à sa participation quatre fois par an aux services de la synagogue.

 

Après l'enseignement primaire, il fut admis au collège d'État à Prague, le Altstädter Deutsches Gymnasium germanophone. Il finit son éducation en 1901. Très tôt, il s'intéresse à la littérature (ses premiers écrits ont disparu, sans doute détruits par Kafka lui-même) et aux idées socialistes. Ses amis sont alors Rudolf Illowy, Hugo Bergmann, Ewald Felix Pribram, ou encore Oskar Pollak. Il passe ses vacances à la campagne, chez son oncle Siegfried, un médecin de Triesch.

Carrière

Après son baccalauréat (1901), Kafka voyage à Norderney et Helgoland. En automne, il commence ses études à l'université Charles de Prague. Après deux semaines de cours en chimie, Kafka décide d'étudier le droit. Il suit cependant aussi des cours de germanistique et d'histoire de l'art. Il voyage un peu. Il se joint au Lese- und Redehalle der Deutschen Studenten, une association étudiante qui, parmi d'autres choses, organise des événements et des présentations littéraires.

En 1902, il fait la connaissance du poète Max Brod, qui sera son ami le plus influent et publiera la plus grande partie de son œuvre après sa mort. En 1906, il est reçu docteur en droit chez le professeur Alfred Weber et fait un stage d'un an, comme service civil, au tribunal de Prague. En 1909, il publie ses premiers essais de prose dans le magazine munichois Hyperion.

Le 1er novembre 1907, il entre au service de Assicurazioni Generali, une compagnie d'assurance commerciale italienne. Après n'y avoir travaillé que neuf mois, il en démissionna le 15 juillet 1908, d'après ses dires, parce que les longues heures de travail l'empêchaient par trop d'exercer sa grande passion : l'écriture. Deux semaines plus tard, il entra au service de l’Arbeiter-Unfall-Versicherungs-Anstalt für das Königreich Böhmen (Institution d'assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême), où il travailla jusqu'à sa retraite prématurée en 1922. Bien qu'il qualifiât péjorativement son travail de « gagne-pain », ses prestations étaient évaluées très positivement par son employeur, ainsi qu'en témoignent ses promotions dans sa carrière. Il avait pour tâche la limitation des risques de sécurité encourus par les ouvriers qui devaient travailler sur des machines souvent encore dangereuses à l'époque ; c'est dans ce but qu'il se rendait dans beaucoup d'usines et qu'il écrivit des manuels d'information. Il était, de plus, responsable de la classification des usines dans des groupes de risques. Le fait qu'il devait aussi contester des demandes d'indemnisation lui donna parfois mauvaise conscience, mais l'entreprise lui laissait souvent la possibilité d'être large pour les victimes, qui avaient parfois subi des blessures permanentes.

 

À côté de son travail pour la société d'assurance, Kafka continuait d'écrire, et il suivait pour ce faire un programme journalier particulier : le matin, il travaillait au bureau; à midi, il allait dormir quelques heures ; ensuite, il allait se promener, manger avec des amis ou la famille, pour se mettre à écrire le soir, une activité qu'il continuait jusque tard dans la nuit. C'est pendant l'une de ces nuits que, « comme ivre », il mit sur le papier le récit Das Urteil (Le Verdict).

 

FRANZ KAFKA
FRANZ KAFKA
FRANZ KAFKA
FRANZ KAFKA
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FRANZ KAFKA

Relations

Ses amis intimes étaient Max Brod, le philosophe Felix Weltsch, le sioniste Hugo Bergman (de) et le pianiste Oskar Baum.

Kafka entretenait des relations problématiques avec les femmes. En 1912, dans la maison de Max Brod, il rencontre la Berlinoise Felice Bauer (de), représentante d'une firme de commercialisation de dictaphones. Dans les cinq années qui suivirent, une correspondance intense se développa entre Kafka et Felice. Ils se rencontrèrent de temps à autre, ce qui aboutit deux fois à des fiançailles. Du côté de Kafka, il s'agissait surtout d'un amour platonique, qu'il entretenait principalement par ses lettres. Petit à petit, il se rendit compte à quel point une vie maritale traditionnelle serait impossible avec Felice, beaucoup plus terre à terre, surtout avec sa tendance à s'enfermer dans son bureau : cela conduisit à la fin de leur relation en 1917.

En 1919, Kafka se fiança avec Julie Wohryzeck, une secrétaire de Prague, mais son père s'opposa fortement à cette relation. Elle se termina encore la même année – d'après ce que l'on en sait, à l'initiative de Julie –, mais le conflit fit que Kafka adopta une position encore plus antagonique à l'égard de son père, qui aurait bien vu son fils comme successeur dans son entreprise commerciale.

Au début des années 1920, une relation de courte durée, mais très intense, se développa entre Kafka et la journaliste et écrivaine anarchiste tchèque Milena Jesenská. De toutes les femmes de sa vie – il y eut encore diverses liaisons –, Milena a peut-être le mieux compris un écrivain aussi hypersensible, et, au moins lors de leurs rares rencontres, elle put l'aider à surmonter ses craintes. Mais finalement il se sentit mal à l'aise avec cette artiste flamboyante.

En 1923, il partit pour quelque temps à Berlin, espérant pouvoir mieux se concentrer sur l'écriture, loin de l'ingérence de la famille. C'est à cette époque qu'il rencontra Dora Diamant, une institutrice maternelle de 25 ans, originaire d'une famille orthodoxe juive polonaise. Dora devint la compagne de Kafka à Berlin et exerça une influence sur son intérêt croissant pour le Talmud. C'est auprès d'elle qu'il goûta finalement un peu de bonheur conjugal, alors qu'il ne le croyait plus possible. Ensemble, ils envisagèrent d'émigrer en Palestine. Sioniste convaincu aussi, il avait vu la haine grandir contre Allemands et juifs (« Juifs et Allemands sont des exclus »). C'est à cette époque que Kafka « se fait le défenseur d'un humanisme libéral ».

Santé

 
La tombe de Franz Kafka, à Prague, au nouveau cimetière juif (Nový židovský hřbitov)

En 1917, il commence à cracher régulièrement du sang et on pose le diagnostic de tuberculose. Cela conduisit à une plainte de nature presque obsessionnelle dans ses lettres à Felice, et l'utilisation de sa maladie comme raison pour rompre ses fiançailles. Mais il voyait aussi son statut d'écrivain comme un handicap pour une vie de famille « normale », ce qui serait devenu un énorme problème avec une Felice moins intellectuelle et plus débordante de vie.

Kafka, qui montrait des signes d'hypocondrie, souffrait, ainsi qu'on le pense maintenant, de dépression clinique et de phobie sociale, mais présentait aussi des phénomènes vraisemblablement liés au stress : migraines, insomnies, constipations et furoncles. Il se méfiait de la médecine régulière et essayait de combattre ses plaintes avec des cures naturopathes, un régime végétarien et en buvant du lait non pasteurisé. Il utilisait ses vacances pour suivre des cures de repos dans des sanatoriums, pour lesquels son employeur lui octroyait souvent des congés exceptionnels. En 1922, l'écrivain devient préretraité, par suite de son état général de santé déficient. Il a 39 ans...

Bien que la situation personnelle de Kafka se soit fortement améliorée après son déménagement à Berlin, et qu'il écrivît à nouveau beaucoup, l'hiver caractérisé par l'inflation de 1923-1924 à Berlin fut à nouveau funeste pour sa santé déjà chancelante. Les biens de consommation essentiels se faisaient rares et il devait en faire venir de Prague; de plus le froid dans le logement mal chauffé n'était pas favorable à sa guérison. Lorsqu'en mars 1924, Brod vint lui rendre visite, son état s'était à ce point aggravé qu'il l'emmena avec lui à Prague; en avril, l'on diagnostiqua une tuberculose du larynx.

Il était clair que Kafka n'en avait plus pour longtemps : on ne disposait pas à cette époque de médicaments efficaces contre la tuberculose, si bien que Kafka s'alimentait de plus en plus difficilement – un état qui présentait des traits du personnage de Gregor dans La Métamorphose et du personnage principal de sa nouvelle Un artiste de la faim (Hungerkünstler). Dans les derniers mois, il fut soutenu par son médecin et ami Robert Klopstock, qui dirigeait de manière critique les soins médicaux de Kafka, mais le patient ne pouvait plus recevoir de l'aide que d'analgésiques.

Kafka fut admis au sanatorium de Kierling près de Vienne, où il mourut à l'âge de 40 ans le 3 juin 1924, vraisemblablement de malnutrition ainsi que de la tuberculose, Dora Diamant à ses côtés. Son corps fut ramené à Prague, où il fut enterré le 11 juin 1924 dans le nouveau cimetière juif du quartier de Žižkov (Prague-Strachnitz).

Le métier d’écrivain

Kafka considérait l'écriture comme une nécessité profondément intime, comme s'il s'agissait pour lui d'« une activité atroce », qui impliquait « une ouverture totale du corps et de l'âme ».

Selon une formule restée célèbre, Kafka, dans une lettre à son ami Oskar Pollak (en janvier 1904) explique : « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois. » Et quelques lignes plus haut il annonçait : « Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? »

Pour Kafka, on devait écrire comme si l'on se trouvait dans un tunnel sombre, sans savoir encore comment les personnages allaient se développer ultérieurement.

À propos de son œuvre

Kafka rédigea toutes ses œuvres en allemand, si ce n'est quelques lettres rédigées en tchèque qu'il adressa à sa maîtresse Milena Jesenská.

Durant sa vie, Kafka n'a publié que quelques courts récits, ainsi que les nouvelles La Métamorphose (Die Verwandlung) et Le Verdict, donc une toute petite partie de son œuvre. Certains des textes qu'il a publiés étaient un fragment d'une œuvre plus longue qui demeurera inachevée et inédite à sa mort comme Le Soutier, fragment de son premier roman L'Amérique, ou Devant la loi (Vor dem Gesetz), fragment de son second, Le Procès (Der Prozeß). Autre roman inachevé et demeuré inédit de son vivant, son troisième et dernier, Le Château (Das Schloß).

Avant sa mort, Kafka chargea par écrit son ami et exécuteur testamentaire Max Brod de détruire tous ses manuscrits.

« Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (c'est-à-dire, dans ma bibliothèque, dans mon armoire, dans mon secrétaire, à la maison et au bureau ou en quelque endroit que ce soit), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu, et aussi tous les écrits ou notes que tu possèdes de moi ; d'autres en ont, tu les leur réclameras. S'il y a des lettres qu'on ne veuille pas te rendre, il faudra qu'on s'engage du moins à les brûler. À toi de tout cœur10. »

— Franz Kafka

Cependant, Max Brod décida de ne pas procéder aux dernières volontés de Kafka. Brod connaissait et appréciait l'œuvre de Kafka comme nul autre et avait en fait averti son ami à plusieurs reprises qu'il ferait de son mieux afin de conserver son œuvre pour la postérité. Peu après, une discussion se déclencha au sujet de ce double sens supposé par Brod du « testament » de Kafka (rien d'autre qu'une courte missive). On ne saura jamais avec certitude si Kafka était sérieux lorsqu'il souhaitait que toute son œuvre non publiée soit détruite. En revanche, c'est l'écrivain lui-même qui a détruit ou a fait brûler par son amie Dora divers manuscrits, parmi lesquels un grand nombre de récits et au moins une pièce de théâtre. Mais il aurait pu brûler le reste et ne l'a pas fait.

En ce qui concerne les manuscrits de Kafka que Brod n'eut pas en mains avant la guerre, la Gestapo se chargea de satisfaire ses dernières volontés, début 1933, après la prise de pouvoir par Hitler, en saisissant environ 20 journaux et 35 lettres dans l'appartement berlinois de Dora. Malgré les interventions actives de l'ambassade tchèque à Berlin, ces manuscrits ainsi que d'autres pièces qui tombèrent dans les mains des nazis ne furent pas retrouvés et sont considérés comme perdus à tout jamais.

Brod, en contradiction avec les instructions de son ami, se chargea de la publication posthume de la plus grande partie de son œuvre. Il publia les grands romans de Kafka dès les années 1920. Il ne put collationner et publier le reste de ses œuvres, principalement les nombreux journaux et lettres, avant le début de la Seconde Guerre mondiale. La nuit où les nazis occupèrent Prague en mars 1939, Brod réussit à s'enfuir en Palestine avec les manuscrits de Kafka qu'il possédait. L'œuvre de son ami put y être publiée progressivement.

 
Un mémorial à Kafka,
à l'emplacement de sa maison natale
Place Franz Kafka

Max Brod va faire connaître cet auteur qui, de son vivant, n'avait pas attiré l'attention des critiques. Les éditions de Brod sont plutôt contestées : Kafka était décédé avant d'avoir peaufiné ses manuscrits pour la publication. Quelques-unes de ses œuvres sont inachevées, dont Le Château qui se termine en plein milieu d'une phrase, et Le Procès, dont les chapitres ne sont pas numérotés et est incomplet. Quant à son dernier roman, Le Château, dont le contenu est assez ambigu, il semble que Brod ait pris des libertés pour adapter l'œuvre de Kafka à son goût : il déplaça quelques chapitres, modifia des phrases et des mots et modifia la ponctuation dans certains passages. Les éditions par Brod de l'œuvre de Kafka ne sauraient être considérées comme des éditions définitives.

C'est l'écrivain Alexandre Vialatte qui révèle le génie de Kafka au public français. Après avoir découvert Le Château en 1925, il entreprend de traduire en français Le Procès, La Métamorphose ainsi que les Lettres à Milena. Il publie quelques articles importants sur l'écrivain pragois, réunis en volume sous le titre : Mon Kafka (10/18, puis les Belles lettres, 2010). Ce sont ses traductions qui, avec celles de Claude David, font autorité dans l'édition de la Pléiade de ses œuvres.

Suivant l'éditeur de l'édition anglaise du Château (The Castle, Schocken Books, 1998), Malcolm Pasley a réussi en 1961 à rassembler la plus grande partie des manuscrits de Kafka à la Bodleian Library de l'université d'Oxford. Le texte original du Procès a été acheté dans une vente plus tard et se trouve maintenant conservé dans les archives de littérature allemande à Marbach.

Pasley, après qu'il eut rassemblé les manuscrits de Kafka, mit sur pied une société (avec entre autres Gerhard Neumann, Jost Schillemeit et Jürgen Born) qui devait rétablir les romans dans leur état original. Les éditions S. Fischer Verlag publièrent les romans reconstruits. Pasley fut le rédacteur final de Das Schloß (Le Château) de 1982 et Der Prozeß (Le Procès) de 1990. Jost Schillemeit fut le rédacteur final de Der Verschollene (le titre de Kafka, Max Brod l'appela Amerika) de 1983. Ces éditions critiques sont consultables sur l'internet sous Le Projet Kafka14. Après sa mort, son œuvre sera analysée, critiquée, louée. Kafka est désormais considéré comme un écrivain majeur d'avant-garde.

Les écrits de Kafka reflètent les sentiments de la société du début du XXe siècle. Ses personnages évoluent dans un monde où les rapports et les relations qui les régissent leur sont incompréhensibles; où ils sont livrés, impuissants, à des forces inconnues, comme dans un cauchemar. La vie est un mystère irrésolu, un labyrinthe dont on ne connaît pas la sortie et ce qui nous y attend. Kafka étudie la psychologie de ses personnages face à des situations extraordinaires, dont ils ne connaissent pas les tenants et les aboutissants, et leur relation avec leur entourage.

Kafka aborde les thèmes de la solitude, des rêves, des peurs et des complexes. Le personnage est perdu, déboussolé, il ne saisit pas tout ce qui l'entoure, le lecteur est dans la même situation. L'atmosphère particulière des romans et nouvelles de Kafka a donné naissance à un adjectif, « kafkaïen », qui renvoie à quelque chose d'absurde et d'illogique, de confus et d'incompréhensible.

Mais de l’ensemble de l’œuvre de Kafka, il ressort aussi une réflexion à la fois critique et éclairante sur la famille, la société et la lutte que l’individu mène contre lui-même s’il veut y trouver sa place.

Kafka en France

L’œuvre complète de Kafka fut pour la première fois éditée en France en 1962 par Claude Tchou, le créateur du Cercle du Livre Précieux (Librairie du Palimugre, 47, rue Bonaparte, Paris VI), dans une édition établie et annotée par Marthe Robert.

«C'est en 1958 que Claude Tchou fonde le Cercle du livre précieux, avec Pascal Pia pour directeur littéraire, qui publie Zola, Kafka, mais aussi des érotiques comme L'Anti-Justine de Rétif de la Bretonne – ce qui vaudra à Tchou d'être inculpé pour outrages aux bonnes mœurs par voie du livre et condamné à six mois de prison ferme, commués en appel à six mois avec sursis». Ses publications «étaient des ouvrages finement édités, précieusement reliés. Où l'on trouvait la fine fleur». «C'était le plus grand joaillier de l'édition française».

À propos de cette édition Tchou proclamait : « Un grand peintre commence par être invendable. Un jour, ses toiles valent des millions : il est célèbre. Qu’il devienne classique, elles cessent d’être chères : elles n’ont pas de prix. Ainsi de Kafka aujourd´hui. Cette renaissance, notre édition y a puissamment contribué. Ce n’est pas notre moindre fierté. » (Voir catalogue de l’édition)

C’est en grande partie via cette publication en langue française que Franz Kafka sera connu et traduit dans d’autres pays, en particulier de langues latines.

Œuvres publiées, traduites en français et libres de droits sur : http://www.ebooksgratuits.org

Interprétation critique littéraire

Les critiques ont essayé de placer l'œuvre de Kafka dans divers courants littéraires tels que le modernisme et le réalisme magique. Le manque d'espoir et l'absurdité que l'on retrouve dans toute son œuvre, sont des traits typiques de l'existentialisme, de même que d'ailleurs la responsabilité de l'individu. Quelques critiques pensent trouver dans son œuvre une influence du marxisme, surtout de par ses prises de position critiques vis-à-vis de la bureaucratie. D'autres encore, comme Michael Löwy, voient dans cette position anti-bureaucratique une influence anarchiste. De même, il est aussi fait appel au judaïsme et à l'influence de Freud. Thomas Mann et Max Brod voyaient dans l'œuvre de Kafka une recherche métaphysique de Dieu.

Dans Le Procès, on retrouve explicitement le thème de la faute. La faute chez Kafka ne doit cependant pas être comprise dans l'acception commune - bien que cela paraisse en être le cas. Lorsque les gardiens du personnage principal Joseph K disent que « les autorités sont attirées par la faute, telle qu'elle se retrouve dans la loi », la faute doit plutôt être comprise dans le sens juif, c'est-à-dire dans l'imperfection matérielle de l'humain. Le fait que les personnages de Kafka sont continuellement dérangés dans leur 'vie habituelle' est lié à cela : car la 'faute' de l'homme a pour but de le faire bouger, de le pousser à être activement à la recherche du sens de son existence. « La loi que tous recherchent » de la parabole de la Loi dans Le Procès représente, en revanche, vraisemblablement la perfection dont l'homme qui la cherche peut voir un reflet : « mais maintenant il voit bien un reflet dans le noir, qui transparaît inextinguible par la porte de la loi ».

Les thèmes de l'aliénation et de la persécution sont fondamentaux dans l'œuvre de Kafka et ce, de façon si intense, qu'un mouvement d'opposition en est né. Beaucoup de critiques pensent que l'œuvre de Kafka n'est pas seulement le produit d'un écrivain tourmenté et solitaire, mais bien plus réfléchi et rebelle, et qu'elle ne peut être ramenée à des 'complexes' psychologiques de l'auteur. Cependant, la Lettre au père (qu'il n'envoya jamais) est considérée par certains comme la clef de ses œuvres ; le complexe relatif au père y est clairement exprimé.

Actuellement on met plus l'accent sur le fait que Kafka et ses amis – ainsi qu'on peut le voir par des notes des amis de Kafka – riaient bien de ses histoires absurdes. Vestdijk décrit comment lui et Marsman se tordaient de rire à la lecture du premier chapitre du Procès. On dit aussi que l'écrivain riait à gorge déployée quand il lisait ce chapitre à ses amis. À travers tout le tragique transparaît beaucoup d'humour juif, que l'on retrouve aussi dans les histoires du rabbin Baalschem, telles qu'elles ont été rassemblées par Martin Buber; des récits que Kafka aimait lire. D'aucuns pensent que Kafka ne s'est jamais rendu compte à quel point ses histoires étaient une sorte de prévision de la réalité, et à quel point nous ne pourrions plus en rire.

Dans les Discussions avec Kafka de Gustav Janouch apparaît l'image d'un homme qui était terriblement conscient des suites possibles de chaque mot, et qui donc était très prudent et très précis dans leur usage. Ce faisant, les signes avant-coureurs du futur proche ne lui sont pas étrangers : dans ce livre Kafka prédit la destruction de l'Allemagne, près de vingt années avant la Seconde Guerre mondiale.

Milan Kundera cite l'humour surréaliste de Kafka comme la source d'inspiration principale d'écrivains et de réalisateurs tels que Federico Fellini, Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes et Salman Rushdie.

Márquez a dit qu'à la lecture de La Métamorphose il avait réalisé "qu'il était possible d'écrire d'une autre façon". Dans la littérature néerlandaise il a influencé entre autres, Ferdinand Bordewijk, Willem Brakman et Willem Frederik Hermans.

Influence

Le style et le symbolisme de Kafka ont influencé la littérature de son époque, notamment dans les registres de la nouvelle et de la pièce de théâtre radiophonique, l'adjectif allemand kafkaesk, traduit par « kafkaïen » en français, devenant même une référence.

La question de la nationalité

La nationalité de Franz Kafka est sujette à controverse. Le fait que Prague était incluse au moment de sa naissance dans l'Autriche-Hongrie devrait faire de lui un écrivain autrichien. D'une manière générale, les habitants germanophones de la Bohême se considéraient en ce temps-là, soit comme des Autrichiens, soit comme des Allemands (Allemands des Sudètes). L'appellation consacrée d'« écrivain tchèque de langue allemande », même si elle n'est pas tout à fait exacte, constitue un compromis dans les ouvrages de référence de langue française.

FRANZ KAFKA
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Œuvres

(Les dates mentionnées sont les dates de publication. N'ont pas été relevés les textes publiés isolément dans des revues, les premiers en 1909)

  • 1912 : Regard (Betrachtung), daté de 1913 mais paru fin 1912, Leipzig, Ernst Rowohlt, 99 p. (réédité en 1915).
  • 1913 : Le Verdict (Das Urteil), Leipzig, Kurt Wolff, 29 p. (réédité en 1916 et 1920).
  • 1913 : Le Soutier (Der Heizer (de) Ein Fragment), Leipzig, Kurt Wolff, 47 p. (réédité en 1916 et 1917-1918).
  • 1915 : La Métamorphose (Die Verwandlung), Kurt Wolff, 73 p. (réédité en 1915 et 1918).
  • 1919 : La Colonie pénitentiaire (In der Strafkolonie), Kurt Wolff, 71 p.
  • 1919 : Un médecin de campagne (Ein Landarzt. Kleine Erzählungen), Kurt Wolff, 189 p.
  • 1922 : Un champion de jeûne (Ein Hungerkünstler. Vier Geschichten), Berlin, Die Schmiede, 86 p.

Œuvres publiées après sa mort :

  • 1925 : Le Procès (Der Prozeß)
  • 1926 : Le Château (Das Schloß)
  • 1927 : L'Amérique (Amerika) (bien que publié plus tard, il a été écrit avant Le Procès et Le Château)
  • 1931 : Le Terrier (Der Bau)
  • 1937 : Journal intime (première publication française : 1945)26
  • 1945 : Paraboles (recueil de plusieurs textes courts traduit par Jean Carrive, dont Des Paraboles)
  • 2009 : Cahiers in-octavo (1916-1918)
  • 2010 : Les aphorismes de Zürau

Transpositions cinématographiques et télévisuelles

Adaptation en bande dessinée

Notes et références

Notes

  1. Kafka est l'orthographe allemande du mot tchèque kavka qui signifie « corneille » ou « choucas ».
  2. Cependant, il parlait couramment le tchèque. Pour plus d'informations sur la coexistence des Allemands, juifs et Tchèques, lire Allemands des Sudètes.
  3. L'université est alors victime des tensions nationalistes entre les différentes minorités linguistiques et scindée en une « université allemande » et une « université tchèque ».

 

FRANZ KAFKA
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  • KAFKA
  • Genre : Littérature étrangère
  • date de naissance :
    3 Juillet 1883
  • date de décès :
    3 Juin 1924
Que voulez-vous, je suis un homme de loi. C'est pourquoi je ne peux me libérer du mal.

Biographie Franz Kafka

Figure majeure de la littérature du XXe siècle, Franz Kafka est un des auteurs les plus étudiés au monde. Ebranlé par la Première Guerre mondiale, le jeune Kafka poursuit des études de droit avant d'être embauché par une compagnie d'assurance. Cette expérience de la bureaucratie inspire en partie son oeuvre, notamment ses deux romans majeurs : Le Procès et Le Château. Il y développe avec angoisse et ironie un univers labyrinthique et absurde, un monde que le langage courant qualifiera par la suite de "kafkaien". Ses influences reposent sur une triple appartenance culturelle : tchèque, allemande et juive, religion pour laquelle il se passionne à la fin de sa vie. Fondée sur les thèmes de la culpabilité, de la perte d'identité et de la transformation du corps (La Métamorphose), l'oeuvre de Franz Kafka ne cesse de fasciner les psychanalystes. Profondément marqué par une relation conflictuelle avec son père, relatée dans Lettres au père en 1919, Kafka mène une existence tourmentée dans laquelle se succèdent les échecs. Amené à trois reprises à rompre ses fiançailles, il tient une correspondance très riche avec son plus grand amour, Milena Jesenka, qui témoigne d'une passion intense mais destructrice. Se sachant condamné par la tuberculose dès 1917, Franz Kafka écrit par nécessité avec un sentiment d'urgence, laissant derrière lui une oeuvre inachevée mais monumentale.

Citations de Franz KAFKA
Franz KAFKA Une nuit, je vous écrivais continuellement des lettres dans un état de demi-sommeil, je ressentais cela comme des petits coups de marteau ininterrompus.
Franz KAFKA Que ne suis-je devant votre porte et que ne puis-je pour ma propre jouissance - une jouissance capable d'abolir toute tension - appuyer sans fin sur votre sonnette !

 

citations

« Croire au progrès ne signifie pas qu’un progrès ait déjà eu lieu.  »

de Franz Kafka

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Franz Kafka a averti sa première fiancée, Felice Bauer, que si elle voulait partager le reste de sa vie avec lui ce serait "une vie monastique, côte à côte, avec un homme agité, mélancolique, silencieux, insatisfait et maladif". Il s'est fiancé avec elle à deux reprises, avant de rompre définitivement.

Passé de peu à la postérité

Dans son testament, Franz Kafka demande à son ami Max Brod de brûler tous ses manuscrits. Si cette volonté avait été respectée, ‘Le Château’ et ‘Le Procès’ ne nous seraient jamais parvenus.

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HUY sur la Meuse en Belgique

Une reconnaissance de le ville, ce samedi 25 octobre 2014

Huy (en néerlandais Hoei, en wallon Hu) est une ville francophone de Belgique située en Région wallonne, chef-lieu d'arrondissement en province de Liège.

Huy est située sur la Meuse au confluent avec le Hoyoux à mi-chemin entre Namur et Liège.

Les habitants de Huy s'appellent les Hutois.

 

 

Sections de commune

Ben-Ahin, Huy, Tihange et Neuville-sous-Huy qui avait été rattachée à Tihange quelques années plus tôt. Statte est un faubourg de la ville de Huy.

Histoire

Aidée par un climat économique favorable, dû à sa situation de ville-étape de batellerie, Huy multiplie les corps de métiers. Nombreux étaient les étainiers, tanneurs, foulons, chaudronniers, menuisiers... Le corps de métier le plus puissant fut celui des orfèvres. La métallurgie hutoise remonte sans conteste très loin dans le passé (travail de l'étain depuis le VIIe siècle) et, favorisée par le Hoyoux, affluent de la Meuse, propice à l'établissement de roues hydrauliques, les forges et fourneaux connurent à Huy, dès le Moyen Âge, un âge d'or sans précédent. La technique du battage du cuivre, industrie florissante dans la cité hutoise, se répandit dans toute l'Europe dès le XIe siècle.

 

En 1066, l'évêque d'alors, Théoduin de Bavière, décide de reconstruire la collégiale Notre-Dame. Pour financer son projet, il demande aux Hutois la moitié de leurs biens meubles. En échange, il leur accorde la première charte de liberté d'Europe occidentale. Huy fut une des Bonnes Villes de la principauté de Liège de 985 à 1789.

 

La première croisade survient 30 ans plus tard (1096-1099) et l'on aurait vu arriver à Huy Pierre l'Ermite, fondateur selon la légende de l'abbaye du Neufmoustier en 1101.

 

Au XIIe siècle se détache la personnalité d'Ivette de Huy (ou Juette) (1158-1228), "féministe" avant l'heure  : contrainte d'épouser à 13 ans l'homme que lui avait choisi son père alors qu'elle voulait se consacrer à Dieu, elle en eut trois enfants dont un mourut au berceau. Veuve à 18 ans, défiant l'autorité paternelle, elle préféra se retirer dans un minuscule réduit accolé à l'église de Huy et se consacrer au soin des lépreux avant de se cloîtrer dans la léproserie.

 

Au XVe siècle, le château est peu à peu transformé en véritable forteresse. Bâti sur une colline surplombant la Meuse, il fera la fierté des hutois et deviendra l'emblème de la ville. Huy est alors une ville bourgeoise de plaisir où se plaît à séjourner la Cour de Bourgogne.

Malheureusement, du fait de sa position stratégique, Huy voit sa brillante destinée se ternir et subit de nombreuses attaques. La forteresse est attaquée douze fois en trente ans. La belle cité connaît trop souvent massacres, pillages et incendies.

En l'an 1717, la destruction du « Tchestia » (château en wallon) est décidée. La destinée hutoise va alors en être modifiée. Le château-citadelle sera démonté pierre par pierre, soustraites par les citadins.

 

Huy connait alors enfin l'essor que ce joyau mosan méritait et les activités se multiplient : papeterie, orfèvrerie, métallurgie, etc. Au XIXe siècle, l'industrialisation permit à plusieurs familles hutoises de connaitre la fortune (citons Nestor Martin, les Delloye, les Godin). La Ville de Huy fut alors surnommée « La Ville aux Millionnaires ».

7

En 1818, la construction du nouveau fort débute. Il ne servira jamais de position d'attaque, mais nombreux sont les civils à y avoir souffert durant les guerres de 1914-1918 et 1939-1945.

 

Pendant la Première Guerre mondiale, l'armée allemande pris possession du Fort et y établit un camp de discipline pour ses propres troupes, réfractaires ou déserteurs. Ceux-ci y étaient soumis par leurs gardes à un régime très strict. En novembre 1918, le fort servit de centre d'hébergement pour des prisonniers russes. En 1920 que l'École régimentaire du 14e de Ligne prit possession du bâtiment pour s'y installer jusque 1932. C'est alors que la Défense Nationale autorisa l'utilisation du plateau à des fins touristiques jusqu'en 1937 pour le réoccuper ensuite. Ce sont les Chasseurs Ardennais qui l'occuperont à cette époque jusqu'en 1940. Mais, dès que Liège fut prise, l'armée belge quitta le Fort de Huy, qui fut à nouveau occupé par l'armée allemande. Dès septembre 1940, le fort devint un camp de détention pour civils belges et étrangers et ensuite un bagne où séjournèrent plus de 7 000 opposants au régime de l'occupant, soit plus du double de détenus qu'à Breendonk. On y compte 1 240 français et de nombreuses autres nationalités. Il y eut également une centaine de femmes détenues dans le Fort. Les interrogatoires se passaient à la Kommandantur, dans le bâtiment actuellement occupé par l'Atelier Rock, quai Dautrebande. Les prisonniers réputés plus dangereux ou devant être soumis à un régime plus strict étaient enfermés à la prison de Huy, ce qui lui vaut aujourd'hui le nom de rue de la Résistance. Au Fort, on compte dix personnes qui y moururent de mauvais traitements et cinq y tombèrent sous les balles du peloton d'exécution. Le 5 septembre 1944, les détenus qui n'avaient pas été envoyés vers les camps de concentration en Allemagne furent libérés. La Résistance occupa le fort et, le 12 septembre 1944, le Ministère de la Justice y installa un centre d'internement pour inciviques et collaborateurs. Malgré ce rôle important que le Fort de Huy joua, il n'est toujours pas officiellement reconnu comme mémorial national, alors que Breendonk bénéficie de ce statut depuis 1947. Tous les partis démocratiques francophones ont déposé des propositions de loi en ce sens mais elles sont, jusqu'à présent, toujours à l'examen dans les commissions parlementaires de la Chambre et du Sénat. Depuis 2007, un nouvel espace détaille le parcours de vie des différentes catégories de détenus au Fort de Huy et présente des témoignages. En 2010, deux nouvelles salles seront inaugurées, l'une consacrée à Huy sous l'occupation et l'autre à la libération de la Ville dont on a fêté, en 2009, le 65e anniversaire.

 
Le fort hollandais (1818)

De 1983 à 2009, Anne-Marie Lizin est Bourgmestre de Huy. Sa gouvernance suscite de vives oppositions au cours des années 2000. Mise en minorité au sein de son parti, soupçonnée de malversations et en proie à des problèmes de santé, elle quitte ses fonctions en février 2009. Micheline Toussaint lui succède en mars de la même année. Elle choisit de laisser la place à Alexis Housiaux le 12 juillet 2010.

Jumelages

 
L'hôtel de ville (1766)
 
Petites filles jouant près du Bassinia

La ville de Huy est jumelée avec 2:

Pactes d'amitié

Personnages célèbres

En venant du Pontia(Pont), Li Tchestia (La Forteresse hollandaise), la Place saint-Severin, avec la fontine la Tour Colombes et la Collégiale Notre-Dame, la Grand Place avec l'Hôtel de Ville et le Café littéraire, la Place Verte acec l'Eglise Saint Mengold et toute le quartier des Frères Mineurs
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Les quatre merveilles de Huy

  • Li Bassinia, fontaine dont la partie la plus ancienne remonte au XVe siècle. Elle est située au centre de la Grand-Place (on peut y voir quatre personnages en bronze et l'aigle bicéphale autrichien).
  • Li Tchestia (le château-fort des princes-évêques, détruit en 1717 à la suite du Traité de la Barrière, est remplacé de 1818 à 1823 par les Hollandais qui construisent l'actuel fort sur son emplacement). Dominant la ville, le fort joua un rôle important au cours des deux guerres mondiales, particulièrement la guerre 1940-1945, en étant notamment un lieu de concentration où furent détenus plus de 7 000 prisonniers civils.
  • Li Rondia : la rosace, d'un diamètre de 9 mètres, de la Collégiale Notre-Dame récemment restaurée.
  • Li Pontia : l'ancien pont, détruit par la guerre qui est remplacé aujourd'hui par le pont Baudouin.

À voir aussi

Le musée communal, installé dans les bâtiments et le cloître de l'ancien couvent des Frères mineurs (XVIIe siècle), contient d'importantes collections illustrant l'histoire et le folklore local : intérieur régional orné d'une belle cheminée en grès de 1621, pièces archéologiques, estampes de la ville, céramiques fabriquées à Huy au XIXe siècle, étains, objets d'art religieux parmi lesquels on remarque le Christ du XIIIe siècle nommé « le beau Dieu de Huy ».

La maison Batta, située sur la rive gauche en face du fort de Huy, est un exemple du style renaissance mosan.

Plusieurs repères de crues ont été apposés dans la ville. Ils indiquent soit les crues de la Meuse de 1926 ou 1880, soit la crue du Hoyoux du 23 janvier 1893 (ces trois crues étant reconnues par la ville de Huy comme importantes car ayant atteint le Bassinia). Quelques emplacements de repères de crue à Huy :

  • Sur la taverne le Vieux Huy
  • Sur la maison Batta
  • De chaque côté d'une impasse rue l'Apleit
  • Sur la façade du l'église rue des Foulons
  • Au coins de la rue des Barreurs et rue des Sœurs Grises

Les Septennales

En 1656, une grave sécheresse met en péril les récoltes hutoises. Le 15 août, les habitants organisent alors une procession et descendent la Vierge de la Sarte avec une grande piété et la placent dans la Collégiale. Alors qu'on ramène la statue dans sa chapelle sur les hauteurs de la ville, la sécheresse prend fin. Les autorités décident alors, en remerciement, de rééditer la procession l'année suivante et ensuite tous les sept ans. Les fêtes septennales sont nées. Les dernières se sont déroulées le 15 août 2012.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la ville a subi de nombreux bombardements, mais lors des fêtes septennales et la descente de la Vierge, tous les bombardements se sont arrêtés et la ville a été libérée peu de temps après.

HUY
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Samuel BECKETT

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Samuel Barclay Beckett (Foxrock, Dublin, 13 avril 1906 - Paris, 22 décembre 1989) est un écrivain, poète et dramaturge irlandais d'expression française et anglaise, prix Nobel de littérature.

  S'il est l'auteur de romans, tels que Molloy, Malone meurt et l'Innommable et de textes brefs en prose, son nom reste surtout associé au théâtre de l'absurde, dont sa pièce En attendant Godot (1952) est l'une des plus célèbres illustrations. Son œuvre est austère et minimaliste, ce qui est généralement interprété comme l'expression d'un profond pessimisme face à la condition humaine. Opposer ce pessimisme à l'humour omniprésent chez lui n'aurait guère de sens : il faut plutôt les voir comme étant au service l'un de l'autre, pris dans le cadre plus large d'une immense entreprise de dérision. Avec le temps, il traite ces thèmes dans un style de plus en plus lapidaire, tendant à rendre sa langue de plus en plus concise et sèche. En 1969, il reçoit le prix Nobel de littérature pour « son œuvre, qui à travers un renouvellement des formes du roman et du théâtre, prend toute son élévation dans la destitution de l'homme moderne »

Biographieimages

Samuel Barclay Beckett est né le 13 avril 1906  dans une famille bourgeoise irlandaise protestante : l'événement fut signalé dans la rubrique mondaine d'un journal irlandais (The Irish Times) daté du 16 avril. La demeure familiale, Cooldrinagh, située dans une banlieue aisée de Dublin, Foxrock, était une grande maison. La maison, le jardin, la campagne environnante où Samuel grandit, le champ de courses voisin de Leopardstown, la gare de Foxrock sont autant d'éléments qui participent du cadre de nombre de ses romans et pièces de théâtre. Il est le deuxième fils de William Frank Beckett, métreur et May Barclay Roe, infirmière. Beckett et son frère aîné Franck sont d'abord élèves à la Earlsford House School, dans le centre de Dublin, avant d'entrer à la Portora Royal School d'Enniskillen, dans le comté de Fermanagh – lycée qui avait auparavant été fréquenté par Oscar Wilde .ds

 

Beckett étudie ensuite le français, l'italien et l'anglais au Trinity College de Dublin, entre 1923 et 1927. Il suit notamment les cours de A. A. Luce, professeur de philosophie et spécialiste de Berkeley. Il obtient son Bachelor of Arts et, après avoir enseigné quelque temps au Campbell College de Belfast, est nommé au poste de lecteur d'anglais à l'École normale supérieure de Paris sur les recommandations de son professeur de lettres françaises et mentor Thomas Rudmose-Brown . C'est là qu'il est présenté à James Joyce par le poète Thomas MacGreevy, un de ses plus proches amis, qui y travaillait aussi depuis 1926 mais avait décidé de quitter son poste pour se consacrer entièrement à la littérature. Cette rencontre devait avoir une profonde influence sur Beckett, qui devint garçon de courses puis « secrétaire » de James Joyce qui souffrait des yeux, l'aidant notamment dans ses recherches pendant la rédaction de Finnegans Wake .

 

C'est en 1929 que Beckett publie son premier ouvrage, un essai critique intitulé Dante... Bruno. Vico.. Joyce., dans lequel il défend la méthode et l'œuvre de Joyce dont certains critiquent le style obscur. Les liens étroits entre les deux hommes se relâchèrent cependant lorsque Samuel repoussa les avances de Lucia, la fille de Joyce, dont il s'est rendu compte qu'elle était atteinte de schizophrénie, maladie que refusait de voir son père . C'est aussi au cours de cette période que la première nouvelle de Beckett, Assumption, fut publiée par l'influente revue littéraire parisienne d'Eugène Jolas, Transition. L'année suivante, il est le lauréat d'un petit prix littéraire pour son poème Whoroscope, composé à la hâte en 1929, et inspiré par une biographie de Descartes que Beckett lisait alors .

 

En 1930, il revient au Trinity College en tant que lecteur et écrit en 1931 un deuxième essai en anglais intitulé Proust. En 1932, pour la revue "This Quarter", il traduit un poème d'André Breton, Le Grand secours meurtrier, paru en France dans le recueil Le Revolver à cheveux blanc et ayant pour thèmes les convulsionnaires de Saint-Médard et Lautréamont . Il se lasse assez vite de la vie universitaire, et exprime ses désillusions d'une manière originale : il mystifie la Modern Language Society de Dublin en y portant un article érudit au sujet d'un auteur toulousain nommé Jean du Chas, fondateur d'un mouvement littéraire appelé concentrisme ; ni du Chas ni le concentrisme n'ont jamais existé, sinon dans l'imagination de Beckett, mais cela lui permet de se moquer du pédantisme littéraire. Pour marquer ce tournant important de sa vie, inspiré par la lecture des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, de Goethe, il écrit le poème Gnome, que publie le Dublin Magazine en 1934.

 

Après plusieurs voyages en Europe, notamment en Allemagne, il se fixe en janvier 1938 définitivement à Paris, rue des Favorites, dans le 15e arrondissement, peu avant la Seconde Guerre mondiale. Son premier roman, Murphy, fit l'objet de trente-six refus avant d'être finalement publié par Bordas en 1947.Murphy

 

Le 7 janvier 1938, Beckett est poignardé dans la poitrine par un proxénète  notoire dont il a refusé les sollicitations. Gravement blessé, il est transporté d'urgence à l''hôpital Broussais. La publicité entourant l'agression attire l'attention de Suzanne Dechevaux-Dumesnil  femme curieuse de théâtre et de littérature qui a rencontré Sam au cours d'une partie de tennis quelques mois auparavant. Il entame une liaison avec celle qui deviendra son épouse.

 

Lors de la déclaration de la guerre, il se trouve en Irlande. Il regagne alors précipitamment la France, préférant « la France en guerre à l'Irlande en paix ». Il participe activement à la résistance contre l'occupation nazie. Il est recruté au sein du réseau Gloria SMH par son ami, le normalien Alfred Péron. Quand le réseau est dénoncé, Samuel Beckett, prévenu par la femme de son ami Péron, échappe de peu à la police allemande. Il se réfugie d'abord dans la capitale chez l'écrivain Nathalie Sarraute, puis de 1942 à avril 1945 à Roussillon, dans le midi de la France. Beckett apprend en 1945 que Péron est mort après la libération du camp de Mauthausen. Le 30 mars 1945, il se voit décerner la Croix de Guerre avec étoile d'or.Selon son biographe James Knowlson, l'œuvre de l'écrivain est profondément marquée par les récits de déportation des camarades de Péron et par la guerre.Tombe de-Samuel Beckett Tombe-001

 
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Tombe de Samuel Beckett au Cimetière du Montparnasse, à Paris.

 

Se consacrant entièrement à la littérature depuis les années 1930, il entre dans une période de créativité intense de 1945 à 1950, période qu'un critique a appelé « le siège dans la chambre » .

Au début des années 1950, Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, publie la première trilogie beckettienne de romans à clef : Molloy, Malone meurt, L'Innommable.molloy couv508beckettl-innommable-46432-250-400

 

Les années 1960 représentent une période de profonds changements pour Beckett, dans sa vie personnelle comme dans sa vie d'écrivain. En 1961, au cours d'une cérémonie civile discrète en Angleterre, il épouse sa compagne Suzanne Déchevaux-Dumesnil, principalement pour des raisons liées aux lois successorales françaises. Le triomphe que rencontrent ses pièces l'amène à voyager dans le monde entier pour assister à de nombreuses représentations, mais aussi participer dans une large mesure à leur mise en scène. En 1956, la BBC lui propose de diffuser une pièce radiophonique : ce sera All That Fall (« Tous ceux qui tombent »).cvt Tous-ceux-qui-tombent 5142 Il continue à écrire de temps à autre pour la radio, mais aussi pour le cinéma (Film, avec Buster Keaton) et la télévision. Il recommence à écrire en anglais, sans abandonner pour autant le français.

 

Le prix Nobel de littérature lui est attribué en 1969 : il considère cela comme une « catastrophe »  ; en fait, il rejette par là une certaine industrie beckettienne, au sens où cette récompense accroît considérablement l'intérêt de la recherche universitaire pour son œuvre . D'autres écrivains s'intéressent à lui, et un flot constant de romanciers et de dramaturges, de critiques littéraires et de professeurs passent par Paris pour le rencontrer. Son désarroi de recevoir le prix Nobel s'explique aussi par son dégoût des mondanités et des devoirs qui y sont liés ; son éditeur Jérôme Lindon ira tout de même chercher le prix

Cioran, ami et admirateur de Beckett, écrira dans ses Cahiers : « Samuel Beckett. Prix Nobel. Quelle humiliation pour un homme si orgueilleux ! La tristesse d'être compris ! » .

 

Les années 1980 sont marquées par sa seconde trilogie : Compagnie (en), Mal vu mal dit, Cap au pire .cvt Cap-au-pire 5942

Suzanne Beckett, son épouse, décède le 17 juillet 1989. Beckett, atteint d'emphysème et de la maladie de Parkinson, part dans une modeste maison de retraite où il meurt le 22 décembre de la même année. Il est enterré le 26 décembre au cimetière du Montparnasse .

Analyse de l'œuvre 

 

Toute l'œuvre de Beckett est traversée par une appréhension aiguë de la tragédie qu'est la naissance : « Vous êtes sur terre, c'est sans remède ! » dit Hamm, le protagoniste principal de Fin de partie. Cette vie doit tout de même être vécue. Car, ainsi qu'il est écrit à la fin de L'Innommable, « il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer ».

 

L'œuvre est un témoignage sur la fin d'un monde. Témoin perspicace de son époque, Samuel Beckett a annoncé la fin de l'art (En attendant Godot) et la fin d'une époque marquée par la prééminence, en Europe, de la culture française (Fin de partie), bien avant que ces thèmes ne deviennent à la mode. L'art ne peut plus chercher à embellir le monde comme dans le passé. Une certaine idée de l'art arrive à sa fin. Beckett souligne cette hypocrisie dans Oh les beaux jours. Winnie s'enchante d'un monde qui connaît chaque jour un « enrichissement du savoir », tandis que, dans sa main, son compagnon Willie tient une carte postale pornographique.

 

On peut grosso modo diviser la vie d'écrivain de Beckett en trois parties : la première, les premières œuvres, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale ; la deuxième, de 1945 à 1960, au cours de laquelle il écrit ses pièces les plus connues ; et enfin, de 1960 à sa mort, période qui voit la fréquence de ses publications diminuer, et son style devenir de plus en plus minimaliste.

Premières œuvres 

 

Elles traduisent notamment l'influence capitale qu'à cette époque James Joyce a sur Beckett. Très érudites, elles relèvent en grande partie d'une volonté d'exhiber des connaissances et un savoir-faire d'auteur déjà indéniable. Cela les rend souvent difficilement accessibles. On peut citer, à titre d'exemple de son style d'alors, les premières lignes de More Pricks than Kicks (1934) :

« It was morning and Belacqua was stuck in the first of the canti in the moon. He was so bogged that he could move neither backward nor forward. Blissful Beatrice was there, Dante also, and she explained the spots on the moon to him. She shewed him in the first place where he was at fault, then she put up her own explanation. She had it from God, therefore he could rely on its being accurate in every particular »

— More Pricks than Kicks,51ugyggqqnL BO2,204,203,200 PIsitb-sticker-arrow-click,Top

   

Le passage fait abondamment référence à la Divine Comédie de Dante, ce qui déstabilise tout lecteur qui n'en aurait pas une connaissance approfondie. Cependant, on peut déjà y voir l'annonce de certaines caractéristiques futures de l'œuvre de Beckett : l'inaction de Belacqua, l'un des personnages du Purgatoire, récurrent dans toute l'œuvre de Beckett ; son immersion dans ses propres pensées ; l'irrévérence à visée comique de la dernière phrase.

 

Des éléments semblables sont présents dans le premier roman publié par Beckett, Murphy (1938) : il y explore le thème de la folie et celui des échecs, qui reviendront souvent par la suite. La première phrase du roman révèle le ton pessimiste et l'humour noir qui animent nombre de ses œuvres : « The sun shone, having no alternative, on the nothing new » Watt, écrit alors que Beckett se cachait à Roussillon, pendant la Seconde guerre mondiale, traite des mêmes thèmes, dans un style moins exubérant.imagesN167URKM

C'est aussi pendant cette période que Beckett se lance dans la création littéraire en langue française. À la fin des années 1930, il écrit un certain nombre de poèmes courts dans cette langue, ainsi que les Nouvelles et Textes pour rien; l'économie de moyens qui y est visible - surtout si on les compare aux poèmes en anglais qu'il compose à la même époque, dans le recueil Echo's Bones and Other Precipitates (1935) - semble prouver que le passage par une autre langue fut avant tout un procédé lui ayant permis de simplifier son style en le purifiant des automatismes de la langue maternelle ; évolution que vient confirmer quelques années plus tard Watt.WATT

L'œuvre bilingue 

 

À partir de 1944 et jusqu'à sa mort, Beckett écrira en fait une œuvre bilingue ; il ne s'agit pas d'un passage définitif au français mais à une coexistence assez équilibrée entre les deux langues, avec toutefois une certaine prédilection pour le français, en particulier jusqu'au milieu des années 1960. Une grande partie des textes sera traduite dans les deux sens par l'auteur lui-même, ou par Édith Fournier, pour la traduction de l'anglais ; la quasi-totalité de l'œuvre existait dans les deux langues avant la mort de l'auteur.

 

En raison notamment de la découverte du français comme ayant « the right weakening effect », la fin des années 1940 est une période d'intense activité, avant tout narrative (Mercier et Camier, Premier amour, les Nouvelles et Textes pour rien, la TrilogieMolloy, Malone meurt, L'Innommable) ; c'est aussi le moment de l'écriture d'En attendant Godot.

 

C'est en langue française que Samuel Beckett écrit ses œuvres les plus connues. En quinze ans, trois pièces de théâtre connaissent un grand succès : En attendant Godot (1948-1949), Fin de partie (1955-1957) et Oh les beaux jours (1960). Elles sont souvent considérées comme représentatives du « théâtre de l'absurde », terme rejeté par Beckett - qui ne souhaitait pas être assimilé aux fin-de-partie-2231352existentialistes - et sujet à débat. Ces pièces traitent du désespoir et de la volonté d'y survivre, tout en étant confronté à un monde incompréhensible. Incompréhensible aussi l'étrange similitude entre Beckett et Balzac. Et pourtant :

« ...qui dira le mystérieux pouvoir des syllabes qui, à plus de cent ans de distance, fait écrire à Samuel Beckett : En attendant Godot, et à Balzac sa pièce Le Faiseur, où, pendant cinq actes, on ne fait qu'attendre Godeau ? « Godeau ! ...Mais Godeau est un mythe ! ... Une fable ! ... Godeau, c'est un fantôme... Vous avez vu Godeau ? ... Allons voir Godeau ! (Balzac). Le Faiseur. »

— Félicien Marceau : Balzac et son monde .

 

C'est l'œuvre théâtrale qui aura donné la célébrité à l'écrivain : après bien des échecs auprès des éditeurs, c'est Suzanne qui, en 1953, apporte le manuscrit d'En attendant Godot à Roger Blin, qui le met en scène. La première a lieu à Paris la même année. Elle cause un véritable scandale, qu'il faut sans doute regarder comme une des causes inattendues du succès de Beckett.dfv-001

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Ces quatre grandes pièces connues masquent une autre réalité de l'œuvre de Beckett. Au théâtre, elle va plus loin encore, à partir des années 1960, dans de courtes pièces (les Dramaticules, Comédie et actes divers, par exemple) qui tiennent parfois plus de l'installation et de la chorégraphie que du théâtre traditionnel...

 

Mais il est encore une autre réalité : celle de l'œuvre « narrative », considérable, tout aussi expérimentale et toujours plus minimale au fil du temps : les excès formels, d'érudition ou d'obscurité, presque délirants dans More Pricks than Kicks (« Bande et Sarabande »)bande-et-sarabande couv ou Murphy, ont progressivement cédé la place à l'aride sobriété du Dépeupleur ou de Compagnie. Il s'agit toujours de textes qui examinent, d'une manière ou d'une autre, leurs propres conditions de possibilité et les mettent en crise, depuis les mécaniques habituelles de la narration, littéralement pulvérisées dans la « Trilogie», à la fin des années 1940, jusqu'à la possibilité même de « proférer », dans le dernier poème écrit en 1988, intitulé Comment dire.

Liste des œuvres 

Le premier livre de Samuel Beckett à être publié en français, Murphy a été publié par Bordas en 1947. Ensuite, les œuvres de Samuel Beckett sont publiées aux Éditions de Minuit. Elles sont publiées en anglais chez Faber & Faber (théâtre) ou chez Calder Publishing (en) (romans) et chez Grove Press aux États-Unis.

Œuvres en français 

Samuel  Beckett
SamuelBeckett
© d.r.

Chronologie

1906. Le 13 avril, naissance à Foxrock, au sud de Dublin, de Samuel Barclay Beckett, deuxième fils d'une famille protestante. Son père a fait des études d"ingénieur et exerce, dans le domaine de l'architecture, le métier de métreur-vérificateur.

 

1915. Entre à l'Earlsfort House School où l'on enseigne le français.
1920. Pensionnaire à la Portora Royal School, à Enniskillen, dans le comté de Fermanagh. Pratique de nombreux sports : natation, cricket, tennis...
 

 

1923. Entre à Trinity College. Son directeur d"études (Arthur Aston Luce) fait autorité sur l’œuvre de Berkeley et de Descartes. Rudmose-Brown, son professeur de français, lui fait découvrir Racine, Corneille, Ronsard et Scève mais aussi Viélé-Griffin, Le Cardonnel, Larbaud, Fargue et Jammes. Avec Bianca Esposito qui lui donne des leçons d’italien, découvre Pétrarque, l’Arioste et s’enthousiasme pour Dante. Fervent de théâtre, assiste aux représentations des pièces d’O’Casey à l’Abbey Theatre et fréquente le Queens Theatre.
 

 

1926. Brillant élève, doué pour les langues, obtient une bourse et Rudmose-Brown l’encourage à se rendre en France. L’été, part à Tours : randonnée à bicyclette dans la vallée de la Loire. Retour en septembre, rencontre le normalien Alfred Péron, alors lecteur de français à Trinity College. Est nommé bibliothécaire de la Société de langues vivantes.
 

 

1927. Voyage à Florence en été et rentre à Trinity College en automne. Bachelor of Arts en décembre.
 

 

1928. Enseigne le français à Belfast au Campbell College. Durant les vacances d’été, voyage en Allemagne. En octobre, se rend à Paris où il a été nommé, pour deux ans, lecteur d’anglais à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Rencontre son prédécesseur à ce poste, Thomas McGreevy, qui lui présente James Joyce. Devient intime de la famille Joyce.
 

 

1929. Travaille avec Joyce et, sur ses conseils, rédige un essai, Dante... Bruno. Vico... Joyce qui prendra place en tête de Our Exagmination Round his Factification for Incamination of Work in Progress. Cet essai et une nouvelle intitulée Assumption paraissent dans la revue transition d’Eugène et Maria Jolas. En décembre Joyce l’invite à collaborer à la traduction française d’Anna Livia Plurabelle, un passage de Work in Progress. Beckett et Péron travaillent ensemble à cette traduction.
1930. S’intéresse à la poésie et à la philosophie, étudie en particulier Descartes puis Geulincx. This Quarter publie trois de ses traductions de l’italien : « Landscape » de Raffaello Franchi, « The Homecoming » de Giovanni Comisso et « Delta » d’Eugenio Montale. Remporte avec Whoroscope le prix du meilleur poème sur le temps (publié par Nancy Cunard). Accepte la commande d’un essai sur Proust. En septembre, est nommé assistant de français à Trinity College. Novembre, première rencontre avec Jack B. Yeats.
 

 

1931. Écrit Le Kid, parodie du Cid pour le festival dramatique annuel du groupe français de la société de langues vivantes. La pièce (non publiée) est présentée au Peacock Theatre et Beckett y interprète le rôle de Don Diègue. Publication de Proust à Londres. Assiste à Paris à la séance consacrée à James Joyce organisée par Adrienne Monnier et à la lecture de la traduction d’Anna Livia Plurabelle. Ses poèmes Hell Crane to Starling, Casket of Pralinen for a Daughter of a Dissipated Mandarin, Text et Yoke of Liberty sont publiés dans The European Caravan, Return to the Vestry dans The New Review, et Alba dans Dublin Magazine. Décembre, est diplômé Master of Arts. Part pour Kassel et envoie sa démission de Trinity College.
 

 

1932. Retour à Paris. Fait partie des signataires du manifeste « Poetry Is Vertical » publié en mars dans Transition avec sa nouvelle Sedendo et Quiescendo qu’il réécrira pour l’inclure dans son roman Dream of Fair to Middling Women dont il achève l’écriture au cours de l’été mais qui ne sera publié que soixante ans plus tard. On trouve la première version de Dante and the Lobster dans la revue This Quarter de Titus. Traduit Le Bateau ivre de Rimbaud (traduction retrouvée quarante ans plus tard).
 

 

1933. Écrit les nouvelles qui constitueront le recueil More Pricks than Kicks. Mort de son père en juin.
 

 

1934. Parution de l’anthologie Negro de Nancy Cunard avec dix-neuf traductions établies par Beckett. Home Olga, acrostiche de dix vers sur les lettres du nom de Joyce, paraît dans la revue américaine Contempo. Publication à Londres de More Pricks than Kicks (Bande et sarabande) sans grand succès. Parution dans Dublin Magazine d’un quatrain intitulé Gnome. Sa nouvelle A Case in a Thousand paraît dans le numéro d’août de The Bookman
 

 

1935. Écrit en anglais le roman Murphy. Assiste à une conférence de Jung. Publication à Paris d’un recueil de poèmes en anglais, Echo’s Bones and Other Precipitates.
 

 

1936. Quitte Londres fin septembre et voyage en Allemagne. Dublin Magazine publie An imaginative Work, compte rendu de The Amaranthers de Jack B. Yeats, et son poème Cascando.
 

 

1937. Rentre à Foxrock. Octobre, décide de quitter l’Irlande et s’installe à Paris à l’hôtel Libéria. Écrit des poèmes en français qui ne seront publiés qu’en 1946 dans Les Temps Modernes. Rencontre les frères van Velde, Duchamp, Giacometti...
 

 

1938. Le soir du 7 janvier, est poignardé et transporté à l’hôpital Broussais. Revoit la pianiste Suzanne Deschevaux-Dumesnil. Son poème Ooftish est publié dans Transition. Depuis avril, vit au 6 rue des Favorites. Péron traduit Alba pour Soutes, la revue de Luc Decaunes. Murphy est publié à Londres.
 

 

1939. Se rend à Dublin en juillet où il se trouve au moment de la déclaration de guerre. Choisit de revenir en France. Est à Paris le 3 septembre.
 

 

1940. Part en juin à Vichy où résident les Joyce puis à Toulouse, Cahors et Arcachon. Fin octobre, rentre à Paris et est introduit dans la résistance naissante par Péron ; joue le rôle de boîte aux lettres et traduit les informations en anglais pour le réseau Gloria.
 

 

1941. Mort de Joyce à Zurich. Commence à écrire Watt.
 

 

1942. En août, Suzanne et lui échappent de peu à une arrestation par la Gestapo. Quittent la rue des Favorites, vont de cachette en cachette et s’installent finalement en novembre à Roussillon dans le Vaucluse.
 

 

1943. Dans une petite maison du village, poursuit la rédaction de Watt. Se lie avec le peintre Hayden avec qui il joue aux échecs. Travaille pour le maquis.
 

 

1944. Le 24 août, les premiers soldats américains arrivent à Roussillon.
 

 

1945. Le 30 mars, pour services rendus au réseau Gloria, reçoit la croix de guerre avec étoile d’or. En avril, retour à Paris, se rend en Irlande où il se porte volontaire dans la Croix-Rouge irlandaise (qui s’installera à Saint-Lô) en qualité d’économe-interprète. À Saint-Lô il écrit deux poèmes et Bosquets de Bondy, resté inachevé. Cahiers d’Art lui commande un essai critique sur la peinture de Bram et Geer van Velde. Rentre à Paris en octobre.
 

 

1946. Quitte son poste à l’hôpital de Saint-Lô. Son poème anglais Saint-Lô est publié dans l’Irish Times. Soumet à Jean-Paul Sartre, qu’il a rencontré lorsqu’il était lecteur à la rue d’Ulm, la nouvelle Suite qui paraît dans Les Temps Modernes et portera ensuite le titre La Fin. Commence en juillet Mercier et Camier, seconde version des Bosquets de Bondy et première tentative romanesque en français. Écrit en une semaine L’Expulsé que Max-Pol Fouchet publie dans Fontaine en décembre. Écrit Premier amour qui ne paraîtra qu’en 1970. Commence une nouvelle intitulée Le Calmant. En novembre, publication de douze poèmes dans Les Temps Modernes et de La Peinture des van Velde dans Cahiers d’Art.
 

 

1947. Termine Le Calmant et écrit Eleutheria, pièce en 3 actes. Commence Molloy en septembre. Publication française de Murphy chez Bordas.
 

 

1948. Maria Jolas vend Transition à Duthuit qui publie trois poèmes français de Beckett. Derrière le miroir lui commande un article sur les van Velde. Écrit Malone meurt. Entre octobre 1948 et fin janvier 1949, écrit En attendant Godot.
 

 

1949. Traduit un poème d’Henri Michaux « À hue et à dia » (« To right nor left ») pour la Review K. Traduit un poème de Gabriela Mistral qui paraît en janvier dans la revue Transition. Collabore régulièrement à cette revue qui réunit, entre autres, autour de Duthuit, de Staël, Riopelle, Bram van Velde, Breton, Éluard, Sartre, écrivains et artistes qui participent à des discussions animées. Évoque la quintessence de ses conversations avec Duthuit sur l’art de Pierre Tal Coat, André Masson, Bram van Velde, dans Three Dialogues qi paraît dans le numéro de décembre. Écrit L’Innommable.
 

 

1950. Rencontre Roger Blin qui s’est enthousiasmé pour son œuvre à la lecture du manuscrit d’En attendant Godot. Part pour Dublin. Sa mère meurt le 25 août. Traduit pour l’Unesco une centaine de poèmes mexicains réunis par Octavio Paz (publication en 1958). Novembre, Jérôme Lindon lit Malone meurt, L’Innommable et Molloy et décide de les publier aux Éditions de Minuit.
 

 

1951. Publication en français de Molloy et Malone meurt.
 

 

1952. Se fait construire une petite maison à Ussy-sur-Marne

Ussy est une commune française située dans le Département de Seine et Marne, Île de France. Située à 4 Kms de la-Ferté-sous-Jouarre, ses habitants, 979 en 2010 sont des Ussois. Voici quelques photos du village et de la maison de Beckett.Vue aérienne d'Ussy-sur-MarneLa Mairie d'Ussy

Mairie d'-Ussy-sur-Marne mairieLa maison de BeckettimagesZ8MF0732Ussy Maison de Beckett

  Il y vivra pendant près de quarante ans. L'Association pour la sauvegarde d'Ussy-sur-Marne a publié cette brochure en Mars 2001. Cette association est présidée par Paule SavaneBeckett à Ussy-sur-Marne007. La secrétaire en est sa fille Laurence Warot, journaliste et bibliothécaire. Paule Savane est la veuve de Joffre Dumazedier

Joffre Dumazedier, né en 1915 et mort en 2002, est un sociologue français.

Sociologue du loisir et de l'auto-formation

Joffre Dumazedier est considéré comme l'un des pionniers de la sociologie du loisir et l’auteur le plus éminent en la matière depuis son ouvrage paru en 1962 Vers une civilisation du loisir ?. Il est également un contributeur fécond dans le domaine de la formation par sa réflexion sur le secteur novateur de l'auto-formation . Après une longue expérimentation, après la seconde guerre mondiale, il inventera une méthode socio-pédagogique de simplification du travail intellectuel : l'Entraînement mental.

 

Voici la brochureBrochure Beckett à UssyBeckett à Ussy-sur-Marne002

Les photos qui suivent sont publiées tous droits réservés

D'abord la colline avec la maison de Samuel BeckettBeckett à Ussy-sur-Marne006L'emplacement, hors village et pas facile à découvrirBeckett à Ussy-sur-Marne003La "Petite maison" de Beckett , un pastel d'Evelyne NoviantBeckett à Ussy-sur-Marne004Et Samuel Beckett en personne devant son bureau à UssyBeckett à Ussy-sur-Marne005

 

Publication d’En attendant Godot. Commence à écrire certains des Textes pour rien.
 

 

1953. Première d’En attendant Godot au théâtre de Babylone. Jérôme Lindon édite L’Innommable. Watt paraît en anglais à Paris chez Olympia Press, interdit par la censure en Grande-Bretagne. Entreprend la traduction anglaise de ses textes écrits en français, notamment d’En attendant Godot.
 

 

1954. Parution de l’Hommage à Jack B. Yeats aux Lettres Nouvelles. Part en Irlande où il reste trois mois et demi près de son frère malade qui décède le 13 septembre. Retour à Paris. Waiting for Godot est publié à New York. Commence Fin de partie.
 

 

1955. Molloy paraît en anglais (interdit en Irlande). Représentation de Waiting for Godot à Londres à l’Arts Theatre Club. Le Calmant, La Fin et une nouvelle version de L’Expulsé sont publiés dans le volume Nouvelles et textes pour rien. Écrit From an Abandoned Work.
 

 

1956. Le 3 janvier, première de Waiting for Godot aux États-Unis (mise en scène Alan Schneider). Traduit Malone meurt en anglais et achève la première version de Fin de partie. Écrit Acte sans paroles. Compose All That Fall, sa première pièce radiophonique. Le journal des étudiants de Trinity Collège publie From an Abandoned Work (D’un ouvrage abandonné ). Malone Dies paraît à New York. Traduit Fin de partie en anglais.
 

 

1957. Publication à Paris de Fin de partie et de Acte sans paroles I. All That Fall est édité en anglais et diffusé sur la BBC. Les Lettres Nouvelles publient Tous ceux qui tombent dans la traduction de Robert Pinget. From an Abandoned Work est publié dans l’Evergreen Review. Traduit L’Innommable en anglais.
 

 

1958. The Unnamable et Krapp’s Last Tape (La Dernière bande) paraissent en anglais.
 

 

1959. Nommé Docteur ès lettres honoris causa par Trinity Collège. La Dernière bande paraît dans Les Lettres Nouvelles. La pièce radiophonique Embers (Cendres) est publiée en anglais et en français. La revue X édite L’Image, fragment d’un nouveau récit qui deviendra Comment c’est. Compose Acte sans paroles II.
 

 

1960. Achève Comment c’est. Rédige en anglais Happy Days (Oh les beaux jours). Publication bilingue de sa traduction en anglais de La Manivelle de Robert Pinget (The Old Tune).
 

 

1961. Mariage le 25 mars avec Suzanne à Londres. Partage avec Jorge Luis Borgès le Prix International des Éditeurs. Publication de Comment c’est (Minuit) et de Happy Days (Grove Press). Traduit Comment c’est en anglais et Happy Days en français.
 

 

1962. Publication de The Expelled (L’Expulsé) en janvier dans Evergreen Review. Écrit la pièce radiophonique Words and Music diffusée par le BBC et publiée dans Evergreen Review.
 

 

1963. Travaille à la traduction française et allemande de Play (Comédie / Spiel). Oh les beaux jours paraît en français.  Sa pièce radiophonique Cascando est diffusée par l’ORTF et est publiée. Madeleine Renaud joue Oh les beaux jours à l’Odéon puis à Venise. Happy Days est représentée à Dublin.
 

 

1964. Play (Comédie), créée à New York, est publiée en anglais et en français. Finit le scénario de Film. Sur le tournage, rencontre et travaille avec Buster Keaton.
 

 

1965. Assume la mise en scène de nombre de ses pièces. Séjour à Londres pour Godot. Termine Eh Joe, courte pièce pour la télévision à l’intention de Jack McGowran et Come and Go, sa propre traduction de Va-et-vient. Film est présenté dans les festivals et remporte une série de prix. Publication d’Imagination morte imaginez.
 

 

1966. Traduit Eh Joe et Words and music en français. La revue Arts publie Dis Joe. Publication de Assez, Bing et Va-et-vient.
 

 

1967. Publication de Come and Go et de Film à Londres, de Têtes-mortes à Paris. Écrit Le Dépeupleur (The Lost Ones).
 

 

1968. Publication en français de Watt, de L’Issue et de Poèmes. Écrit la pièce Breath (Souffle).
 

 

1969. Voyage en Tunisie. Reçoit le prix Nobel de littérature. Publication de Sans.
 

 

 

1970. Lessness, traduction de Sans, est publié à Londres. Premier amour, Mercier et Camier et Le Dépeupleur paraissent aux Éditions de Minuit.
 

 

1971. Dirige à Berlin Oh les beaux jours.
 

 

1972. Écrit Not I (pièce pour une bouche). The Lost Ones est publié à Londres et à New York.
 

 

1973. Premier amour et Not I sont publiés à Londres. La revue Minuit publie Foirades II et lll, inédits des années cinquante. Traduit Not I en français (Pas moi). Commence à traduire Mercier et Camier en anglais.
 

 

1974. Commence That Time. Écrit Footfalls (Pas).
 

 

1975. Met en scène Pas moi avec Madeleine Renaud au théâtre d’Orsay. Écrit Ghost Trio pour la télévision. Publication de Footfalls à Londres. Écrit deux textes courts l’un en anglais, l’autre en français La Falaise et neither.
 

 

1976. Publication en français de Pour finir encore et autres foirades, recueil de textes en prose des années soixante, et en anglais de Ghost Trio et ... but the clouds…
 

 

1977. Met en scène, en allemand, La Dernière bande à l’Akademie der Kunste. Diffusion à là BBC de Ghost Trio et ... but the clouds… avec Billie Whitelaw. Écrit Company.
 

 

1978. Publication en français de Pas, suivi de Quatre esquisses et de Poèmes suivi, de Mirlitonnades. Création en français de Pas.
 

 

1979. Company est édité à Londres. A Piece of monologue (Solo) qui paraît dans The Kenyon Review. Traduit Company en français.
 

 

1980. Publication de Compagnie. Écrit en anglais Quad, pièce pour la télévision.
 

 

1981. Jérôme Lindon édite Mal vu mal dit. Écrit Rockaby (Berceuse) et Ohio Impromptu à l’occasion du symposium Beckett à l’université d’Ohio. Ces pièces sont publiées dans Rockaby and Other Short Pieces par Grove Press. Écrit un texte court en anglais Ceiling.
 

 

1982. Écrit Catastrophe à l’intention de Vaclav Havel, emprisonné pour délit d’opinion. La pièce est publiée et créée en Avignon. Parution de Solo. Écrit en anglais et réalise Nacht und Traüme pour la Süddeutsche Rundfunk. Écrit Worstward Ho (Cap au pire).
1983. Diffusion à la télévision allemande de Nacht und Traüme. Création en français de Solo et Cette fois avec David Warrilow au théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Grove Press publie What Where (Quoi Où) et Worstward Ho.
 

 

1984. Supervise à Londres la mise en scène pour une tournée en Australie de Waiting for Godot, Endgame et Krapp’s Last Tape. Festival Beckett à Edimbourgh. Publication de Quad, Nacht und Traüme et de Catastrophe à Londres. Mort de Roger Blin.
 

 

1985. Festival Beckett à Madrid. Adapte Quoi où pour la télévision.
 

 

1986. Écrit Stirrings Still (Soubresauts).
 

 

1988. Publication de L’Image et de Stirrings Still. Crise d'aphasie. Il écrit un poème "COMMENT DIRE

Samuel Beckett Comment dire

 
   

Folie —
folie que de —
que de —

comment dire —
folie que de ce —
depuis —
folie depuis ce —
donné —
folie donné ce que de —
vu —
folie vu ce —

ce —
comment dire —
ceci —
ce ceci —
ceci-ci —
tout ce ceci-ci —
folie donné tout ce —
vu —

folie vu tout ce ceci-ci que de —
que de —
comment dire —
voir —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
folie que de vouloir croire entrevoir quoi —

quoi —
comment dire —
et où —
que de vouloir croire entrevoir quoi où —
où —
comment dire —
là —
là-bas —

loin —
loin là là-bas —
à peine —
loin là là-bas à peine quoi —
quoi —
comment dire —
vu tout ceci —
tout ce ceci-ci —

folie que de voir quoi —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
loin là là-bas à peine quoi —
folie que d’y vouloir croire entrevoir quoi —
quoi —
comment dire —
 

comment dire

 

© Minuit           

 

 

 

1989. Publication de Soubresauts et Le Monde et le pantalon, suivi de Peintres de l’empêchement. Mort de Suzanne Beckett le 17 juillet. 22 décembre, mort de Samuel Beckett qui repose au cimetière Montparnasse.

Le SUICIDE collectif des BOBACS (Jean Giono)

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Il s'agit d'un petit rongeur de la famille des Marmottes, tout comme le Lemming.

 

L'histoire de leur suicide collectif annuel est racontée par Jean Giono dans le Nice-Matin du 12 septembre 1964 et repris par René Barjavel dans son livre remarquable, intitulé "La Faim du Tigre", édité chez Denoël et que je vous recommande chaudement

 

Certaines photos sont publiées sous licence "creation common. Attribution paternité share alike 3.0 unportedbobacs 

 

Comme les Lemmings vivant dans les montagnes scandinaves, les Bobacs, qui vivent en Sibérie méridionale ont commencé à se suicider vers 1875-1876. La date nous indique à voir là une conséquence indirecte du massacre par les hommes de quelque espèce prédatrice équilibrante, probablement le loup en l'occurence. N'oublions pas que le fusil de chasse est une invention du XIXe siècle. Le loup raréfié, le bobac s'est mis à proliférer jusqu'au nivbeau de rupture

 

Alors le trop-plein s'est mis à couler vers l'océan Glacial Arctique. Le géographe et biologiste russe Potanine a assisté pour la première fois en 1880 au suicide des bobacs et il l'a fait pendant 20 ans

Mais laissons raconter Jean Giono:

 

"...au mois de mai, les bobacs sortent de leur galerie souterraine Lemming 

 

Ils se réunissent par centaines de mille, voire par millions, et se mettent en marche. Le chemin dans lequel ils s'engagent a trois mille kilomètres de long
Le premier jour du voyage, une sorte de clivage se fait entre les bobacs destinés au suicide et ceux qui doivent assurer la continuité de l'espèce. Tout le monde part, mais au crépuscule quelques millions de bobacs retournent aux labyrinthes souterrains. Comment se fait le clivage? Personne ne le sait.
On a remarqué que la troupe destinée à se suicider est fort joyeuse. Les animaux jouent entre eux, lutinent les femelles..."marmotte7

 
Parenthèse: au moment où paraissait l'article de Giono, les télévisions française et allemande projetaient une rétrospective de la déclaration de  la guerre de 1914. Le parallélisme des deux tableaux est saisissant. Nous avons vu sur le petit écran des population entières-française, allemande, autrichienne, russe...partir vers les gares dans un délire de joie. On aurait pu écrire les mêmes phrases "... la troupe destinée à se suicider est fort joyeuse. Les hommes jouent entre  eux, lutinent les femmes..."Puis le clivage se fait. Une partie de la population retourne à ses demeures. Une autre partie toujours joyeuse, s'embarque vers la mort.

Mais retournons aux bobacs.
Ils mettent quatre mois à franchir les trois mille kilomètres qui les séparent du lieu où ils vont mourir. Ils suivent la rive gauche de l'Iénisséi.marmotte-20

"Les bobacs marchent nuit et jour sans arrêt. Ils se nourrissent en marche, ils ne maigrissent pas , ne manifestent jamais de fatigue. Aux environs de juillet, ils sont à la hauteur de Touroukhansk. Dès qu'ils ont dépasé le confluent de la Toungouska inférieure, ils traversent l'Iénisséi pour passer sur la rive droite. A travers la toundra, ils se dirigent vers le bord occidental de la prequ'île de Taïmyr. Arrivés là, ils se jettent dans l'océan Clacial Arctique et se noient tous" A l'endroit où les bobacs traversent l'Iénisséi, le fleuve a plus de deux kilomètres de large. " Ils déploient à cette occasion, dit Albin Kohn, une science de la nage aussi subtile que celle de la loutre, ils sont aussi à leur aise dans l'eau que des poissons, il ne se perd pas un seul animal pendant la traversée"

Et voici comment Giono décrit leur comportement final, d'après Potanine:
"Ils arrivent à petit pas au bord de la mer, entrent dans l'eau et se noient instantanément, sans esquisser le moindre mouvement. Bientôt la  petite baie est remplie de cadavres, peu à peu emportés vers le large, pendant que toute la troupe se noie, délibérément, sans hâte et sans une seule exception
Ce suicide collectif dure chaque fois deux à trois jours ou, plus exactement, de quarante-huit à soixante douze heures, car il n'y a pas d'arrêt, et la nuit la cérémonie continue"Le suicide des Bobacs-La faim du Tigre de Barjavel
La différence du comportement des bobacs dans l'Iénisséi et dans la mer montre bien qu'ils ne sont pas la proie d'un réflexe d'aoutodestruction anarchique. Ils ne doivent pas mourir n'importe comment n'importe où

Ils obéissent à une ordre précis. Ils marchent vers la mort pendant quatre mois, joyeusement, ignorant sans doute où ils vont et pourquoi ils y vont. Comme ils ignorent le pourquoi de ce qu'ils font quand ils s'accouplent
C'est bien effectivement, un instinct du même ordre que l'instint de reproduction qui semble avoir surgi pour les jeter à la mer?. Il joue en sens inverse, pour la mort au lieu de la vie, mais il se manifeste de la même façon: un appel impératif inéluctable, auquel on obéit avec une joie puissante. Tous les savants qui ont étudié  le suicide des bobacs sont en effet d'accord pour constater, avec étonnement , que les millions de petits êtres qui trottinent à travers tout un continent pour aller se noyer, y vont joyeusement, comme on va vers un but délectable. Et peut-être l'instant où ils entrent dans la mer et se donnent la mort est-il un instant de plaisir inicible, comme l'instant où se transmet la vie. L'instinct de vie et l'instinct de mort ne s'inhib
ent d'ailleurs pas l'un l'autre. Pendant leur voyage, les bobacs s'accouplent et mettent bas. Mais ils abandonnent leurs petits, car ils ne doivent pas s'arrêtermarmotte ld4
Pendant les guerres des hommes, on voit aussi les permissionnaires venir semer des enfants, puis repartir vers la mort en abandonnant le terrain et la récolte.

L'individu n'est rien. L'espèce le commande. Et la loi d'équilibre commande les espèces. Pour obliger les hommes à se faire tuer, l'espèce a mis au point, sous des formes sociales, des moyens de contrainte auxquels il ne peut pas résister. Propagande d'abord, qui lui fera remplacer la peur de sa propre mort par l'ardent désir de provoquer celle de son semblable. Puis, lorsque la réalité le frappe et efface la propagande, l'impossibilité de s'échapper du mécanisme à tuer et à mourir dont il est une pièce à la fois active et passive
marmotte-26

La différence entre l'homme et le bobac, c'est que le bobac ignore qu'il va mourir-du moins nous le supposons-et que l'homme ignore seulement pourquoi il meurt
Dans l'un et dans l'autre cas, il y a mensonge. Le bobac croit aller vers une nouvelle joie alors qu'il va vers la dernière. L'homme croit mourir pour défendre sa terre, sa femme, sa liberté, ses idées, alors qu'il meurt simplement parce qu'il est de trop
A moins que...
A moins que le bobac sache  vraiment qu'il va mourir. Et qu'il soit joyeux parce qu'il sait ce qu'est la mort.

Dans ce cas, nous devrions regretter de n'être pas bobacsmarmotte-21Et ce 13 Juin les belges vont se précipiter dans leurs bureaux de vôte...., COMME DES BOBACS

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